Les néonicotinoïdes seraient aussi une menace pour les mammifères

Plusieurs études prouvaient déjà leur contribution au déclin massif des insectes. Les néonicotinoïdes seraient également néfastes pour les mammifères comme les lapins et les cerfs, mais aussi les oiseaux.

De ELIZABETH ROYTE
Publication 18 févr. 2021, 11:41 CET
Ces graines de maïs ont été enrobées de clothianidine, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Ces substances ...

Ces graines de maïs ont été enrobées de clothianidine, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes. Ces substances liées au déclin des populations d'insectes ont également été détectés chez des animaux plus grands, comme les cerfs ou les oiseaux.

PHOTOGRAPHIE DE Anand Varma, Nat Geo Image Collection

Cet article est le fruit d'une collaboration avec l’organisation à but non lucratif Food & Environment Reporting Network, dont le journalisme d’investigation s’intéresse aux questions environnementales et alimentaires.

 

Sous un ciel couvert du mois de janvier à Estelline, dans le Dakota du Sud, Jonathan Lundgren remonte la fermeture éclair d'une veste enfilée par-dessus sa polaire et s'avance, casquette vissée sur la tête, dans la neige qui recouvre son exploitation, la Blue Dasher Farm, pour rejoindre la salle de traite qu'il a transformée en laboratoire de biochimie.

Lundgren est un drôle d'animal : à la fois agriculteur investi dans la réforme de cette profession et scientifique, anciennement au service du département de l'Agriculture des États-Unis, qui continue de mener des analyses chimiques. Entouré de l'habituelle panoplie des laborantins — un spectrophotomètre, un thermocycleur et une centrifugeuse — Lundgren jette un œil dehors sur le troupeau de moutons rassemblé dans sa pâture et son impressionnante volée d'oies, de poules, de dindes et de canards. Puis, il se tourne vers les rates de cervidés posées devant lui. Depuis des mois, il les analyse à la recherche de traces d'insecticides appelés néonicotinoïdes.

Dérivés de la nicotine, les néonicotinoïdes ont été développés dans les années 1990 comme une alternative préférable aux substances plus toxiques et durables alors utilisées en agriculture. De nos jours, ce sont les pesticides les plus utilisés au monde, efficaces contre les pucerons et les cicadelles ainsi qu'une grande variété de vers, de coccinelles et de foreurs. Aux États-Unis, plus de 60 millions d'hectares de cultures emploient des semences enrobées de néonicotinoïdes, une substance qui se retrouve ensuite dans toutes les parties de la plante : les racines, les tiges, les fruits, le pollen et le nectar. Lorsque des insectes mâchent ou aspirent leur section préférée, ils se recroquevillent et meurent.

L'histoire nous montre que des pesticides au spectre aussi large peuvent avoir des conséquences indésirables, et diverses études suggèrent que les néonicotinoïdes associés au changement climatique et à la destruction des habitats contribueraient à l'inexorable déclin des populations d'insectes à travers l'Amérique du Nord et l'Europe. Les abeilles, essentielles à la pollinisation des cultures, ont été particulièrement touchées par ce phénomène.

Les preuves de la nocivité sont suffisamment convaincantes pour que l'Union européenne décide d'interdire l'utilisation de trois néonicotinoïdes parmi les plus répandus. Il apparaît de plus en plus clair que la menace ne concerne pas uniquement les abeilles et autres insectes utiles.

Ces dernières années, les scientifiques ont découvert que seuls 5 % des néonicotinoïdes de l'enrobage des semences étaient absorbés par la plante. Le reste des produits chimiques est emporté par le ruissellement ou l'érosion de la semence et s'accumule dans les sols ou les cours d'eau, ce qui entraîne l'exposition d'un large éventail d'espèces sauvages. Un nombre croissant de preuves montre que les substances initialement conçues pour lutter contre les invertébrés s'avèrent également néfastes pour les mammifères, les oiseaux et les poissons.

Certaines des preuves les plus récentes ont été rassemblées cet hiver par Lundgren dans son laboratoire ; ces données suggèrent qu'un nombre considérable de cervidés sauvages de l'Upper Midwest des États-Unis auraient des néonicotinoïdes dans leur rate.

 

UNE EXPÉRIENCE UNIQUE

L'un des premiers signes de la dangerosité des néonicotinoïdes pour les grands animaux provient d'une autre étude à laquelle Lundgren a participé, où il était également question de cervidés, captifs cette fois.

