L’amanite phalloïde, champignon le plus mortel au monde, se propage en Amérique du nord

Cette espèce invasive de champignon mortel, qui se plaît en Amérique du Nord, ressemble à s’y méprendre à une autre espèce comestible.

De Emily Martin
Publication 4 sept. 2023, 10:44 CEST
Champignon le plus mortel au monde, l’amanite phalloïde est responsable de 90 % des intoxications par les ...

Champignon le plus mortel au monde, l’amanite phalloïde est responsable de 90 % des intoxications par les champignons chaque année. Originaire d’Europe, elle s’est dispersée aux quatre coins du monde au cours du siècle dernier.

PHOTOGRAPHIE DE Yves Lanceau, Nature Picture Library

L’amanite phalloïde. Rien que l’évocation de son nom suscite l’inquiétude.

Ce champignon, responsable de 90 % des cas d’empoisonnement mortel liés à l’ingestion de champignons, est le plus mortel au monde. Peut-être en avez-vous entendu parler récemment ; trois Australiens sont morts après en avoir ingéré.

Originaire du Royaume-Uni et de certaines régions d’Irlande, l’amanite phalloïde s’est, au cours du siècle dernier, dispersée dans le monde, débarquant ainsi en Australie et en Amérique du Nord.

Depuis son arrivée (en grande partie encore inexpliquée) sur la côte ouest des États-Unis, cette espèce de champignon invasive s’est rapidement répandue à travers la Californie. Elle semble même avoir gagné des contrées aussi septentrionales que la Colombie-Britannique. Face à cette situation, les chercheurs tentent de répondre à plusieurs questions, notamment pourquoi la dispersion du champignon est-elle si rapide, quand est-il arrivé exactement, et quel est son impact sur l’environnement dans lequel il pousse ?

Voici ce que vous devez savoir sur ce champignon mortel et comment vous pouvez l’identifier si vous en voyez en forêt.

 

UN COCKTAIL UNIQUE DE TOXINES

Ce modeste champignon présente un chapeau en forme de dôme, de couleur jaune ou verte, de diamètre à peu près équivalent à sa hauteur (15 cm). Son pied blanchâtre et ses lamelles blanches le rendent difficile à distinguer des champignons comestibles.

Mais contrairement à ces derniers, l’amanite phalloïde peut provoquer de graves lésions au foie et aux reins en cas d’ingestion, et dans certains cas, être mortelle.

Cela s’explique par le cocktail unique de toxines que le champignon renferme, explique Milton Drott, phytopathologiste au département de l’Agriculture des États-Unis. L’amanite phalloïde, qui ne présente aucun danger au toucher, contient des amatoxines : en empêchant les cellules de créer des protéines, ces premières finissent par mourir et il en résulte une défaillance des organes.

D’après Milton Drott, ces toxines auraient permis aux champignons de se défendre contre tout nouveau prédateur rencontré dans l’environnement, favorisant ainsi sa dispersion à travers les États-Unis.

Toutefois, étudier l’amanite phalloïde est loin d’être simple. Reproduire les conditions environnementales idéales pour son développement en laboratoire est difficile et l’étude de spécimens cueillis nécessite un séquençage ADN complexe.

Si certains champignons peuvent être préjudiciables à l’environnement, comme celui qui a éradiqué les châtaigniers d’Amérique, il n’y a pour l’heure aucune preuve que les amanites phalloïdes constituent une menace pour leurs nouveaux environnements. C’est même plutôt le contraire, les arbres et autres plantes bénéficiant de sa présence.

Les amanites phalloïdes sont des champignons mycorhiziens, c’est-à-dire qu’ils forment une association avec des plantes mutuellement bénéfiques aux deux parties. La plante reçoit des nutriments contenus dans le sol que le champignon extrait tandis que ce dernier obtient des sucres de la plante.

 

UN ENVAHISSEUR DORMANT

Selon Anne Pringle, mycologue à l’université du Wisconsin-Madison et spécialiste de renom des amanites phalloïdes, il est quasiment impossible de déterminer avec exactitude le moment où le champignon mortel est arrivé dans l’ouest des États-Unis et pourquoi il se disperse avec tant de facilité depuis.

Les premières amanites phalloïdes (Amanita phalliodes) ont été observées en Californie dans les années 1930. Certains scientifiques pensent que les champignons étaient contenus dans la terre de chênes-liège importés, une essence d’arbres utilisée par les vignerons californiens pour fabriquer des bouchons de bouteille.

PHOTOGRAPHIE DE Yves Lanceau, Nature Picture Library

La première observation d’une amanite phalloïde remonte aux années 1930, en Californie. Selon plusieurs chercheurs, le champignon aurait été contenu dans la terre d’un chêne-liège importé d’Europe dans l’État américain afin de fabriquer des bouchons pour l’industrie vinicole alors florissante. D’autres pensent qu’il était fixé à une plante inconnue importée pour embellir les campus universitaires.

Quoiqu’il en soit, Anne Pringle et Milton Drott sont certains d’une chose : le champignon était probablement dormant (et donc caché aux yeux des humains) dans la terre dans laquelle se trouvait une plante importée.

