Cannabis : une nouvelle arme contre les douleurs chroniques
Les scientifiques ont longtemps cherché un moyen non addictif de traiter les douleurs chroniques. Aujourd’hui, le cannabis pourrait offrir une solution plus sûre.

Dès le Moyen Âge, les médecins arabes cherchaient des dosages de cannabis « soulageant la douleur sans intoxiquer », écrit l’historien Martin Booth. La recherche actuelle sur la marijuana poursuit la même quête.
C’est le graal de la recherche sur le soulagement de la douleur : un médicament comparable aux opioïdes les plus forts, mais sans leurs effets secondaires potentiellement dévastateurs. Quand Kaavya Krishna Kumar, alors biophysicienne et spécialiste en biologie structurale à la faculté de médecine de l’université Stanford, a cherché une nouvelle façon d’en développer un, elle savait qu’elle devait miser sur une substance qui frapperait le corps avec une force incroyable. En explorant sur Internet les recoins les plus glauques du forum Reddit, elle a découvert une drogue illégale réputée rendre les gens à la fois très euphoriques et très malades.
Baptisé FUBINACA, ce cannabinoïde de synthèse est une molécule produite en laboratoire pour cibler les mêmes zones du système nerveux que le tétrahydrocannabinol (THC), le principal composé psychoactif du cannabis. Des chimistes clandestins fabriquent ce type de drogues depuis le début des années 2000, quand l’usage récréatif de la marijuana était encore interdit aux États-Unis et que les cannabinoïdes de synthèse ont commencé à s’imposer comme des substituts bon marché et quasi légaux. D’abord souvent sous forme de poudre, ils sont ensuite généralement dissous dans des solvants,
puis pulvérisés sur des supports végétaux vendus sous l’appellation d’« encens » ou de « pot-pourri ». « Impropre à la consommation », peut-on parfois lire sur l’étiquette – une façon d’échapper à la réglementation. Vendus sur le marché parallèle sous des noms tels que « Spice » ou « K2 », ces produits de synthèse ont suscité des inquiétudes en matière de santé publique en raison de leur toxicité et des risques de contamination. Leur composition chimique et leurs concentrations peuvent varier d’un produit à l’autre, avec des effets secondaires allant d’épisodes maniaques à des crises cardiaques.
Mais Kaavya Krishna Kumar (qui est aujourd’hui rattachée à la faculté de médecine de l’université Cornell) a vu dans le FUBINACA une solution possible pour mieux comprendre le fonctionnement de notre système de gestion de la douleur. Avec une équipe dirigée par des chercheurs de Stanford et de la faculté de médecine de l’université Washington de Saint-Louis, elle a réussi à mettre au point une façon innovante de le modifier.

Comparé aux saisies des forces de l’ordre dans les années 1990, le cannabis cultivé aujourd’hui aux États-Unis contient en moyenne beaucoup plus de THC, le principal composé psychoactif de la plante.
Début 2025, ils ont publié ensemble une étude montrant qu’un médicament dérivé du FUBINACA soulageait durablement la douleur chez les souris, et ce, apparemment sans provoquer chez elles d’effets secondaires psychoactifs ni d’accoutumance. Ces conséquences indésirables ont freiné les avancées sur d’autres analgésiques cannabinoïdes potentiels, atténuant du même coup l’enthousiasme pour ce qui avait semblé être une solution prometteuse pour remplacer les opioïdes.
Aujourd’hui, certains scientifiques espèrent que les recherches de Kaavya Krishna Kumar et de ses pairs pourront donner un nouveau souffle à cette quête – et, peut-être, ouvrir des perspectives thérapeutiques encore plus vastes.