En 2015, une équipe de scientifiques de l'université d'État du Dakota du Sud s'est proposé d'étudier l'impact sur les grands herbivores de l'imidaclopride, un néonicotinoïde utilisé pour le maïs, le soja, le blé et le coton. Les chercheurs ont mené une expérience inédite sur un troupeau de biches de Virginie, composé de 21 femelles adultes et de 63 faons nés de ces femelles au cours de l'expérience. L'écologiste Jonathan Jenks et l'étudiante Elise Hughes Berheim ont ajouté à l'eau des animaux différents dosages d'imidaclopride.

Lors de l'euthanasie du troupeau deux ans plus tard, les chercheurs ont découvert que les animaux dont la rate contenait les plus hauts taux de pesticides avaient des mâchoires raccourcies, un poids réduit et des organes sous-dimensionnés, notamment les organes génitaux. Plus d'un tiers des faons sont morts prématurément et le taux d'imidaclopride dans les rates de ces faons était nettement supérieur à celui des survivants. Par ailleurs, les adultes et les faons présentant les taux de pesticides les plus élevés ont mené une vie moins active, ce qui dans la nature se serait traduit par une vulnérabilité accrue face aux prédateurs.

Un cerf de Virginie broute à l'ombre d'un chêne à proximité d'Ocala en Floride. Dans le Dakota du Nord et le Minnesota, des néonicotinoïdes ont été détectés dans les tissus de cerfs qui les ont probablement ingérés en se nourrissant ou en s'abreuvant.

PHOTOGRAPHIE DE Mark Emery, Nat Geo Image Collection

Certains de ces cerfs présentaient des concentrations d'imidaclopride bien plus importantes que celles constatées dans les cours d'eau ou les zones humides naturelles. Cependant, l'équipe a également analysé les rates de cerfs sauvages prélevés sur une période de huit ans par les autorités responsables de la chasse dans le Dakota du Nord. Jenks a été surpris de constater que ces animaux présentaient des teneurs en imidaclopride plus de trois fois supérieures à celles qui avaient provoqué des anomalies chez les animaux captifs de son troupeau. Selon son hypothèse, les animaux sauvages auraient été contaminés par l'eau et la nourriture qu'ils consomment.

Publiés dans la revue Scientific Reports en mars 2019, les résultats ne sont pas passés inaperçus pour les gestionnaires et les chasseurs de gibier à proximité des terres agricoles et pour quiconque se sent concerné par les impacts sur la faune des substances utilisées en agriculture. Après tout, les animaux à la mâchoire malformée et aux organes reproducteurs sous-dimensionnés risquent de rencontrer des difficultés liées à l'alimentation ou à la reproduction. « Les néonicotinoïdes pourraient avoir des effets catastrophiques sur les populations de cerfs de Virginie, » déclare Jennifer Sass, scientifique de l'organisation environnementale Natural Resources Defense Council.

Le marché des néonicotinoïdes est dominé par cinq fabricants établis en Europe, aux États-Unis et au Japon. Bayer CropScience, formé suite à l'acquisition de Monsanto par le groupe allemand, est l'un des plus grands producteurs au monde de néonicotinoïdes et le premier fabricant d'imidaclopride. Le porte-parole de Bayer, Alexander Hennig, rejette l'étude menée par l'université du Dakota du Sud en raison de son « manque de fiabilité. »

« Aucun des effets mentionnés n'a été observé chez les populations sauvages de cerfs, » affirme Hennig par e-mail. « Plusieurs autorisations ont été délivrées à des utilisations vétérinaires qui permettent notamment une application directe des néonicotinoïdes sur les animaux de compagnie ou le bétail afin de les protéger des puces et des tiques. Cela n'aurait pas été possible si nous, régulateurs, avions déterminé qu'il existe un risque pour les vertébrés. »

D'après Hennig, si les néonicotinoïdes ont été développés en tant qu'insecticides, c'est en partie parce qu'ils n'agissent pas de la même façon sur les vertébrés : ils se fixent sur des récepteurs de surface cellulaire bien moins prévalents chez les vertébrés.

 

ACCUMULATION DE PREUVES

Les cerfs ne sont pas la seule espèce à consommer des néonicotinoïdes par inadvertance. La biologiste Charlotte Roy du département des Ressources naturelles du Minnesota a constaté que divers animaux consommaient volontiers des semences enrobées de néonicotinoïdes lorsqu'ils en avaient l'occasion, par exemple lors des semailles du printemps.

