États-Unis : les cas de cancers sont en hausse chez les jeunes femmes

Un rapport a révélé que les femmes représentent les deux tiers des personnes diagnostiquées de cancer chez les moins de 50 ans aux États-Unis. Toutes les nouvelles ne sont cependant pas mauvaises.

De Keren Landman
Publication 29 mai 2025, 17:09 CEST
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Une tomographie par émission de positons d’une femme atteinte d’un cancer du sein, qui s’est diffusé dans les ganglions lymphatiques, les os et le foie.

PHOTOGRAPHIE DE Image by Centre Jean-Perrin, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Dans son récent rapport annuel, la Société américaine du cancer (en anglais, American Cancer Society, ACS) a partagé des nouvelles étonnantes. De plus en plus de jeunes Américains sont diagnostiqués de cancers, et surtout les jeunes femmes.

Avant de céder à la panique, il convient de rappeler que cette tendance n’est pas entièrement nouvelle. Les jeunes femmes ont, depuis longtemps, été plus promptes au cancer que les hommes dans la même tranche d’âge. Le rapport contient également de bonnes nouvelles, rassure Otis Brawley, oncologue et professeur d’épidémiologie du département de santé publique Bloomberg de l’université Johns Hopkins. Parmi elles, le fait que les cas de décès des suites de cancers sont en baisse, de manière générale.

Le rapport suggère cependant que la place est à l’inquiétude dans certains domaines ; les médecins ne comprennent pas la cause de l’augmentation des diagnostics de cancers chez les jeunes femmes. Toutefois, ils ont certains suspects en ligne de mire, comme l’obésité, l’âge précoce auquel survient la puberté, ainsi que l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

Il est peu probable qu’il n’y ait qu’un seul coupable. Les causes, préventions et traitements sont souvent très différents suivant les cancers. « Il faut considérer ce problème au cas par cas », explique Otis Brawley.

Bien que les tendances des cancers soient complexes, il y a beaucoup de réflexes à adopter pour diminuer les risques de développer certains cancers. Comprendre ce qui se cache derrière les derniers schémas découverts, et comment s’en prémunir, est une bonne première étape vers une amélioration holistique de notre santé.

 

LES FEMMES ET LES JEUNES ADULTES PORTENT PLUS LE FARDEAU DU CANCER

On a longtemps considéré les cancers comme étant des afflictions limitées aux personnes âgées, et surtout aux hommes âgés. C’est une vision qui évolue.

Les adultes de plus de soixante-cinq ans représentent encore la majorité des personnes diagnostiquées de cancers, et deux-tiers sont des hommes. L’ACS rapporte cependant que les diagnostics de cancer chez les jeunes femmes sont à présents aux mêmes proportions, voire dépassent, ceux des hommes de la même tranche d’âge.

Ce qui est particulièrement étonnant, c’est que le rapport révèle que deux tiers de tous les diagnostics de cancers chez les personnes de moins de cinquante ans ont été établis chez des femmes, explique Mary Beth Terry, professeure d’épidémiologie de l’université Columbia et directrice adjointe de l’Institut Silent Spring. Elle n’a pas pris part au récent rapport. Le schéma général qui émerge n’est pas nouveau. Lors d’une analyse de données historiques de diagnostics de cancer, l’équipe de la scientifique a découvert que les jeunes femmes ont plus souvent été diagnostiquées de cancers que les hommes, et ce, depuis au moins trente ans. Mais cet écart entre les jeunes hommes et les jeunes femmes persiste et se creuse.

Qu’est-ce qui peut donc se cacher derrière cette recrudescence de cancers chez les femmes de moins de cinquante ans ?

