Et si les drogues psychédéliques favorisaient la santé mentale ?

La consommation de doses infimes de psilocybine, de LSD et d’ayahuasca à des fins auto-thérapeutiques gagne en popularité. Mais qu’en dit la science ?

De Meryl Davids Landau
Publication 8 févr. 2022, 10:00 CET
Many people are microdosing psychedelic drugs to boost their mood or mental health. Does the evidence ...

Un assortiment de « champignons magiques » (qui contiennent un composé psychédélique appelé psilocybine) est étalé dans le quartier d’Hollywood Hills, à Los Angeles, en Californie. Bien que la psilocybine soit illégale dans la majorité des cas, de plus en plus de personnes en ingèrent d’infimes quantités (des « microdoses ») pour soulager l’anxiété, la dépression et d’autres troubles mentaux.

PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

Un jour, Jaclyn Downs, nutritionniste de 43 ans habitant Lancaster, en Pennsylvanie, a entendu parler du microdosage de la psilocybine, c’est-à-dire de l’administration d’un psychédélique en quantités infimes. Un épisode de ses années universitaires lui est alors immédiatement revenu. Un groupe d’amis avait préparé un thé aux « champignons magiques » (dans lesquels on trouve de la psilocybine) et il lui avait suffi d’une petite gorgée pour passer le reste de la soirée avec la sensation d’avoir les pieds sur terre, d’être en paix et d’être présente à elle-même. En y repensant, elle s’est aperçue qu’elle avait fait l’expérience d’une « microdose ».

Jaclyn Downs s’est mise au microdosage il y a trois ans pour mieux se préparer à certaines situations, comme ce jour où elle dû rester plus tard qu’elle ne le voulait à une soirée. D’après elle, la drogue a apaisé son anxiété et lui a donné meilleure conversation. Il y a six mois, elle a adopté une habitude de consommation plus structurée et a décidé de prendre une microdose de psilocybine tous les trois jours. À l’en croire, cela l’aurait rendue plus calme et plus tolérante, surtout lorsque ses filles de six et neuf ans se disputent ou refusent d’obéir. « Avant j’étais plus dans la réaction – je me mettais en colère ou je m’agaçais – mais désormais je réagis de manière plutôt égale, confie-t-elle. L’atmosphère générale de notre foyer est plus positive. »

Ces dernières années, les drogues psychédéliques, qui étaient un sujet tabou, sont de plus en plus reconnues dans les cercles conventionnels de la société américaine. Certains psychédéliques sont même sur le point d’obtenir des autorisations médicales générales et sont, selon l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA), un « remède révolutionnaire ».

Diana Bui, Wendell Phipps et Carlyn Hope Davis sont allés faire une balade à Pacific Palisades après avoir ingéré une microdose. Ils ont ensuite décidé d’aller faire du patin à roulettes à Venice Beach.

PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

Mais il tarde à ceux qu’intriguent la promesse des psychédéliques (une catégorie qui inclut la psilocybine, le diéthyllysergamide (LSD), l’ayahuasca, la mescaline et d’autres substances psychotropes) de pouvoir en récolter les bénéfices sans avoir à prendre une dose qui leur fasse faire un voyage de plusieurs heures dans le terrier d’Alice au Pays des merveilles. Ils sont donc toujours plus nombreux à opter pour le micro-dosage, à ingérer 5 à 10 % de la quantité hallucinatoire, afin d’accroître leur bien-être, d’être plus performant au travail ou d’atténuer les effets de leur dépression et de certains démons psychologiques sans déclencher la panoplie d’effets qui vont avec une dose normale.

Mais selon les spécialistes, il n’existe que très peu de preuves scientifiques validant cette auto-médication.

« Pour autant qu’on sache, il y a peu de risques associés au microdosage. Mais il n’est pas du tout évident, en dehors des témoignages des consommateurs, que cela comporte un quelconque bénéfice », rappelle John Krystal, titulaire de la chaire de psychiatrie à l’école de médecine de Yale et spécialiste dans ce domaine.