Dans le cadre d'une étude parue en 2019, Roy a installé des pièges photographiques dans des champs où elle avait délibérément répandu des semences traitées. Son appareil à capteur de mouvement a photographié plus d'une dizaine d'espèces d'oiseaux (dont des faisans, des oies et des dindes), ainsi que des ours, ratons laveurs, lapins, renards et moufettes se nourrissant de ces semences.

Selon Roy, le déversement accidentel de semences par les semoirs agricoles se produit fréquemment. Les entreprises de la filière semencière conseillent aux agriculteurs de les ramasser, mais il est courant de croiser des petits tas pouvant contenir des milliers de semences. Roy et ses collègues estiment que ces déversements surviennent par dizaines de milliers chaque année dans le Minnesota.

Bien que l'influence précise des semences enrobées de néonicotinoïdes sur la croissance, le développement et le fonctionnement des organes chez les vertébrés reste sujette à débat, les preuves de leur dangerosité ne cessent de s'accumuler.

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    Des faisans de Colchide et d'autres animaux ont été observés en train de se nourrir de semences traitées aux néonicotinoïdes déversées dans des champs.

    PHOTOGRAPHIE DE Robbie George, Nat Geo Image Collection

    Au Canada, des chercheurs ont montré que la consommation de seulement quatre graines de canola traitées à l'imidaclopride sur une période de trois jours pouvait affecter la capacité d'un corbeau à migrer. L'année dernière, un étudiant en master à l'université d'État du Dakota du Sud a démontré que plus les faisans de Colchide (l'animal le plus chassé dans les Dakotas) consommaient des graines de maïs traitées, plus ils étaient susceptibles d'être en sous-poids, faibles et léthargiques. D'après le chercheur, les oiseaux de l'étude avaient ingéré moins de graines traitées que ce qui a déjà pu être observé dans la nature. Quant aux oiseaux davantage exposés au pesticide, les résultats font état d'un nombre d'œufs réduit, d'un retard d'une semaine dans la construction du nid et d'un déclin de 20 % de la survie des oisillons.

    Des études menées en laboratoire apportent une série de preuves attestant de la dangerosité de l'exposition aux néonicotinoïdes pour les animaux vertébrés. Elle provoque une baisse de la production de spermatozoïdes et une augmentation des fausses couches ainsi que des anomalies du squelette chez les rats ; une suppression de la réaction immunitaire des souris et de la fonction sexuelle des lézards siciliens mâles ; une mobilité défaillante chez les têtards ; une augmentation des fausses couches et des naissances prématurées chez les lapins ; et une baisse de la survie des perdrix rouges, à la fois adultes et juvéniles.

    Au Japon, des scientifiques ont lié l'effondrement de la pêche lucrative à l'emploi généralisé de l'imidaclopride dans les rizières et les champs voisins.

    L'année dernière, Eric Michel, spécialiste des ongulés au département des Ressources naturelles du Minnesota et coauteur de l'étude sur les cerfs de Virginie, a lancé un appel aux chasseurs afin de récolter les rates des cervidés qu'ils avaient abattus. Son objectif était d'en apprendre plus sur la présence ou l'absence des néonicotinoïdes chez les animaux du Minnesota, afin d'établir des limites sur les permis de chasse à la biche. « Nous voulons avoir connaissance de tout ce qui peut avoir un impact sur les dynamiques de la population, » indique-t-il.

    Au total, ce sont près de 800 rates qui ont été envoyées à Lundgren pour une analyse chimique. D'après les premiers résultats, plus de 50 % des rates seraient positives aux néonicotinoïdes. À l'heure actuelle, Lundgren conduit une seconde analyse des échantillons afin de contre-vérifier son travail.

    En parallèle, il examine les rates de 100 loutres de rivière, lynx roux et pékans ; des prédateurs au sommet de leur chaîne alimentaire qui ont été capturés légalement dans le Dakota du Nord. Ses résultats temporaires suggèrent que les néonicotinoïdes auraient contaminé entre 15 et 30 % des échantillons. Les animaux ont pu ingérer des pesticides ayant contaminé les plantes, l'eau ou les proies qu'ils consomment, suggère-t-il.