Le cancer du sein est à blâmer pour une grande partie de la différence dans les risques. Ses taux croissent chez les femmes de moins de cinquante ans, plus rapidement que chez les femmes plus âgées, tout comme les cas de cancers colorectaux, une tendance que l’on observe également chez les hommes. Les risques plus grands chez les femmes de développer un cancer de la thyroïde jouent aussi un rôle, tout comme l’augmentation des cancers de l’utérus et du col de l’utérus. Et, bien que les cas de cancers du poumon soient en baisse pour toutes les populations, on observe une baisse plus faible que chez les femmes que chez les hommes.

En général, les tendances dans les diagnostics de cancer chez les hommes de moins de 50 ans stagnent. On observe cependant une augmentation des taux pour certains cancers spécifiques, notamment la leucémie et les cancers des testicules et des reins.

Mary Beth Terry trouve impressionnant que ces cancers deviennent de plus en plus fréquents chez les jeunes femmes, alors même que le nombre de personnes fumeuses a atteint son seuil le plus bas de tous les temps aux États-Unis. Cela suggère qu’il y a plus derrière les risques de développer un cancer que les facteurs qui affectent les individus, comme la génétique ou les habitudes telles que la cigarette. Les facteurs auxquels on est prédisposés et les facteurs ayant plus trait à notre environnement de vie affectent sans doute la répartition des cancers, mais également leurs conséquences », continue la scientifique. « Il n’est pas seulement question des actions d’un individu. »

COMPRENDRE : Le cancer

Un point positif important : on observe que les personnes sont plus susceptibles que jamais de survivre à un cancer. Cela est dû aux avancées massives tant des les diagnostics que dans les traitements, comme de récents progrès dans les immunothérapies et les thérapies ciblées adaptées spécifiquement au cancer de la personne concernée.

Cependant, ce progrès ne vient pas au bénéfice de tous les Américains. Les Noirs et les Amérindiens sont plus susceptibles de mourir de cancers que toutes les personnes venant d’autres groupes ethniques. C’est en partie à cause du manque d’accessibilité de ces traitements, très onéreux. Ils sont également plus sujets aux cancers, pour commencer, car ils sont plus exposés aux substances chimiques qui les provoquent. À cause d’un manque d’accès à des diagnostics précoces de haute qualité, il est plus probable qu’ils vivent avec sans que les cancers ne soient détectés.

 

TENDANCES CULTURELLES ET ENVIRONNEMENTALES

Les scientifiques savent quels sont les cancers qui sont à blâmer pour l’augmentation des diagnostics chez les femmes. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est pourquoi ces cancers deviennent de plus en plus communs.

Trouver une réponse à cette question n’est pas chose aisée, le cancer n’est pas simplement qu’une seule maladie, mais bien plusieurs et chacune a ses causes probables, qu’elles soient connues ou inconnues. À la racine de chaque cancer se trouve une cellule qui prolifère sans que rien en soit fait par le corps pour l’en empêcher, jusqu’à ce qu’elle s’échappe de l’infrastructure de l’organisme et passe au travers des défenses du système immunitaire. Il y a cependant beaucoup de façons de développer ces traits néfastes et beaucoup d’éléments déclencheurs peuvent pousser la cellule à prendre un chemin périlleux.

Larry Norton, oncologue spécialisé dans le cancer du sein au Centre de cancer du Memorial Sloan Kettering, qui est également à la tête du Centre du cancer du sein Evelyn H. Lauder, le formule ainsi : « Il n’y a qu’une seule façon pour que tous les musiciens d’un orchestre jouent en harmonie mais il y en a cent vingt pour que quelque chose ne se passe pas comme prévu. Tout peut dégénérer et donner le même résultat. »

La génétique a toujours constitué un facteur de risque important pour beaucoup de cancers mais on ne peut pas lui imputer ces nouvelles tendances d’âge et de genre. Après tout, les personnes ne sont pas si différentes que cela du point de vue de la génétique qu’il y a trois décennies. Par le passé les personnes pensaient que « si on est jeunes et que l’on a un cancer, ce sont simplement les gènes ; si on est vieux, c’est l’environnement », résume Mary Beth Terry. « La réalité, c’est que ce sont les deux. »

Et les experts pensent que d’autres facteurs de risque interviennent également.