Cela s’explique par le fait que le microdosage, parce que ses effets concernent des aspects de la vie quotidienne, est difficile à étudier en laboratoire. Les consommateurs prennent généralement une dose un ou deux matins de suite, puis sautent le matin suivant, et appliquent ce régime pendant des mois ou des années. Comme les psychédéliques sont illégaux, la loi américaine interdit aux chercheurs d’en donner à des participants pour qu’ils appliquent cette posologie depuis leur domicile. Selon Albert Garcia-Romeu, chercheur au Centre de recherche sur les psychédéliques et la conscience du Centre médical Johns-Hopkins Bayview, il n’est pas pratique d’administrer de la drogue et de surveiller des consommateurs jour après jour au sein d’un laboratoire.

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    La plupart des adeptes du microdosage consomment de la nourriture ou des thés à base de drogues psychédéliques qui libèrent une sensation de bonheur et de plaisir. Ci-dessus, un pâtissier pulvérise sur ses cookies une microdose psychédélique à base de MDMA (ecstasy), de LSD et 2C-B, drogue synthétisée pour la première fois dans les années 1970

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

    Cela représente un problème à la fois pour les chercheurs mais aussi pour les adeptes du microdosage. Lorsque des chercheurs interrogent des consommateurs réguliers sur leur expérience dans le cadre d’études observationnelles, ils ne peuvent s’assurer que chaque personne a bien pris la même quantité. Après tout, il n’existe pas de produit standardisé qu’on peut aller chercher à la pharmacie du coin. Selon Jerome Sarris, directeur de l’Institut Psychae de Melbourne, il est particulièrement difficile de déterminer la dose exacte de psilocybine obtenue à partir d’un petit tas de champignons séchés ou à partir d’un coup de langue sur un buvard de LSD.

     

    UN PHÉNOMÈNE DE PLUS EN PLUS POPULAIRE

    Personne ne sait combien de personnes pratiquent le microdosage aux États-Unis mais la pratique semble gagner en popularité. En 2018, l’analyse d’un forum Reddit dédié au microdosage avait recensé 27 000 inscrits ; début 2022, le groupe en question en comptait 183 000. Lors d’une récente conférence regroupant des acteurs du secteur des psychédéliques à Miami, on a demandé qui parmi l’assistance pratiquait le microdosage : des centaines de mains se sont levées.

    Alli Schaper est cofondatrice et P-DG de Supermush, entreprise qui vend divers sprays buccaux faits à partir de cordyceps, des champignons non psychédéliques. On la voit se détendre chez elle à Marina Del Rey, à Los Angeles, après avoir pris une microdose de psilocybine.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

    « Quand ça a commencé à devenir populaire il y a environ dix ans, le microdosage était top secret, les principaux consommateurs étaient des entrepreneurs de la tech et des hommes d’affaires », déclare Steven Holdt, créateur de « Tune In Psychedelics », une appli qui permet aux adeptes du microdosage de suivre leur posologie et d’enregistrer de manière privée les effets procurés par la drogue. Selon lui, de nombreuses personnes s’y sont mises ces dernières années grâce à des podcasts sur le sujet, à des articles parus dans la presse généraliste et au livre A Really Good Day d’Ayelet Waldman, best-seller où elle raconte comment le microdosage de LSD a guéri sa dépression récalcitrante.

    Des dizaines de patients d’Erica Zelfand, médecin naturopathe de Portland, dans l’Oregon, pratiquent actuellement le microdosage, la plupart du temps pour atténuer les effets d’une dépression ou d’un trouble du déficit de l’attention. Elle les soutient dans leur démarche mais leur explique sans détours que ce se sont des rats de laboratoire dans une expérience hors du commun. « Je leur dis que nous n’avons pas d’études pour le moment. Et surtout que nous ne connaissons pas les risques à long terme », confie-t-elle. Pour qu’un corpus de connaissances voit le jour, elle incite ses patients à publier des comptes-rendus d’expérience sur des sites de recherche participatifs comme microdose.me ou microdosingsurvey.com

    Le « Hillbilly » est une des variétés les plus communes de champignons hallucinogènes. Ce géant psychédélique pantropical pousse en pleine nature dans les États de la région de la Côte du Golfe ainsi qu’en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, mais aussi dans les Caraïbes et en Asie du Sud-Est. Celui-ci a été cultivé à Hollywood Hills, à Los Angeles.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

    DOSES ÉLEVÉES OU INFIMES ?