    Lundgren n'est pas du tout surpris par ces résultats ; il est même convaincu que les pesticides ont des effets considérables sur la biodiversité de manière générale. « Nous sommes témoins de la détérioration des communautés biologiques depuis un moment déjà. Il est clair que nous ne saisissons pas toutes les conséquences de ces pesticides. »

    Interrogée au sujet des études qui suggèrent que les néonicotinoïdes sont nocifs pour les vertébrés, la fédération des producteurs et des distributeurs de pesticides, CropLife America, a répondu : « Comme le montrent diverses études concluantes menées à travers le monde, les néonicotinoïdes sont efficaces dans le contrôle des insectes nuisibles en milieu agricole et non agricole sans effets néfastes déraisonnables sur les organismes non ciblés lorsqu'ils sont utilisés conformément aux instructions. »

     

    QUEL IMPACT SUR L'HOMME ?

    Bien entendu, l'exposition aux néonicotinoïdes concerne également les humains. Il nous arrive d'inhaler accidentellement la substance ou de toucher des surfaces traitées dans les champs, les jardins ou lors de l'application d'un traitement antiparasitaire sur nos animaux de compagnie. Au cours des dix dernières années, l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) a enregistré plus de 1 600 cas d'empoisonnement à l'imidaclopride chez l'Homme. La sévérité des symptômes peut varier : de la simple éruption cutanée aux migraines, en passant par une respiration sifflante, jusqu'à la perte de mémoire ou même l'insuffisance rénale.

    Il nous arrive également d'ingérer des néonicotinoïdes à travers notre alimentation. Aux États-Unis, ces pesticides sont couramment appliqués sur les cultures entre autres de choux-fleurs, d'épinards, de pommes, de raisins, de courges, de melons, de tomates et de céréales dans le cadre de la pulvérisation foliaire ou du traitement des sols. Près de 100 % du maïs produit aux États-Unis est traité aux néonicotinoïdes. Dans une étude menée en 2015 par l'American Bird Conservancy et la T.H. Chan School of Public Health de l'université Harvard, les chercheurs ont identifié des traces de néonicotinoïdes dans la quasi-totalité des plats servis par les cafétérias des locaux du Congrès des États-Unis, dans des mesures jugées toutefois acceptables par l'EPA. Une étude réalisée en 2019 par les National Institutes of Health révèle la présence de néonicotinoïdes dans 49,1 % des 3 038 échantillons d'urine humaine étudiés.

    À ce jour, il n'existe aucune preuve directe de la dangerosité pour l'Homme de l'exposition aux néonicotinoïdes.

    À l'heure actuelle, l'homologation de cinq néonicotinoïdes, dont l'imidaclopride, fait l'objet d'un réexamen par l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis. Des organisations environnementales et des experts de la santé soutiennent que les analyses menées par l'agence n'ont eu de cesse de sous-estimer le coût du recours aux néonicotinoïdes tout en surestimant ses bienfaits. Ces groupes sollicitent une suspension ou une restriction sévère de nombreux usages des néonicotinoïdes ainsi qu'une interdiction de leur présence dans l'alimentation, ce qui empêcherait véritablement leur utilisation sur les cultures. À titre d'exemple, les producteurs biologiques n'utilisent aucun néonicotinoïde. Après étude, l'EPA pourrait établir de nouveaux niveaux de tolérances plus strictes, ce qui permettrait d'utiliser les néonicotinoïdes en agriculture dans une certaine mesure.

    Des tracteurs déchargent leur énorme cargaison de maïs dans un parc d'engraissement près d'Imperial, dans le Nebraska, avant l'arrivée de l'orage. Près de 100 % du maïs produit aux États-Unis est traité aux néonicotinoïdes.

    PHOTOGRAPHIE DE Randy Olson, Nat Geo Image Collection

    Il apparaît évident que l'impact potentiel des néonicotinoïdes sur les vertébrés exige de plus amples recherches. Cependant, l'étude des animaux sur le terrain est une discipline extrêmement rare, car elle demande un investissement conséquent de temps, d'efforts et d'argent. Peu d'États soutiennent de telles recherches comme l'ont fait le Minnesota et le Dakota du Sud. En outre, les données empiriques sont difficiles à recueillir. Comme l'écrit l'écotoxicologue Pierre Mineau, ex-scientifique du ministère Environnement et Changement climatique Canada, les animaux qui montrent des signes d'empoisonnement « encourent un risque élevé de prédation ou de décès. » Autrement dit, ils meurent sans laisser de traces. Les spécialistes de la réhabilitation de la faune et les gardes-chasse aperçoivent souvent des animaux malformés, mais ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour les étudier scientifiquement.