 

L’EXPOSITION AUX ŒSTROGÈNES POURRAIT JOUER UN RÔLE

Plus une jeune femme est exposée aux œstrogènes durant les premières décennies de sa vie, plus elle est susceptible de développer un cancer du sein durant les années où elle sera en âge d’enfanter, explique Larry Norton. Les œstrogènes, au cours de leur cycle en combinaison avec leur contrepartie, la progestérone, des sources particulièrement fortes qui attisent les risques de cancer. La première source de ce cycle, chez les femmes, c’est l’ovulation, qui se produit environ une fois par mois durant les années reproductives.

Plusieurs facteurs différents peuvent pousser les femmes à avoir de telles périodes plus tôt dans leur vie. L’une d’entre elles est le taux décroissant de natalité parmi les jeunes femmes en particulier. Durant la grossesse, l’ovulation s’arrête, et pendant que les taux d’œstrogènes et de progestérone atteignent des niveaux élevés, ils ne fluctuent pas comme ils ont l’habitude de le faire hors grossesse. Cet arrêt de la période d’ovulation de neuf mois, surtout s’il se produit avant qu’une femme atteigne les trente ans, diminue les risques de développer un cancer du sein plus tard dans la vie. De plus, la grossesse conduit à un changement des tissus de la poitrine qui rend les cellules moins promptes à devenir des cellules cancéreuses.

Tout ceci s’ajoute et fait baisser les taux de cancer du sein postménopause chez les femmes qui ont eu un enfant avant leurs trente ans. Inversement, les taux augmentent chez celles qui n’ont pas eu d’enfants, comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui.

Un autre facteur contribuant à un accroissement du cycle menstruel, la puberté précoce chez les jeunes filles. L’âge moyen de la puberté a baissé chez les jeunes filles au cours des dernières années, et les taux d’obésité chez les enfants n’y est pas pour rien.

 

L’OBÉSITÉ EST UN FACTEUR DE RISQUES

L’obésité est également liée à l’augmentation du taux des cancers colorectaux chez les jeunes, explique Otis Brawley. Ce n’est pas seulement l’excès de graisse qui contribue au risque mais la sédentarité et la surconsommation de calories. C’est une constellation qu’il nomme « le déséquilibre énergétique ». Plusieurs études ont lié le dépistage précoce du cancer colorectal avec des régimes riches en glucides ultra-transformés, en aliments gras ou sucrés, en viandes rouges ou transformées, et pauvres en fruits frais et en légumes. Les produits dérivés de certains microbes de l’estomac pourraient également avoir un rôle à jouer dans cette tendance.

Un autre contributeur possible des taux de cancers en hausse : les contaminants environnementaux. Mary Beth Terry dirige des recherches sur les associations entre un éventail de polluants présents dans l’eau, dans les aliments et dans l’air.  L’amiante et le radon sont bien connus pour provoquer des cancers aux poumons et qu’il existe une forte connexion entre la contamination de l’eau à l’arsenic et le développement de cancers des poumons, de la vessie et de la peau, des lois sont déjà en vigueur pour limiter l’exposition des Américains à ces polluants, tout comme c’est le cas en France.

D’un autre côté, les « produits chimiques éternels », les PFAS ou per- et polyfluoroalkylés sont présents dans une grande partie des produits ménagers, et sont considérés comme des contaminants environnementaux. Certaines études les ont même liés à certains cancers, comme celui des reins et de la thyroïde et leur exposition grandit de plus en plus. Les personnes en charge des législations ont cependant rencontré des difficultés à mettre en place des régulations afin de protéger le public de ces produits. En France et en Europe, des mesures ont été mises en place afin de réduire au maximum leur utilisation et pour contrôler leur présence dans les produits.

