Votre façon de respirer est aussi unique que vos empreintes digitales

Au cours d’une nouvelle étude, des scientifiques ont été capables d’identifier des patients grâce à leur respiration, avec une précision de 97 %. Et bientôt, ils pourraient s’en servir pour diagnostiquer des maladies.

De Olivia Ferrari
Publication 17 juin 2025, 09:23 CEST
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Scan en 3 dimensions, colorisé, obtenu par tomodensitométrie des espaces au sein des os de la face, qui entourent la cavité nasale.

ILLUSTRATION DE Vsevolod Zviryk, SCIENCE PHOTO LIBRARY

La respiration est propre à chacun et, bientôt, les scientifiques pourraient l’analyser pour diagnostiquer des maladies.

Des scientifiques ont été capables d’identifier des personnes simplement en se basant sur leur schéma respiratoire, avec une précision de 96,8 %. Les différents schémas correspondaient aux différences entre les traits physiques et mentaux, selon une nouvelle étude parue dans la revue scientifique Current Biology.

La respiration, parce qu’elle est inconsciente, peut paraître simple, mais elle est contrôlée par un réseau neuronal complexe.

« La respiration doit être coordonnée avec presque tout », explique Noam Sobel, neurobiologiste de l’Institut israélien des Sciences Weizmann et co-auteur de l’étude. Nous devons la synchroniser à notre débit de parole, la reprendre à certains moments-clés lorsque nous nageons ; le système respiratoire doit souvent négocier avec certaines parties du cerveau.

« Bien que la respiration commence dans le tronc cérébral, avec le centre respiratoire, elle est en réalité coordonnée par une énorme partie de votre cerveau », continue le neurobiologiste. Ces différentes parties du cerveau incluent des régions responsables du langage, des émotions et des comportements moteurs.

L’inspiration provoque des vagues spécifiques dans l’hippocampe et le cortex préfrontal, deux régions du cerveau responsables de la mémoire. Elle aide ainsi à consolider les souvenirs. Lors de l’inspiration, la pression au sein de la cavité nasale change, ce qui excite des neurones qui envoient des signaux au cerveau, selon Detlef Heck, neuroscientifique de l’université du Minnesota, qui n’a pas pris part à la récente étude.

Le moment de transition entre expiration et inspiration pourrait avoir une sorte d’effet de réinitialisation dans le cerveau. Ainsi, changer sa façon de respirer peut aider à la régulation du stress et améliorer les performances cognitives. Des techniques de respiration lente sont utilisées pour calmer le stress et l’anxiété, pour altérer son humeur. Et changer son schéma respiratoire peut affecter les capacités cognitives et la concentration.

Les scientifiques en apprennent encore sur le cerveau et sa façon d’influencer la respiration, et vice versa. Un jour, ce savoir pourrait aider les médecins à obtenir des informations quant à la santé d’un patient.

 

LA RESPIRATION, COMME UNE EMPREINTE DIGITALE

L’équipe de scientifiques à l’origine de cette nouvelle recherche a principalement étudié la connexion entre le cerveau et la respiration par l’olfaction. C’est-à-dire comment les senteurs captées par le nez amènent des informations directement au cerveau pour qu’il puisse les traiter.

Parce que chaque cerveau est unique, les auteurs de l’étude ont émis l’hypothèse que le schéma respiratoire mis en place par le cerveau serait, lui aussi, unique.

Afin de tester leur hypothèse, les scientifiques ont développé un tube très léger, disposé dans le nez des participants, qui traquait le flux d’air nasal en continu durant 24 heures. Une centaine de jeunes adultes en bonne santé ont porté ce dispositif nasal sans rien changer à leur quotidien. Ils enregistraient leurs activités dans une application pour smartphone.

Les participants à l’étude avaient tous des schémas respiratoires remarquablement distincts, à en croire les résultats. L’équipe de recherche était capable d’identifier les individus simplement en se basant sur ces schémas, et avec une précision de 96,8 % en se servant d’une technique d’analyse de machine learning. Ce niveau de précision était constant lors des multiples tests qui ont été pratiqués sur une période de deux ans. Ainsi, la précision de ce test rivalise donc avec certaines technologies de reconnaissance vocale.