    Parallèlement, les semences enrobées de néonicotinoïdes représentent un marché mondial de 1,5 milliard de dollars que le secteur a tout intérêt à protéger. Après la publication de l'article sur les cerfs de Virginie pourtant soumis au processus habituel d'évaluation par les pairs, indique Lundgren, un semencier anonyme (à sa connaissance) a accusé l'équipe de chercheurs d'inconduite et de falsification des données. Une enquête menée par l'université d'État du Dakota du Sud a conclu que la plainte était infondée.

    « Je pense qu'ils voulaient simplement nous intimider, » déclare Lundgren. « Mais ils n'ont pas manqué d'entacher notre travail, et la crédibilité est très importante pour nous. »

    Certes, les néonicotinoïdes sont très efficaces pour éradiquer les insectes ravageurs, mais des études ont montré qu'ils n'entraînaient pas nécessairement une augmentation du rendement des cultures de soja ou de maïs, sans oublier le fait qu'ils pourraient réduire les bénéfices des agriculteurs en augmentant leurs coûts. L'Union européenne a interdit toute utilisation extérieure de trois néonicotinoïdes majeurs, dont l'imidaclopride, afin de protéger les pollinisateurs, bien que les agriculteurs puissent encore soumettre une demande de « dérogation d'urgence » pour faire face aux infestations de parasites. Fin 2020, la France a de nouveau autorisé le recours aux néonicotinoïdes dans un cadre précis : lutter contre le virus de la jaunisse qui menace les cultures de la betterave sucrière. Le Canada envisage une interdiction semblable à celle imposée par l'Union européenne. Ces deux dernières années aux États-Unis, plusieurs décrets visant à restreindre ou interdire l'utilisation des néonicotinoïdes ont été présentés dans différents états.

    Les décrets au niveau fédéral ont quant à eux pris du retard ces dernières années et les défenseurs de l'environnement restent sceptiques quant à l'importance accordée par l'administration Biden à la réglementation des néonicotinoïdes, même s'il est prévu qu'elle réexamine l'homologation du chlorpyriphos, un pesticide non-néonicotinoïde hautement toxique. Le futur secrétaire à l'Agriculture des États-Unis, Tom Vilsack, était également à la tête de ce département sous l'administration Obama ; à cette période, l'utilisation des néonicotinoïdes par les agriculteurs a augmenté.

    Si le département de l'Agriculture des États-Unis continue de promouvoir le système actuel d'enrobage des semences génétiquement modifiées à l'aide de pesticides, déclare Willa Childress, responsable organisation de Pesticide Action Network North America, « il continuera d'alimenter la hausse du recours aux néonicotinoïdes, à moins que l'EPA n'intervienne pour dire stop. »

     

    NOTRE SYSTÈME EN QUESTION

    Lundgren évite quant à lui les méandres du paysage législatif pour se concentrer sur des problèmes de plus grande envergure. Hormis l'étude de la composition des sols et des tissus animaux, son exploitation Blue Dasher Farm développe, évalue et enseigne aux agriculteurs et éleveurs américains des pratiques agricoles à la fois rentables et vertueuses du point de vue écologique.

    Ces pratiques s'inscrivent dans une démarche appelée « agriculture régénératrice », car elles visent à remettre les sols dégradés dans un état sain, naturel et non contaminé. Pour Lundgren, les néonicotinoïdes ne sont que le symptôme d'un problème plus vaste : la dépendance généralisée de l'agriculture industrielle aux produits chimiques qui contaminent les cours d'eau et affectent la santé du sol ainsi que sa biodiversité.

    « L'interdiction des néonicotinoïdes ne va pas résoudre les problèmes inhérents à notre système de production alimentaire, » affirme-t-il. « Nos travaux sur les systèmes de culture et d'élevage régénérateurs, » comme l'incitation au non-labour, l'implantation d'un couvert végétal, la promotion des insectes utiles et une rotation des cultures plus diversifiée, « montrent que nous n'avons réellement pas besoin des insecticides. »

    « Le changement ne vient pas du gouvernement, poursuit Lundgren, il vient du peuple. L'agriculture régénératrice prend de l'ampleur à un rythme effréné. Pour moi, le véritable espoir est là. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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