L’hypnose peut-elle vraiment soulager les bouffées de chaleur ?

De récentes études permettent aux équipes de recherche de mieux comprendre le pouvoir de la connexion corps-esprit dans le traitement des bouffées de chaleur.

De Megan Margulies
Publication 14 juin 2025, 11:43 CEST
Portrait artistique.

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PHOTOGRAPHIE DE Lilawa.com / Alamy Banque d'Images

User de l’hypnose à des fins médicales et psychologiques remonte à plusieurs siècles. Au 18e siècle, Franz Anton Mesmer, médecin autrichien né en Allemagne, pensait que le « mesmérisme » était causé par un fluide invisible reliant le sujet au thérapeute. Cette pratique était utilisée pour modifier la perception de la douleur chez les individus devant subir une intervention chirurgicale, ainsi que pour aider les personnes souffrant de troubles psychiques.

De nos jours, l’hypnose est considérée comme un état subjectif dans lequel la perception ou la mémoire peuvent être évoquées au moyen de la suggestion. Alors que notre compréhension de l’hypnose a évolué, cette pratique reste aujourd’hui un outil utile, à la fois en médecine et en psychologie. L’hypnose moderne a été employée pour lutter contre les addictionssoulager les douleurs chroniques et, plus récemment, réduire la fréquence des bouffées de chaleur.

La plupart des femmes commencent la transition ménopausique, moment à partir duquel la production d’œstrogènes et de progestérone diminue et que les menstruations cessent, entre quarante-cinq et cinquante-cinq ans. En raison de ces changements au niveau des taux d’hormones, les femmes peuvent ressentir des bouffées de chaleur avant et pendant la ménopause. Cette soudaine sensation de chaleur, de sudation, d’anxiété et de frissonnement peut être débilitante.

Les équipes de recherche, ainsi que les praticiens et praticiennes, affirment que l’hypnose pourrait constituer une alternative aux traitements hormonaux qui peuvent s’avérer coûteux et comporter des risques. Bien que cela puisse paraître invraisemblable, il existe des études sur le traitement des bouffées de chaleur au moyen de l’hypnose. Tandis que la plupart des recherches sur les interventions comportementales relatives aux symptômes de la ménopause se concentrent sur l’hypnose clinique et la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), l’équipe de recherche de l’université Baylor a souhaité aller plus loin. Dans une étude de la portée datant de 2025, ils ont constaté que, en comparaison avec la TCC, l’hypnose s’avérait être un moyen plus efficace de réduire à la fois la fréquence et l’intensité des symptômes.

Découvrez quelle science se cache derrière le traitement des bouffées de chaleur par le biais de l’hypnose, dont les implications et l’efficacité réelle.

 

QUELLES SONT LES CAUSES DES BOUFFÉES DE CHALEUR ET COMMENT LES TRAITER ?

Pour traiter les bouffées de chaleur, « je pense qu’il est tout d’abord important de se pencher sur [leurs] causes », explique Gary Elkins, auteur principal de l’étude de la portée et psychologue clinicien qui enseigne à l’université Baylor de Waco, au Texas. « Ce n’est pas uniquement la baisse d’œstrogène qui provoque une bouffée de chaleur. »

Lorsqu’une femme ressent une bouffée de chaleur, cela sous-entend un dérèglement de la température corporelle centrale. Celle-ci est régulée par l’hypothalamus, situé dans le cerveau. « Pendant la transition ménopausique, il y a divers changements hormonaux que l’hypothalamus perçoit à tort comme de la chaleur. De sorte que, lorsqu’une femme a une bouffée de chaleur, elle transpire de façon à se rafraîchir », précise Gary Elkins.

Les soins les plus connus et les plus facilement prescrits sont le traitement hormonal substitutif (THS) et les traitements non hormonaux comme le veoza, la gabapentine et la clonidine. Le THS agit en augmentant les taux d’hormones, tandis que les médicaments non hormonaux ciblent les cellules cérébrales, ainsi que d’autres voies, impliquées dans les bouffées de chaleur. The Menopause Society recommande également la TCC en tant que traitement non hormonal efficace.

 

L’HYPNOSE ET CE QUI DÉCLENCHE LES BOUFFÉES DE CHALEUR

Gary Elkins et ses collègues ont parcouru la littérature à la recherche d’études sur la TCC et les bouffées de chaleur. Sur vingt-trois études, l’équipe a constaté qu’après la première semaine d’hypnothérapie, le nombre de ces dernières avait chuté de près de 30 % en moyenne. À partir de la quatrième semaine, la fréquence des bouffées de chaleur avait diminué de 70 %. La TCC ne semble pas avoir fourni d’aussi bons résultats.