« Il est très rare de pouvoir prédire un processus biologique avec tant de précision », remarque Noam Sobel.

Chaque « empreinte digitale » respiratoire fournissait également des indications sur les conditions physiques et mentales de chaque individu. En effet, certains schémas respiratoires corrélaient avec l’indice de masse corporelle, le cycle circadien, ainsi qu’avec la dépression et l’anxiété. Les participants qui étaient plus anxieux que les autres, une donnée mesurée grâce à des réponses à un questionnaire, avaient par exemple tendance à inspirer plus rapidement et faisaient montre de pauses variées dans leur respiration lorsqu’ils dormaient.

Les pauses entre les inspirations se sont avérées être un paramètre d’autant plus significatif : une personne pouvait constamment faire une pause d’une seconde entre chaque respiration, tandis qu’une autre pouvait faire parfois faire une pause d’une seconde, et d’autres fois de cinq. Cette variable statistique était un outil puissant dans les modèles de prédiction, explique Noam Sobel.

 

POURQUOI LE NEZ CONTRÔLE LE CERVEAU

Le flux d’air nasal est intimement lié au cerveau à cause de l’évolution de notre sens de l’odorat, supposent les scientifiques.

La respiration nasale a également été connectée à notre formation d’images mentales, par exemple, et l’odeur est associée au stockage de nos souvenirs.

Cela pourrait être parce que l’odorat est le plus vieux système sensoriel à exister chez les mammifères, explique Noam Sobel, et il est considéré comme une sorte d’échafaudage évolutionnaire qui organise l’évolution et la structure du cerveau mammalien.

Bien que les humains modernes se servent surtout de la vision pour s’orienter, les connexions entre la respiration nasale et cette énorme part de notre cerveau pourrait être un mécanisme qui nous reste de notre histoire évolutive, explique Daniel Kluger, neuroscientifique de l’université de Münster, en Allemagne, qui n’a pas pris part à la récente étude.

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Au cours d’études sur la performance lors de tâches visuelles et spatiales, sans aucun lien avec l’odorat, les sujets tendaient à être plus performants en inspirant plutôt qu’en expirant. Cela pourrait être parce que l’inspiration nous rend plus sensibles à des données sensorielles, pas seulement liées à l’odorat, explique Daniel Kluger. Ainsi, nous sommes plus susceptibles de percevoir des informations visuelles, auditives et tactiles lorsqu’elles nous sont présentées en phase d’inspiration.

« [En inspirant] on se trouve dans un état physique particulier qui nous rend plus sensibles aux stimulus sensoriels entrants », continue Daniel Kluger.

 

CHANGER SA RESPIRATION AFFECTERAIT-IL NOTRE CERVEAU ?

Mesurer le lien entre les schémas respiratoires et la santé chez plus d’individus pourrait aider à développer l’analyse respiratoire en tant qu’outil de diagnostic.

« Il s’agit d’une découverte exaltante, mais il faut encore montrer qu’elle fonctionne également chez d’autres [groupes] », déclare Detlef Heck. « Mais d’une façon générale, je pense que nous nous orientons vers une direction prometteuse. »

Les auteurs de l’étude testent à présent leur dispositif et leur méthode d’analyse dans le cadre de la détection de maladies.

Les découvertes soulèvent également des questions sur les effets que pourraient entraîner les changements de nos schémas respiratoires sur notre activité cérébrale.

« C’est un peu la question de l’œuf et de la poule, qu’est-ce qui entraîne quoi. Est-ce que nous respirons d’une certaine manière parce que nous sommes déprimés ou sommes-nous déprimés parce que nous respirons de cette manière ? » se demande Noam Sobel. « Si c’est la dernière option, alors, potentiellement, il s’agit d’une perspective exaltante parce qu’elle ouvre des voies d’intervention : est-ce que l’on peut apprendre à respirer d’une façon qui nous rendra moins déprimé ou moins anxieux ? »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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