Que peut-on apprendre en observant 100 000 animaux depuis l’espace ?

En observant les mouvements, l’état de santé et les conditions environnementales de milliers d’animaux en même temps, le projet ICARUS cherche à résoudre des mystères scientifiques.

De Sarah Gibbens
Publication 2 déc. 2025, 09:11 CET
Les cosmonautes Oleg Artemyev et Sergey Prokopyev ont réussi à installer la première antenne du projet ...

Les cosmonautes Oleg Artemyev et Sergey Prokopyev ont réussi à installer la première antenne du projet ICARUS sur l’extérieur de la coque de la Station spatiale internationale au cours d’une sortie spatiale de presque huit heures en 2018.

PHOTOGRAPHIE DE ESA, eyevine, Redux

Un satellite a récemment été transporté dans l’espace par une fusée SpaceX. Il s’agit d’une étape cruciale d’un projet visant à suivre la vie sauvage avec une précision jamais atteinte auparavant.

Le projet ICARUS (pour International Cooperation for Animal Research Using Space, Coopération internationale pour la recherche animale depuis l’espace) a pour but d’observer des milliers d’animaux, des mammifères aux insectes, en temps réel. Le lancement du mois de novembre est une phase de test pour un nouveau satellite, plus leste, développé après une pause de trois ans du programme. Un deuxième satellite sera lancé en mars, en coordination avec la National Geographic Society. Plus de lancements devraient suivre.

Les scientifiques impliqués dans le projet expliquent qu’il ne servira pas qu’à fournir des informations sur les mouvements des animaux. Il permettra aussi d’étudier la façon dont ces mouvements aident à prédire tout ce qui va de la météo à la diffusion des maladies.

« Je suis d’avis que nous avons besoin d’un nouveau système d’observation de la vie sur Terre elle-même », déclare Martin Wikelski, directeur de l’institut Max Planck d’éthologie en Allemagne et Explorateur National Geographic.

Martin Wikelski brûle d’impatience à l’idée de trouver les réponses à toutes les interrogations qui le tourmentent depuis longtemps. Par exemple, qu’est-il arrivé aux trois milliards d’oiseaux chanteurs qui semblent avoir disparu en Amérique du Nord ? Et que peuvent sentir les animaux qui les alertent d’un désastre imminent ?

Les réponses aux questions que ses collègues et lui n’ont même pas encore imaginées le motivent d’autant plus.

« Nous savons que ce projet nous fournira des informations incroyables », affirme le scientifique.

 

ICARUS 2.0, PLUS EFFICACE ET PLUS LÉGER

Dans sa première version, le projet ICARUS était une antenne placée à bord de la Station spatiale internationale. Après huit ans de préparation, elle avait été envoyée dans l’espace en 2020, se rappelle Martin Wikelski. En seulement un an, cette antenne a observé des centaines d’animaux, de quinze espèces différentes. Les scientifiques ont découvert que les barges hudsoniennes, des oiseaux, peuvent voler sans interruption de l’Amérique centrale jusqu’au Texas. D’autres oiseaux, les coucous, sont capables de traverser l’océan Indien entre l’Inde à l’Afrique. 

Cependant, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, le projet ICARUS a été mis en pause lorsqu’un programme d’espace collaboratif entre l’Allemagne et la Russie a pris fin.

« La guerre était horrible, et elle l’est encore, mais en fin de compte, cela a poussé nos ingénieurs à travailler très dur sur un nouveau système », explique Martin Wikelski.

« L’antenne du lancement précédent était un monstre », continue-t-il en parlant de sa taille d’origine. Le nouveau système d’ICARUS ne mesure que 10 centimètres de long.

Il se trouve à présent dans un satellite en forme de boîte, au nom bien trouvé de CubeSat, que Martin Wikelski explique être aussi gros qu’un réfrigérateur (« un réfrigérateur européen », précise-t-il). Le scientifique confie que les satellites suivants seront encore plus petits, de la taille d’une boîte à chaussure.

Durant la période de test de ce nouveau satellite, Martin Wikelski et son équipe s’assureront que son orbite autour de la Terre est viable et qu’il pourra bien se connecter aux ordinateurs au sol.

« C’est presque comme un scanner à faisceau. [ICARUS] se déplace d’un pôle à l’autre et analyse chaque coin de la Terre en une journée environ », explique Martin Wikelski.

Si tout se déroule comme prévu, son équipe prévoit de lancer un autre satellite, financé par la National Geographic Society, au printemps. D’ici 2027, leur but est d’avoir six satellites ICARUS qui observeront les animaux.

Ensuite, ses collègues et lui commenceront la tâche ardue consistant à implanter des puces dans les animaux qui enverront des données aux satellites en orbite.

 

COMMENT LE PROJET SURVEILLERA-T-IL DES MILLIERS D’ANIMAUX ?

Les dispositifs à énergie solaire qui portent les animaux envoient des données au projet ICARUS et pèsent 3 à 4 grammes. Un autre dispositif de 1 gramme, le poids d’un trombone, est en développement. En plus de fournir des coordonnées GPS, ces puces peuvent également surveiller l’état de santé des animaux en captant la température corporelle, ainsi que les conditions environnementales, telles que l’humidité, la pression atmosphérique, et l’accélération.

Il est crucial que ces puces soient légères et n’entravent pas les mouvements des animaux. Si elles venaient à les gêner, les informations récoltées par les scientifiques sur la santé et les déplacements de certaines espèces pourraient être faussées.

« Nous avons d’ores et déjà surveillé des merles noirs et des oiseaux chanteurs ces dix ou quinze dernières années, et nous avons vu qu’ils se reproduisaient correctement », explique Martin Wikelski. « Les individus équipés de puces survivent un peu mieux, nous en ignorons la raison. Les prédateurs ne les apprécient peut-être pas. »

L’an prochain, Martin Wikelski explique que ses collaborateurs et lui prévoient d’implanter des puces et de commencer la surveillance continue de 5 000 à 10 000 animaux. Leur objectif est d’en surveiller 100 000.

Pour Martin Wikelski, le potentiel de cette étude va plus loin que d’apprendre les routes et les périodes de migration des animaux.

Par exemple, est-ce que les vautours des neiges qui survolent les pics de 8 000 mètres de l’Himalaya pourraient aider à surveiller les conditions climatiques dangereuses sur l’Everest pour aider les grimpeurs ? Les chèvres qui paissent sur les flancs de l’Etna, en Italie, pourraient-elles détecter les signes d’une éruption imminente ? Ou bien, est-ce que le comportement des différentes populations d’oiseaux dans le monde pourrait aider les épidémiologistes à traquer la grippe aviaire ?

Martin Wikelski pense que toutes ces questions pourraient trouver réponse grâce à cette nouvelle et ambitieuse technologie.

« Nous pensons que ces informations seront tellement importantes que les agences d’assurance gouvernementales se reposeront dessus », déclare-t-il.

Et quand nous voyons à quel point les animaux sont essentiels aux nombreux écosystèmes terrestres, il espère motiver les foules à mieux les protéger, disant : « Si on comprend l’importance des animaux, nous ne les apprécierons que plus encore. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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