En fin de compte, il est également possible que l’augmentation des cancers parmi les femmes soit, en partie, due à une meilleure détection des maladies. Cela pourrait particulièrement être le cas pour le cancer du sein. Les améliorations des technologies de mammographie, utilisée pour établir le diagnostic de ce cancer, ont probablement contribué au dépistage d’un grand nombre de cancers, surtout pour ceux qui s’établissent à un stade précoce, explique Robert Smith, un épidémiologiste qui gère la détection précoce des cancers au sein de l’ACS. Pour les patients, cela a du bon : détecter les cancers tôt a permis un traitement plus facile de beaucoup d’entre eux.

 

LES CHOIX PERSONNELS ET LES LÉGISLATIONS REDESSINENT LES RISQUES DE CANCERS

Les rapports sur le nombre croissant de cancers attirent énormément l’attention. Mais ils « effraient [également] le public », avertit Otis Brawley. De plus, ils ne sont pas très efficaces pour orienter les personnes vers des actions qui préviennent les risques de développer un cancer ou qui permettent de le détecter tôt. Par exemple, malgré des décennies d’avertissements sur les risques du cancer du sein, les mammographies chez les femmes s’entêtent à tourner autour des 60 % depuis plus de quinze ans.

Se concentrer sur certaines habitudes peut avoir une grande influence sur la minimisation des risques de cancers.

L’un des choix qui a le plus de conséquences, c’est d’éviter les produits à base de tabac. Cela inclut le fait de fumer et de vapoter. Le manque de données et de recul sur la cigarette électronique ne permet pas d'établir une corrélation entre le risque de développer des cancers et le vapotage. Cela étant, si les risques semblent moins importants, il est conseillé de ne pas faire usage de la cigarette électronique.

Un autre bon choix à faire consiste à surveiller son régime alimentaire et de privilégier une alimentation riche en fibres qui limite les aliments transformés, la viande rouge et les glucides ultra-transformés. La Société américaine contre le cancer recommande également de pratiquer une activité physique régulière et de surveiller son poids.

Consommer de l’alcool augmente le risque de développer certains cancers chez des personnes ayant des prédispositions génétiques. Il est important pour elles de limiter leur consommation.

Certains cancers sont liés à des infections, et plusieurs de ces infections peuvent être évitées grâce à des vaccins. Ceux contre l’hépatite B et le papillomavirus (HPV) peuvent réduire les risques de développer ces maladies. De plus, le dépistage de certains cancers traitables comme le cancer du sein et du colon, ainsi que le cancer du poumon pour les fumeurs, permet de s’assurer de détecter au plus tôt ces cancers, ce qui peut augmenter les chances de traitement.

Mais les diagnostics précoces ne sont pas suffisants pour combler les disparités qui existent, insiste Otis Brawley. Si le taux de mortalité des cancers du sein chez les femmes noires américains est si élevé, c’est en grande partie parce qu’elles sont moins susceptibles d’avoir accès à un traitement de qualité aux États-Unis une fois le diagnostic établi. C’est un problème qui est lié à ce que couvrent les assurances maladie, aux difficultés d’accès aux soins médicaux, au fait que les traitements qui leur sont proposés par les mutuelles de santé sont moins efficaces, et à d’autres facteurs. Au sein des communautés Noires « il existe cette emphase incroyable sur le dépistage », qui n’est pas suivie par une emphase sur les soins.

Certains facteurs de risque importants demandent des changements à de plus grandes échelles, explique Mary Beth Terry. « Depuis trop longtemps nous avons essayé de nous concentrer seulement sur les facteurs de risque chez les individus », dit-elle. Mais les facteurs généraux comme les contaminants dans l’air, dans l’eau et dans les sols entraînent également des conséquences importantes sur la répartition des cancers et sur leur finalité. « Il ne s’agit pas seulement des individus, il y a beaucoup à faire au niveau des législations », conclut la scientifique.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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