Décryptage : Shield, le test sanguin pour détecter le cancer colorectal

Ce test approuvé par les autorités de santé américaines est moins invasif et chronophage que le test standard. Il présente tout de même quelques inconvénients.

De Meryl Davids Landau
Publication 19 juin 2025, 17:22 CEST
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Micrographie fluorescente de cellules cancéreuses d’un cancer du côlon chez l’humain. Le violet révèle les structures de la surface des cellules et le contact inter-cellulaire. Le blanc montre le système de transport intracellulaire. L’ADN apparaît en vert.

PHOTOGRAPHIE DE Micrographie réalisée par Dr Torsten Wittmann, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Aux États-Unis, comme en France, le cancer du côlon est le deuxième cancer le plus meurtrier. Cela pousse les experts à inciter les adultes au dépistage régulier, mais beaucoup les évitent à cause de leur caractère désagréable, invasif et chronophage. Alors quand la Food and Drug Association (FDA, équivalent de l’ANSM en France) a annoncé, aux États-Unis l’an dernier, avoir approuvé le premier test de dépistage sanguin, la nouvelle s’est vite répandue. Cette méthode permet aux médecins de déceler un cancer du côlon de la même manière qu’ils vérifient les taux de cholestérol et de glycémie.

Ce test, Shield de son nom, se sert d’une prise de sang pratiquée par un professionnel de santé puis envoyée dans un labo, pour détecter les signes d’un cancer colorectal. Plus précisément, il décèle la présence dans le sang des protéines lui étant associées, ainsi que l’ADN provenant des cellules tumorales. Shield était d’ores et déjà disponible sur ordonnance d’un médecin aux États-Unis depuis 2022, mais son approbation par la FDA rend plus probable sa possible couverture par les assurances maladies privées et Medicare, un programme fédéral d’assurance maladie.

Les chances de survie sont beaucoup plus élevées lorsque le cancer est détecté tôt. Si les tissus touchés sont retirés et les cellules cancéreuses éradiquées, la survie à 5 ans des patients est estimée à 91 %. Seuls 15 % des patients vivent aussi longtemps quand le cancer est découvert après s’être répandu. Et pourtant, aux États-Unis, seulement 35 % des patients sont diagnostiqués à un stade précoce de la maladie. En France, le taux de participation aux tests de dépistage est de 29,6 %.

Le dépistage du cancer du côlon, qui aboutit à des détections précoces, est tellement efficace qu’aux États-Unis, la U.S. Preventive Services Task Force a abaissé l’âge recommandé de dépistage de cinquante à quarante-cinq ans pour les personnes présentant un risque moyen. Les chiffres révèlent toutefois que seuls deux tiers des Américains sont à jour avec les recommandations de suivi.

Selon Guardant Health, la société à l’origine de la production de Shield, certains patients évitent de se faire tester à cause du caractère chronophage et de l’inconfort induit par les coloscopies ou les rectosigmoïdoscopies flexibles, examens visuels de la paroi du rectum. Ces deux tests demandent une préparation des intestins et un lavement pré-opératoire.

« Un test sanguin tel que celui-ci est plus susceptible de correspondre aux besoins de personnes nécessitant un dépistage mais qui ne se font pas dépister », explique Michael Cecchini, oncologue au Centre de lutte contre le cancer de l’université de Yale. Pour les États-Unis et les pays qui n’ont pas de moyens de dépistage moins invasifs que les coloscopies, le chercheur affirme que ce test revêt une grande importance.

Il insiste toutefois sur la nécessité de mener des études afin de déterminer si ce test sanguin réduit le taux de mortalité du cancer au cours du temps, ce qui est le but ultime de la recherche.

 

LA COLOSCOPIE POURRAIT TOUJOURS ÊTRE NÉCESSAIRE

L’approbation de la FDA a fait suite à la publication d’un essai clinique publié dans la revue scientifique New England Journal of Medicine, en mars 2024, au cours duquel le test sanguin a été employé sur plus de 20 000 personnes originaires de communautés rurales et urbaines à travers les États-Unis. Shield a décelé avec succès le cancer colorectal que présentaient 83 % des participants. Un taux légèrement plus bas que la précision des tests ADN pratiqués sur les selles.

Shield n’a cependant pas détecté plusieurs grands polypes, qui ont plus tard dégénéré en cancer.

COMPRENDRE : Le cancer

« Une manière d’aborder les autres modalités de dépistage, comme la coloscopie, c’est qu’elles peuvent identifier les cancers tout en se débarrassant des polypes pré-malins », explique Michael Cecchini.

Et les personnes dont le test revient positif doivent tout de même passer une coloscopie afin de confirmer que le résultat n’était pas un faux-positif, ce qui se produit dans 10 % des cas.

Certains s’inquiètent que les compagnies d’assurance américaines ne prennent pas totalement en charge les coloscopies qui suivent un test sanguin positif, comme la loi le demande dans le cas de coloscopies de routine.

Mais les expériences passées montrent que cela ne serait pas un problème, intervient Prosper Abitbol, gastroentérologue de Boca Raton, en Floride. « Les coloscopies de vérification ont été prises en charge par les assurances après des tests positifs de Cologuard », un test ADN des selles.

Les experts disent que le plus important est de choisir un régime de dépistage parmi les options disponibles.

Les Américains âgés de quarante-cinq à soixante-quinze ans ou plus, présentant un risque moyen de cancer colorectal devrait soit : pratiquer une coloscopie, toujours la meilleure option, tous les dix ans ; une rectosigmoïdoscopie flexible ou une coloscopie virtuelle tous les cinq ans ; un test ADN des selles tous les trois ans ; un test des selles tous les ans ou bien le nouveau test sanguin.

Aujourd’hui encore, on ignore la fréquence à laquelle le test Shield devrait être pratiqué car il n’est pas encore inclus dans les marches à suivre dans le traitement du cancer. Les études visant à évaluer les différents intervalles afin de déterminer un idéal « prendront au moins dix ans », déclare Aasma Shakat, gastroentérologue du département de médecine Grossman de l’université de New York, qui a travaillé sur des mesures de dépistage communiquées par des sociétés de gastroentérologues. En attendant, les fabricants recommanderont probablement ce que les assurances seront prêtes à payer, comme c’est déjà le cas pour Cologuard, continue la gastroentérologue.

Bien qu’un test sanguin ne soit peut-être pas aussi exhaustif que d’autres méthodes, sa simplicité lui confère un avantage majeur, déclare Michael Cecchini. « Le “meilleur” dépistage est celui qu’un patient accepte de faire. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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