Les "gènes de la jeunesse" existent réellement

Ces dernières années, des découvertes fascinantes basées sur l’observation de diverses espèces vivantes, ont révélé l’existence de certains gènes qui pourraient être les architectes des temps de la vie et du développement.

De Marie Zekri
Publication 6 août 2023, 16:34 CEST
La main d'un bébé serre celle d'un vieil homme.

La main d'un bébé serre celle d'un vieil homme.

PHOTOGRAPHIE DE Horizon International Images / Alamy Banque D'Images

La quête de la jeunesse éternelle est une idée obsessionnelle chez l’Homme. Outre les croyances qui se sont développées au fil des siècles sur des êtres capables de défier le temps et autres vampires, l’idéal d'un corps et d'un visage éternellement jeunes s’est imposé dans notre société contemporaine, comme une véritable obsession.

Ces dernières décennies, des recherches dans le domaine de la biologie moléculaire se sont concentrées sur les mécanismes qui permettent à certaines espèces rares de méduses, anémones et insectes de prolonger leur vie, ou de conserver jeunesse et vitalité. Il apparaît que de nombreuses réponses étonnantes sont inscrites dans l’ADN.  

 

UNE HORLOGE GÉNÉTIQUE 

De nombreuses espèces vivantes ont une longévité battant tous les records. Mais avant de s’intéresser aux mécanismes qui permettent à ces créatures d’utiliser les trésors du génome à leur avantage, il est nécessaire de comprendre que les informations codées dans l’ADN sont les clefs de l’évolution de l’organisme. 

Une récente étude publiée fin avril 2023 dans la revue scientifique E-life, co-dirigée par une équipe de biologistes de l’Institut de Biologie Évolutive (CSIC-UPF) de Barcelone s’est intéressée à l’intervention séquentielle de différents gènes dans les étapes de croissance de l’insecte, d'état de larve à l’âge adulte. « Durant le développement des insectes », explique le Dr. Xavier Franch-Marro, l’un des co-directeurs de l’étude, « une série de gènes interviennent pour venir réguler leur identité temporelle ». 

L’étude révèle que l’insecte, pour passer de son état initial à son état adulte, voit trois gènes principaux s’exprimer, des « gènes temporels » qui interviennent chronologiquement selon l’ordre suivant : le gène chinmo, puis le gène Br-C et enfin le gène E93. Ces gènes sont également présents chez l’Homme, cependant leur rôle dans le vieillissement n’a pas été déterminé à ce jour.

Les gènes temporels chinmo, Br-C et E93, interviennent dans le développement de l'insecte. Le gène chinmo joue un rôle essentiel dans les caractéristiques juvéniles de l'insecte.

PHOTOGRAPHIE DE Institut de Biologie Moléculaire de Barcelone

« Nos résultats suggèrent que l’expression séquentielle des facteurs de transcription Chinmo, Br-C et E93 aux états de larve, de nymphe puis d’adulte respectivement, coordonne la formation des différents organes qui constituent l’organisme adulte », explique le Dr. Jordi Casanova.

Le gène E93, intervient ici comme activateur du programme génétique responsable du développement des caractéristiques physiques chez l’adulte insecte. Le gène Br-C intervient dans la phase « adolescente » du développement. Cependant, c’est l’expression du gène chinmo, « responsable d’assurer le statut larvaire de l’insecte », souligne le Dr. Casanova, qui intéresse particulièrement les chercheurs.

Il existe une sorte de relai génétique, régulé par les hormones, dans lequel le gène « chinmo assure la croissance, mais également la prolifération », propre au développement d’un jeune organisme, explique le Dr. Franch, « tandis que le gène E93 semble favoriser la différenciation et inhiber la prolifération », complète le Dr. Casanova. Chez certaines espèces, le gène E93 ne s’exprime pas, et l’insecte conserve les caractéristiques de l’âge juvénile.

On pourrait alors considérer ce gène chinmo comme une fontaine de jouvence génétique, qu’il suffirait de maintenir activé tout au long d’une vie. Mais l’engrenage de ces gènes temporels est essentiel à la vie. En effet, le gène chinmo, par sa faculté à engendrer la prolifération des cellules et donc le renouvellement accéléré des tissus, peut répliquer des erreurs de différentiation. Ce gène « ne permet pas de différencier totalement les cellules », indique le Dr. Franch.