Que peut-il donc se produire dans le cerveau pour permettre de réduire les bouffées de chaleur ? Gary Elkins et ses collègues émettent l’hypothèse que, lorsqu’une femme est sous hypnose et entend les suggestions post-hypnotiques, l’hypothalamus perçoit de la fraîcheur et les bouffées de chaleur deviennent de moins en moins fréquentes.

Le stress et l’anxiété sont d’autres déclencheurs importants des bouffées de chaleur. Ainsi, lorsque les femmes pratiquent la relaxation hypnotique, les effets se prolongent après cet état, constituant un moyen de réguler la réaction de stress ou le système nerveux autonome.

Gary Elkins souligne l’importance de la constance. « Ce n’est pas comme si je vous hypnotisais une fois et que les bouffées de chaleur disparaissaient. Ça ne fonctionne pas de cette manière. Il faut renforcer et ressentir de nouveau la fraîcheur. C’est la connexion corps-esprit ».

 

EN QUOI CONSISTE L’HYPNOSE THÉRAPEUTIQUE ?

Mary Cahilly, thérapeute en matière de santé mentale et de bien-être, a déjà intégré l’hypnose dans sa manière de traiter les bouffées de chaleur au sein de Canyon Ranch, un centre de bien-être à Lenox, dans le Massachusetts.

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Une équipe de recherche de l’université Baylor, au Texas, a constaté que l’hypnose était plus efficace que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour réduire la fréquence et l’intensité des bouffées de chaleur. L’imagerie infrarouge thermique ci-dessus montre la distribution de la chaleur sur le visage d’une femme.

PHOTOGRAPHIE DE Thermogramme par Joseph Giacomin , Getty Images

Les praticiens et praticiennes emploient une formule d’hypnose qui commence en règle générale par le rappel d’un souvenir agréable. « Lorsque nous [nous remémorons] un souvenir agréable, notre corps se détend car le système limbique du cerveau ne comprend pas la différence entre une pensée et la réalité », détaille Mary Cahilly. Puis les muscles se relâchent de manière progressive, ce qui mène au processus officiel de transe.

« Dans le cas des bouffées de chaleur, quand on est en transe, on a l’impression de contrôler son corps, de [ressentir] une fraîcheur, un sentiment de liberté et de légèreté », décrit-elle. Vers la fin, une suggestion post-hypnotique est proposée afin que la femme puisse aisément retrouver cet état de fraîcheur et de relaxation lorsque survient une bouffée de chaleur.

 

L’HYPNOSE EN TANT QUE TRAITEMENT ALTERNATIF

Nombre de médicaments actuellement disponibles pour traiter les symptômes des bouffées de chaleur peuvent provoquer des effets secondaires gênants, comme une sécheresse au niveau de la bouche et des yeux, des maux de ventre ou de la somnolence, mais aussi plus graves, telle que l’augmentation des enzymes hépatiques, possible signe d’une lésion du foie. L’hypnose n’ayant aucun lien avec la fixation des taux d’œstrogènes, elle n’entraîne pas d’effets secondaires et c’est là toute une partie de son attrait.

Les taux d’œstrogènes ne reviennent jamais à leur niveau initial après la ménopause mais les bouffées de chaleur finissent par disparaître car l’hypothalamus commence à réguler à nouveau la température du corps. « On pense qu’avec la pratique de l’hypnose, le processus de régulation a lieu plus tôt », indique Gary Elkins.

Les questions de l’accessibilité et du coût entrent également en compte : le veoza coûte par exemple près de 550 dollars (480 euros) par mois aux États-Unis, alors qu’il est simplement possible d’avoir accès à l’hypnose par le biais d’une application thérapeutique numérique qui s’appuie sur des données probantes, créée en partenariat avec Gary Elkins, ou bien de nombreuses autres applications telles que HypnoBox ou EverCalm. Tandis que le tarif d’une séance d’hypnose en physique avec des thérapeutes comme Mary Cahilly peut coûter plus de 250 dollars (220 euros) de l’autre côté de l’Atlantique, ou varier entre 45 et 85 euros en France, celle-ci ne peut être enregistrée et utilisée à domicile.