    Aucune des études existantes sur le microdosage n’atteint des standards permettant aux scientifiques de tirer des conclusions solides. Mais les résultats d’études récentes dans le cadre desquelles on a administré une dose psychédélique unique mais élevée à des participants dévoilent le potentiel de ces drogues longtemps boudées en matière de santé mentale. D’après les résultats d’une étude randomisée réalisée sur plus de 200 participants par l’entreprise Compass Pathways, dont la formule brevetée fait partie des « thérapies révolutionnaires » désignées par la FDA, une dose unique mais puissante de psilocybine synthétique accompagnée d’un suivi psychologique aurait permis de soulager des dépressions résistantes aux traitements. En outre, en mai 2021, des chercheurs ont affirmé dans Nature qu’une forte dose de MDMA (qui n’est pas un psychédélique ordinaire mais qui produit un effet semblable) diminuait fortement les troubles de stress post-traumatiques graves (TSPT).

    Mais Matthew Johnson, directeur intérimaire du Centre Johns-Hopkins et auteur de nombreuses études sur les psychédéliques administrés à fortes doses, rappelle que ces résultats ne peuvent être étendus aux microdoses.

    Un examen de l’état actuel des recherches sur les psychédéliques publié par Jerome Sarris en janvier 2022 souligne les problèmes auxquels sont confrontés les études cherchant à observer les effets d’une microdose ou d’une forte dose : peu d’essais randomisés à large échelle ont été faits chez les humains.

    Le test d’un traitement sur des humains commence généralement par un essai clinique de phase I qui doit permettre d’établir des jauges de sécurité ainsi que la tolérance médicamenteuse pour un petit nombre de personnes. En ce qui concerne le microdosage, de tels essais n’ont pas encore démarré. Le fabricant Diamond Therapeutics a toutefois annoncé en novembre qu’il était sur le point d’en lancer un et qu’il allait augmenter petit à petit la dose de psilocybine administrée jusqu’à atteindre la microdose idéale, soit celle qui donnera le plus d’effets positifs et le moins d’effets négatifs.

    Après avoir pris une microdose et s’être baladé dans les collines voisines, Colin Benward s’assoit à son autel pour méditer dans sa maison de Topanga Canyon, à Los Angeles.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

    Quelques études de laboratoire réalisées sur un petit nombre de personnes saines ont cherché à découvrir les effets du microdosage après la prise d’une ou plusieurs doses. Un examen publié en 2020 dans Therapeutics Advances in Psychopharmacology a recensé 14 études expérimentales de taille modeste de ce type ; la plupart concluent que le microdosage du LSD ou de la psilocybine entraîne de subtiles modifications positives des émotions et des processus de réflexion mobilisés lors de la résolution de problèmes. Les examinateurs font remarquer que certains consommateurs étaient anxieux ou exagérément euphoriques. Puisque toutes ces études ont été faites sur des individus sains, on ne sait pas si le microdosage est susceptible d’avoir un bénéfice durable chez les personnes présentant des troubles mentaux.

    Dans le cadre d’une étude néerlandaise réalisée sur 30 personnes et publiée en avril 2021, on a constaté que des personnes qui avaient pris des microdoses de psychédéliques pendant plusieurs semaines s’émerveillaient davantage quand on leur montrait des vidéos et des illustrations que pendant les semaines où on leur avait donné un placebo. Mais l’étude s’est avérée biaisée. En effet, de nombreux participants arrivaient à savoir ce qu’ils avaient pris à cause des effets secondaires qu’ils subissaient (une transpiration excessive notamment). Les chercheurs ont donc été dans l’incapacité de distinguer l’expérience véritable des participants de leurs attentes.

     

    EFFET PLACEBO ?

    Les études plus importantes ont surtout consisté à interroger des consommateurs sur leur expérience. L’une d’elle a sondé plus de mille adeptes du microdosage. Ceux-ci faisaient part d’une énergie accrue, de meilleurs résultats au travail et d’humeurs plus positives. Une autre étude ayant comparé 4 000 consommateurs à un groupe tout aussi nombreux de non-consommateurs a révélé que les participants souffrant de problèmes de santé mentale et pratiquant le microdosage disaient être moins anxieux et moins déprimés.

