Migraines à répétition ? Votre cou est peut-être le coupable

De récentes études établissent un lien entre douleur au cou et migraines ou céphalées de tension. Pour soulager le mal de tête, le traitement des douleurs cervicales pourrait être essentiel.

De Stacey Colino
Publication 15 mars 2024, 11:23 CET
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Le muscle qui apparaît en rouge sur cette illustration est le muscle trapèze.

ILLUSTRATION DE SEBASTIAN KAULITZKI, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Il paraît que la douleur appelle la douleur. Ce dicton anglais utilisé dans le contexte de la douleur physique s'applique également à la souffrance psychologique, lorsque celle-ci est projetée sur l'entourage de celui qui la ressent. D'un point de vue physiologique, un nombre croissant d'études établissent un lien entre douleurs à la nuque et migraines.

Une étude publiée dans la revue The Journal of Headache and Pain est la première à fournir un marqueur objectif attestant d'une origine musculaire.

Les chercheurs ont utilisé l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) pour évaluer l'implication de la structure myofasciale, c'est-à-dire le muscle et les tissus qui l'entourent, dans les céphalées de tension et les migraines sur un échantillon de 50 participants. En dehors du lien établi entre les douleurs à la nuque et la présence des deux types de céphalées, l'IRM a également révélé chez les personnes présentant ces maux de tête de subtiles altérations du muscle trapèze pouvant résulter d'une inflammation. À titre d'information, ce muscle forme un trapèze allant du milieu du dos à la nuque en passant par les épaules.

« Nous avons également constaté des associations significatives entre ces changements musculaires et le nombre de jours qu'un individu souffrait de céphalées et de douleurs à la nuque dans les 30 jours précédant l'imagerie », explique Nico Sollman, coauteur de l'étude et radiologue affilié à l'hôpital de l'université d'Ulm et à l'université technique de Munich en Allemagne. Ces « résultats pourraient apporter une preuve objective des interactions entre la région du cou et le cerveau dans le contexte des céphalées. »

Pour Mark Green, professeur de neurologie à l'Icahn School of Medicine at Mount Sinai de New York, une partie des résultats reste sujette à débat. « On ne peut pas déduire que c'est une inflammation à partir d'une IRM ; le muscle pourrait être tendu ou contracté », précise-t-il. En revanche, il ne remet pas en question le lien entre douleurs à la nuque et céphalées de tension ou migraines.

L'étude menée par Sollmann n'est pas la première à établir un lien entre ces deux phénomènes. Une étude publiée dans la revue Neurology indique une forte prévalence des douleurs cervicales avant, pendant et après l'apparition d'une migraine.

« Certains pensent que la douleur au cou est un déclencheur, mais c'est aussi un signal indiquant que l'activité nerveuse associée à une crise de migraine a commencé », nous explique Dawn C. Buse, coauteur de l'étude parue dans Neurology et professeur de neurologie à l'Albert Einstein College of Medicine de New York. « Ce signal pourrait déclencher le traitement de la migraine. »

 

LE PARCOURS DE LA DOULEUR 

Même s'il faudra approfondir les recherches pour déterminer si la douleur à la nuque provoque les maux de tête ou si les deux affections ne font que coexister, une chose est sûre : « Les personnes souffrant de migraines ont plus souvent mal à la nuque, même en dehors des crises de migraine », indique Jessica Ailani, professeure de neurologie clinique et directrice du MedStar Georgetown Headache Center de Washington.

Pour ce qui est des causes sous-jacentes, le nerf trijumeau reste le dénominateur commun à plusieurs types de céphalées. Ce nerf est le cinquième et le plus volumineux des nerfs crâniens ; il émerge du tronc cérébral et descend vers la colonne cervicale, transmettant les signaux associés à la douleur, au toucher et à la température dans différentes régions du visage et de la tête.

En cas de douleur à la nuque, « les nerfs cervicaux activent le nerf trijumeau et peuvent déclencher une migraine », indique Green, président de la World Headache Society. « Les douleurs à la nuque affectent 75 % des personnes souffrant de migraines. »

Un phénomène de sensibilisation à la douleur pourrait également être à l'œuvre. Lorsque la douleur s'étale dans le temps, notre système nerveux reste en alerte de manière chronique, ce qui abaisse notre seuil de perception de la douleur et nous rend hypersensibles à celle-ci. Une étude publiée dans le Scandinavian Journal of Pain a ainsi constaté que les personnes souffrant de douleurs à la nuque et de migraine chronique, plus de 15 jours de migraine par mois, ou de céphalées de tension avaient tendance à présenter une sensibilité accrue de la zone péricrânienne, par rapport à celles souffrant de céphalées épisodiques ; la sensibilisation du système douloureux est une hypothèse qui pourrait expliquer ce phénomène.