« Lorsqu’ils ont planté cet arbre, ils ont aussi planté le champignon. Je pense que nous ne parviendrons jamais à le prouver, ni à savoir qui a fait ça et quand », indique la mycologue.

Si elle indique qu’elle ne peut être sûre des raisons pour lesquelles cette espèce invasive se plaît tant dans l’État, elle souligne que le champignon est présent dans différents environnements à travers l’Europe, de la Suède en passant par le sud de la France.

Depuis son arrivée, l’étendue géographique de l’amanite phalloïde a connu une forte croissance. Le champignon s’est répandu dans d’autres États, le dernier en date étant l’Idaho.

 

UNE ESPÈCE INVASIVE

Quand les scientifiques ont observé pour la première fois des amanites phalloïdes aux États-Unis, ils pensaient, au vu de leur nombre, qu’elles étaient endémiques de la région.

Anne Pringle a été la première, en 2009, à qualifier la population californienne d’invasive, un constat qu’elle a pu réaliser en étudiant l’ADN des champignons.

Et lorsque les scientifiques se sont aperçus que l’amanite phalloïde s'était récemment répandue aux États-Unis, il n’existait aucune donnée préexistante permettant de savoir où elle était arrivée en Amérique du Nord et à quelle vitesse elle s'était multipliée.

« Il y a tellement de théories à tester qu’il est difficile de savoir par où commencer », explique la mycologue.

Les études sur les champignons invasifs dans l’environnement sont assez récentes, ajoute Anne Pringle, si bien qu’il faudrait sans doute attendre plusieurs années avant de savoir pourquoi les amanites phalloïdes se répandent et quels sont ses impacts sur les écosystèmes locaux.

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    D’après Milton Drott, la prolifération du champignon s’expliquerait par un sol et une association avec des plantes adoptives qui lui seraient favorables ou bien un manque de prédateurs dans ces nouveaux habitats, qui ne permet pas de juguler les populations.

    Le chercheur a également découvert que les gènes responsables de la production de toxines chez les amanites phalloïdes sont tout à fait distincts de leurs cousins génétiques européens et pourraient donc jouer un rôle clé dans la compréhension de la dispersion du champignon invasif en Amérique du Nord.

    Un peu plus tôt dans l’année, des scientifiques ont publié une étude préliminaire suggérant que l’amanite phalloïde pouvait se reproduire de manière sexuée ou asexuée et que sa vie reproductive était longue.

     

    « PAS DE RÈGLE MAGIQUE »

    Reconnaître une amanite phalloïde demande beaucoup de vigilance.

    « Il est assez effrayant de voir que les gens pensent qu’il s’agit de délicieux champignons », constate Milton Drott.

    Il ajoute qu’en plus de l’apparence ordinaire des amanites phalloïdes, les toxines de ces dernières n’émettent aucune odeur ni ne donnent aucune autre indication sur la dangerosité du champignon. Elles sont également très stables lorsque chauffées et ne se décomposent pas à la cuisson comme cela est le cas avec d’autres champignons qui présentent uniquement un danger lorsqu’ils sont consommés crus.

    C’est pourquoi les scientifiques conseillent de pécher par excès de prudence et d’éviter de cueillir des champignons. Anne Pringle souligne également l’importance d’apprendre à identifier les plantes qui poussent de votre environnement local.

    « Si vous parvenez à faire la différence entre des blettes et des épinards, vous pouvez apprendre à différencier un champignon comestible d’un champignon vénéneux », remarque Anne Pringle avant d’insister sur les différences, petites certes, mais notables, qu’il existe entre ces deux légumes. « Les gens veulent une règle magique, mais c’est impossible de tout faire tenir dans une phrase ou un paragraphe ».

    Selon elle, rien de mieux que la pratique pour identifier plus facilement les différences physiques entre les amanites phalloïdes et un champignon comestible.

     

    L’ENJEU DE L’IDENTIFICATION DES CHAMPIGNONS

    Un nombre important d’amanites phalloïdes a été découvert dans les parcs nationaux américains, notamment celui de Point Reyes National Seashore en Californie, où Anne Pringle a participé à une étude sur l’invasion des champignons en 2010.

    D’après Ben Becker, conseiller scientifique du National Park Service (NPS, ou service américain des parcs nationaux), de nouvelles espèces invasives font sans cesse leur apparition au sein des parcs en raison de la circulation des personnes et des équipements. Le cas de l’amanite phalloïde est le parfait exemple de la manière dont les humains peuvent transporter de minuscules envahisseurs aux quatre coins du monde.

    Il ajoute que le NPS collabore avec des groupes mycologiques locaux comme la Bay Area Mycological Society pour sensibiliser le public aux dangers de la cueillette des champignons.

    Si vous pensez avoir mangé quelque chose que vous n’auriez pas dû manger, allez aux urgences en prenant si possible des morceaux du champignon ingéré pour identification.

    Et comme disent de nombreux cueilleurs de champignons et scientifiques, en cas de doute concernant un champignon, le mieux est de ne pas le consommer.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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