    Mais il y avait là un problème supplémentaire. En plus de l’impossibilité d’avoir recours à des doses standardisées, les participants pratiquaient déjà tous le microdosage avant le début de l’étude ; c’est une source potentielle de biais. « Nous devons nous montrer vigilants et ne pas surinterpréter les examens rétrospectifs encourageants apparus dans le corpus, tempère John Krystal. Le souci avec les expériences subjectives, c’est qu’il y a souvent une possibilité énorme que des effets placebo faussent l’interprétation. »

    À vrai dire, c’est précisément cet effet que dénote la meilleure étude sur le microdosage à ce jour. Il s’agit d’une « initiative de science citoyenne » impliquant quelque 200 consommateurs de LSD et de psilocybine en microdoses. Certains participants choisis au hasard par des chercheurs de l’Imperial College de Londres ont vu leur drogue remplacée par un placebo ; aucun groupe n’était en mesure de savoir ce qu’on leur avait prescrit. Au bout d’un mois, on a mesuré leur bien-être, leur satisfaction dans la vie, leurs facultés cognitives ainsi que d’autres métriques. Les personnes ayant pris des psychédéliques obtenaient des résultats psychologiques sensiblement meilleurs ; mais c’était également le cas pour ceux qui avaient reçu le placebo.

    Des spécimens de la variété « Hillbilly » exposés sur un plateau en terre. Les effets de ces champignons surgissent 15 à 30 minutes seulement après l’ingestion d’une microdose, culminent au bout de 60 à 90 minutes et disparaissent au bout de six heures.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael Christopher Brown

    Pour Albert Garcia-Romeu, qui a participé à l’interévaluation de ces recherches pour la revue eLife, il s’agissait là d’une méthode astucieuse pour arriver à étudier un grand nombre d’adeptes du microdosage compte tenu du contexte légal actuel. Le fait que tant de participants ayant reçu un placebo fassent part d’une amélioration « remet en question le phénomène du microdosage dans son ensemble », dit-il.

    Néanmoins, les études ayant eu recours à l’imagerie médicale montrent bien que quelque chose se produit en effet.

    Pour l’une d’elles, on a fait faire une IRM à 20 personnes saines quelques heures après l’administration d’une microdose de LSD ou d’un placebo. D’après Katrin Preller, neuropsychologue de l’Université de Zurich, chez ceux qui avaient reçu une microdose, l’amygdale, le centre émotionnel du cerveau, modifiait sa façon d’interagir avec d’autres régions du cerveau. D’ailleurs, ceux dont le cerveau connaissait une connectivité accrue disaient également se sentir plus enjoués. Une autre étude ayant eu recours à l’électroencéphalographie (EEG) afin de mesurer l’activité cérébrale de 22 consommateurs de microdoses de LSD a montré une activité accrue par rapport au repos, chose que l’on observe également avec les fortes doses.

     

    LES EFFETS DU MICRODOSAGE

    Malgré le manque de recherches, de plus en plus de personnes se tournent vers les microdoses, et ce pour une multitude de raisons. Selon Steven Holdt, le microdosage de psilocybine l’aide à s’amuser quand il est en compagnie d’autres personnes. Il est atteint de phobie sociale et sans les drogues, son esprit rumine constamment tout ce qu’il est susceptible de dire ou de faire. « Le microdosage m’aide à mettre fin à ce monologue interne et à être plus à l’aise et plus présent », commente-t-il. Il a déjà obtenu le même effet en prenant des psychédéliques à forte dose (il a commencé à en prendre au lycée), mais d’après lui, le microdosage est plus commode à incorporer dans la vie quotidienne. « Vous n’avez pas besoin de prendre une journée de congé ou de demander à quelqu’un de vous surveiller [dans l’éventualité d’un bad-trip] », explique-t-il.

    Nombreux sont les adeptes du microdosage qui trouvent que cela les aide dans leur travail. Dusty, quarantenaire et ingénieur du son à Philadelphie (qui a demandé qu’on ne le désigne que par son surnom), affirme que les doses infimes de LSD qu’il ingère chaque semaine stimulent sa productivité, son désir de collaborer et sa créativité au travail. Par exemple, quand il sonorise une salle avant un concert, « il y a un million de petits problèmes qu’il faut résoudre chaque jour, et il n’y a pas toujours une bonne fiche technique », déclare-t-il. Les jours où il prend une micro-dose, il a remarqué qu’il est « un petit peu plus enthousiaste à l’idée de trouver une solution de long terme à un problème plutôt que de le résoudre temporairement ».