 

APPRENDRE À MIEUX VIEILLIR

Une multiplication effanée des cellules peut jouer un rôle non négligeable dans le développement de cancers. Les tumeurs malignes sont composées de cellules cancéreuses, lesquelles ont dégénéré et se multiplient anarchiquement. Les cellules cancéreuses « HeLa », d’Henrietta Lacks, étudiées in vitro en laboratoire en sont le parfait exemple. Ces cellules uniques ont continué à se multiplier à l’infini à la mort de la patiente. Mais le cancer, arrivé à un stade où il ne peut plus être traité, finit inévitablement par engendrer la mort. De plus, « retarder la transition entre l’expression de l’un à l’autre gène entraînerait probablement le retard de la transition d’une étape à l’autre, plutôt que de rajeunir le sujet », explique le Dr. Casanova.

Les recherches montrent qu’il existe une forme de vérité immuable dans l’organisation du vivant, et qu’il n’y aurait pas nécessairement de sens à chercher à en perturber le cours. Le Dr. Thomas Bosch, biologiste et directeur d’une étude publiée en 2012 par des chercheurs allemands de l’Université Christian Albrecht et de l’Hôpital universitaire de Kiel, s’est intéressé à l’expression d’un gène particulier, qui confère à l’hydre, ou polype d’eau douce, une « quasi-immortalité ». 

Il s’agit du gène FoxO, lequel est également présent dans le génome humain, et qui est d’ailleurs « particulièrement actif chez les personnes ayant plus de cent ans », explique le Dr. Bosch. L’expression de ce gène, dans les cellules souches du polype, un animal très ancien à la structure cellulaire simple, lui donne la faculté de se diviser continuellement. Le Dr. Bosch explique qu’en effet, cette hydre d’eau douce ne se reproduit sexuellement que rarement. La plupart du temps, l’animal s’auto-reproduit. C’est ce que l’on appelle une « prolifération asexuelle » explique le Dr. Bosch, « au cours de laquelle l’animal envoie continuellement de nouvelles cellules-souches » dans le nouveau corps qu’il crée. 

Cependant, dans le corps humain, « nos cellules souches perdent la capacité de proliférer et de se diviser avec le temps », explique le Dr. Bosch. C’est ce que l’on qualifie de vieillissement. Chez l’hydre, c’est cette prolifération constante de cellules souches, qui garantissent sa « sénescence » (lente dégradation) ajoute-il. Les recherches ont montré que le gène FoxO est particulièrement actif chez cette espèce. 

« FoxO est un gène de longévité » affirme le Dr. Bosch. Lorsque l’on cherche à le désactiver, l’hydre vieillit, et son système immunitaire s’affaiblit. « Ce gène a en effet la capacité de contrôler des peptides antimicrobiens (AMP), une classe de molécules immunitaires ». Au-delà du fait de vieillir, la découverte du rôle du gène FoxO vient fournir une explication au processus « d’immuno-vieillissement », qui correspond à l’affaiblissement du corps avec l’âge, le rendant vulnérable à tous types de maladies et dégénérescences, et fait également que l’on assimile souvent la vieillesse à un état de diminution des capacités physiques et cognitives sur la fin de la vie.

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    Notre corps est composé d’un incroyable microbiote qui assure son bon fonctionnement. « Nous avons découvert que les peptides antimicrobiens régulaient et redistribuait les bons microbes. Ils sont donc les régulateurs du microbiote, et sont eux-mêmes contrôlés par le gène FoxO », annonce le Dr. Bosch. Donc ce gène joue un rôle majeur dans la conservation de l’intégrité et le bon fonctionnement du corps.

    Le corps humain peut vivre très longtemps, près de 120 ans, au maximum. Toute la question n’est, selon le Dr. Bosh, pas de savoir comment vivre jeune pour toujours, mais de comprendre comment vieillir dignement et en bonne santé. Il explique ainsi qu’à Okinawa au Japon, le taux de personnes ayant dépassé, ou approchant les cent ans est très élevé. On compte 171 personnes sur 3 000 ont ainsi plus de 90 ans. 

    « Il est question alors d’apprendre comment devenir vieux, sans être malade ». Cet art de vieillir est profondément lié au mode de vie. À Okinawa, une nutrition de qualité, une activité physique régulière, ainsi qu'un équilibre de vie, qui passe par un contact à la nature, à la famille, à des temps de vie profondément connectés au réel et par des pratiques méditatives, contribuent fortement à vieillir en bonne santé.

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