« Si vous avez mal dans une région, le risque d'avoir mal ailleurs augmente car toutes les douleurs se trouvent dans le cerveau », résume Ailani. « Le cerveau devient hypersensible et la douleur est amplifiée. Il peut également être plus difficile pour le cerveau de couper les signaux de douleur. »

De plus, les personnes souffrant de migraines ou de céphalées de tension présentent souvent des points gâchettes myofasciaux qui en cas d'activation peuvent déclencher des épisodes de céphalée. Ces points gâchettes peuvent être activés par palpation, pression ou activité physique. Une étude associe la présence de points gâchettes myofasciaux dans le cuir chevelu de sujets souffrant de céphalées à un seuil de perception de la douleur réduit, ce qui suggère là encore un effet de sensibilisation du système douloureux.

 

SUJETS À RISQUE

À en croire ces mécanismes, quiconque ressent une douleur dans la nuque courrait le risque de développer une céphalée de tension ou une crise de migraine, si la personne y est sujette.

En outre, le risque d'être soudainement frappé de ce douloureux duo augmente si la personne souffre également de blessures liées au sport, d'une mauvaise posture ou d'une spondylose, la dégénération des os et des disques du cou.

« Cette combinaison de douleur à la nuque, de mal de tête et d'hypersensibilité à la douleur est également observée chez les patients atteints de douleurs cervicales aiguës après un traumatisme du rachis cervical », indique Brian Grosberg, neurologue et directeur du Hartford HealthCare Headache Center.

Dans certains cas, la douleur au cou qui accompagne une céphalée « peut constituer un signal d'alarme si la personne présente également les symptômes suivants : frissons, fièvre, troubles de la coordination ou de l'équilibre, difficultés à marcher, douleur irradiante ou fourmillements dans les bras ou les jambes », prévient Buse. Dans ce cas, la douleur au cou peut indiquer une tumeur ou une méningite, ajoute-t-elle.

En l'absence de ces symptômes inquiétants, si une douleur à la nuque accompagne la céphalée de tension ou la crise de migraine d'une personne, l'objectif est de traiter les deux formes de douleurs pour mettre fin à leur déclenchement mutuel. « Nous recommandons aux patients d'opter pour un traitement radical de la douleur au cou afin d'éviter son aggravation », souligne Green.

 

STIMULATION MAGNÉTIQUE ET AUTRES TRAITEMENTS

À l'heure actuelle, il n'existe pas de traitement unique permettant de soigner les deux formes de douleur. Comme nous l'explique Ailani, diverses thérapies non médicamenteuses peuvent aider à soulager la douleur cervicale, notamment le massage, l'acupuncture, les étirements et l'application de chaud ou de froid, selon les préférences du patient. Il peut également être utile de revoir l'ergonomie de votre environnement de travail et d'opter pour un oreiller offrant plus de soutien.

La recherche montre que le relâchement myofascial, qui consiste en l'application de pression sur les points hyperirritables des muscles du cou, et les techniques d'étirement sont également efficaces pour améliorer l'intensité de la migraine et l'amplitude de mouvement cervical.

Récemment, l'équipe de Sollman a utilisé la stimulation magnétique périphérique répétitive (rPMS) pour stimuler de manière non invasive les muscles du cou et soulager la douleur cervicale. Dans le cadre de cette procédure, le praticien utilise un dispositif pour appliquer une stimulation magnétique à pulsation rapide aux nerfs périphériques afin de réduire la douleur. « Dans le contexte d'applications répétées, nous avons observé une réduction des céphalées », indique Sollmann.

Côté pharmacie, les médicaments comme le paracétamol ou l'ibuprofène peuvent aider à combattre l'apparition de douleurs cervicales, de céphalées de tension ou de migraines.

« Attention à la surconsommation de ces médicaments car avec le temps, ils ne feront qu'amplifier la douleur », avertit Green. La céphalée par surconsommation de médicaments est la céphalée secondaire la plus répandue selon l'Organisation mondiale de la Santé.

En ce qui concerne les céphalées chroniques ou fréquentes, accompagnées de douleurs à la nuque, certains antidépresseurs, comme l'amitriptyline, la mirtazapine et la duloxétine, ainsi que certains anticonvulsivants, comme la gabapentine, sont parfois utilisés hors indication pour prévenir les crises de céphalées, indique Ailani.

Parmi les traitements contre la migraine figurent également les classes de médicaments appelées triptans, gépants ou ditans. Les classes des gépants, des bêta bloquants, des antidépresseurs tricycliques et des anticorps monoclonaux contiennent par ailleurs divers agents préventifs efficaces, ajoute Grosberg.

Il arrive que la migraine chronique soit traitée à l'aide d'injections de Botox visant à réduire l'intensité des céphalées et le nombre de jours affectés chaque mois. Dans une étude publiée en 2023 dans la revue Toxinsles chercheurs ont examiné les effets du Botox chez 116 participants atteints de migraine chronique et de différents degrés d'incapacité liée aux douleurs cervicales : le traitement s'est montré particulièrement efficace pour réduire le nombre de jours de céphalées par mois et le degré d'incapacité induit par la migraine chez les participants présentant des douleurs cervicales sévères après un suivi de trois mois, mais une baisse de l'intensité des céphalées a été constatée pour l'ensemble des participants. 

« En cas de céphalées fréquentes, il est préférable de suivre un traitement préventif », recommande Green. De cette façon, vous pourrez potentiellement briser le cycle de la douleur qui s'installe entre le cou et la tête.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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