    D’autres prennent des microdoses pour soigner eux-mêmes leurs troubles mentaux. Karen Gilbert, infirmière de 69 ans à la retraite vivant à Lopez Island, dans l’État de Washington, a bon espoir que le microdosage de psilocybine, qu’elle pratique depuis le mois de novembre, l’aidera à guérir la dépression dont elle souffre depuis plus de vingt ans. C’est une des patientes d’Erica Zelfand et selon elle, elle remarqué la différence presque tout de suite. « Pour la première fois depuis longtemps je suis emballée par les projets que je veux réaliser, j’ai l’impression que ce sont des opportunités et plus des obligations », se réjouit-elle.

    Erica Zelfand s’est elle-même essayée au microdosage quelques fois mais n’en a pas apprécié les effets. « Je ne me sens pas bien quand je le fais. Je crois que ça me met un peu à cran », confie-t-elle.

    Certains de ses patients ont eu le même type d’effets non souhaités. Les personnes souffrant d’anxiété généralisée et plus particulièrement de troubles bipolaires devraient probablement éviter d’avoir recours au microdosage, car cela entraîne agitation et manie, prévient-elle.

    Les experts s’inquiètent également de ce qu’une pratique prolongée du microdosage puisse affaiblir les valves cardiaques, à l’image des dégâts causés par la phentermine et la fenfluramine (fen-phen) prescrites dans les années 1990 pour maigrir. Albert Garcia-Romeu ajoute que les fen-phen et les psychédéliques agissent sur un des récepteurs de sérotonine du corps, le 5-HT2B.

    Même si le microdosage venait à s’avérer sans danger et efficace, certains spécialistes craignent qu’une consommation récréative répandue ne le rende obsolète à des stades ultérieurs de la vie pour les personnes qui en auront besoin mais qui se seront accoutumées au produit. « Si nous introduisons davantage ce type de substances, cela pourrait saper leur efficacité thérapeutique au moment où nous aurons véritablement besoin d’en faire un usage médical, pour la détresse de fin de vie notamment », explique Conor Murray, neuroscientifique de UCLA à l’origine de l’étude ayant eu recours à des EEG.

    John Krystal ajoute que si elles ne subissent pas les pensées et les images délirantes provoquées par les fortes doses, certaines personnes pratiquant le microdosage ont tout de même montré des déficiences. « Si cela est vrai, il va peut-être être compliqué de conduire, de prendre soin de vos enfants ou de prendre des décisions importantes au travail. »

    Et, bien évidemment, les psychédéliques sont proscrits, ce qui signifie qu’il n’existe pas de contrôle qualité sur l’approvisionnement. En outre, « des personnes perdent leur travail parce qu’elles pratiquent le microdosage, et elles peuvent être incarcérées », prévient Albert Garcia-Romeu.

    Mais même ceux qui s’inquiètent de l’usage de plus en plus répandu des drogues psychédéliques le disent, le microdosage pourrait tout de même être bénéfique à certaines personnes. Matthew Johnson pense que la pratique pourrait résoudre en partie le problème de la dépression. Il est même encore plus emballé par la possibilité de soulager une personne après une ou deux sessions à haute dose, perspective que ses recherches corroborent.

    John Krystal croit qu’on ferait mieux de s’abstenir avant d’en savoir plus sur le microdosage. « Pour le moment, ce ne devrait être fait que dans un contexte de recherche expérimentale, avise-t-il. Là, des protections peuvent être mises en place, et les données générées nous permettront de mieux comprendre ces doses et ces drogues. »

    Les études à venir sur le microdosage vont également nous renseigner sur notre cerveau. Les spécialistes ne comprennent par exemple encore pas totalement le rôle d’un autre récepteur de sérotonine, le 5-HT2A. « Nous avons encore tout un tas de choses à apprendre sur [ce récepteur]. Est-ce qu’il joue rôle dans certaines expériences mystiques d’origine naturelle comme les expériences de mort imminente ou même les témoignages d’abduction par des extraterrestres ? se demande-t-il. Comment allons-nous mettre à profit les recherches sur le microdosage pour en savoir plus sur la nature de l’esprit humain ? »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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