 

L’HYPNOSE N’EST-ELLE QU’UNE QUESTION DE CROYANCE ?

Gary Elkins reconnaît que le sujet des soins médicaux pour les femmes est délicat et que, historiquement, celles-ci n’ont pas été prises en considération ou se sont vu dire que leurs symptômes n’étaient qu’une vue de l’esprit. Pour son équipe et lui, il était important de déterminer si le changement provoqué par l’hypnose par rapport aux bouffées de chaleur était dû à une croyance. « Ce que nous avons découvert, c’est que le fait d’y croire ou [non] n’avait pas d’importance », révèle-t-il.

L’hypnose a beau être une thérapie corps-esprit et présenter des similitudes avec la pleine conscience ou les techniques de relaxation, les recherches de Gary Elkins montrent que la TCC, quant à elle, ne réduit pas la fréquence ou l’intensité des bouffées de chaleur. Il en va de même pour les pratiques liées à la pleine conscience. « Elles peuvent toutes deux atténuer la gêne ressentie par une personne, mais il n’y a que très peu, voire pas du tout, de changements en ce qui concerne les bouffées de chaleur », remarque-t-il.

 

L’HYPNOSE : S’AGIT-IL SIMPLEMENT D’UN EFFET PLACEBO ?

Les équipes de recherche ne peuvent toutefois pas exclure l’existence d’un effet placebo, soit l’idée que le cerveau puisse convaincre le corps qu’un traitement est efficace et qu’il guérit les symptômes. « Certains chercheurs qui effectuent des recherches sur l’hypnose l’appellent "super placebo" », rapporte Michael Lifshitz, maître de conférences en psychiatrie sociale et transculturelle à l’université McGill. « Votre cerveau a la possibilité de se modifier radicalement grâce au pouvoir de la suggestion. »

Bien que cela puisse avoir l’air d’un vœu pieux, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. « Le placebo n’a rien à voir avec ce que vous pensez. Ce n’est pas une guérison de l’esprit. Ce n’est pas de la pensée positive. Ce n’est pas de l’espérance, de la foi ou encore une croyance », assure Ted J. Kaptchuk, professeur de médecine à la Harvard Medical School.

Selon Michael Lifshitz, il est important de noter que les placebos peuvent en réalité modifier les processus de l’organisme. « Il existe toutes sortes de connexions corps-esprit qui ne sont pas uniquement subjectives : votre expérience subjective affecte en fait la capacité de votre corps de nombreuses manières tangibles ». En ce qui concerne l’hypnose en tant que traitement pour les symptômes physiques tels que les bouffées de chaleur, il estime qu’il est préférable de réajuster notre pensée : « Acceptons le fait que l’esprit ait un pouvoir sur le corps et que l’hypnose soit un moyen de tirer parti ce pouvoir. »

Dans une étude de 2020, Ted J. Kaptchuk a examiné l’efficacité d’un traitement placebo ouvert pour les bouffées de chaleur relatives à la ménopause, c’est-à-dire que les patientes étaient pleinement conscientes qu’elles ne prenaient aucun médicament à proprement parler.  « Ces patientes sont désespérées après l’échec des traitements et des rendez-vous chez le médecin. Elles ne s’attendent pas à ce que leur état s’améliore », expose-t-il. L’étude a montré que le traitement placebo ouvert était à la fois sûr et efficace.

Le mécanisme exact du placebo est complexe, mais grâce à ses recherches, Ted J. Kaptchuk espère en comprendre les bienfaits. « Les placebos ne guérissent pas les tumeurs. Ils ne guérissent pas du paludisme. Ils ne font qu’atténuer les symptômes que le corps crée lui-même », nuance-t-il. Les symptômes, comme les bouffées de chaleur, traduisent que les nerfs et les neurones expriment l’apparition d’un changement, « mais votre cerveau voit quelque chose de plus, augmente le volume, et vous avez de vilaines bouffées de chaleur ».

Même si l’effet placebo est la source de l’efficacité de l’hypnose dans le traitement des bouffées de chaleur, cela n’est vraisemblablement pas un problème pour les patientes. Comme le déclare Gary Elkins, « si les femmes peuvent voir les recherches et les preuves que l’hypnose aide, qu’elle apporte des améliorations en termes de fréquence et d’intensité des bouffées de chaleur, le nom qu’on lui donne n’a pas vraiment d’importance pour elles ».

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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