Les troubles de la thyroïde passent souvent inaperçus, voici les signes à surveiller

Des millions de personnes souffrent de troubles thyroïdiens, mais beaucoup l’ignorent. Certains symptômes, comme le brouillard cérébral ou de légers tremblements, doivent vous alerter.

De Daryl Austin
Publication 15 sept. 2025, 11:59 CEST
Une femme présentant un goitre thyroïdien multinodulaire volumineux attend d’être opérée à l’hôpital. De telles grosseurs ...

Une femme présentant un goitre thyroïdien multinodulaire volumineux attend d’être opérée à l’hôpital. De telles grosseurs montrent combien les dysfonctionnements thyroïdiens peuvent altérer la production d’hormones et perturber le métabolisme, la santé cardiaque et même la fonction cérébrale si elles ne sont pas soignées.

PHOTOGRAPHIE DE Love Silhouette, Shutterstock

Située à la base du cou, la glande thyroïdienne influence en silence presque chaque système dont vous dépendez, de votre rythme cardiaque à votre digestion, en passant par la solidité de vos os et la fonction cérébrale.

Malgré son rôle central, rares sont les personnes à se rendre compte qu’elles souffrent de problèmes de la thyroïde. « Les symptômes s’immiscent facilement dans la vie quotidienne et sont souvent balayés sous le couvert du stress, de l’âge ou d’une vie bien remplie », explique Jodi Fox Mellul, endocrinologue à Inspira Health, dans le New Jersey (États-Unis). Les premiers symptômes peuvent être aussi discrets qu’avoir des difficultés à dormir, souffrir d’anxiété, se montrer irritable sans raison, ou ressentir de légers tremblements dans vos mains lorsque vous tenez une tasse de café.

Il est pourtant essentiel de faire attention à ces symptômes. Comme le montre cette étude, les problèmes de thyroïde non soignés peuvent entraîner des maladies cardiaques graves, une fragilité osseuse, des difficultés à concevoir et même des troubles cérébraux. Des complications que les endocrinologues espèrent prévenir par une sensibilisation et un dépistage accrus.

« L’importance d’un dépistage plus large et d’une sensibilisation accrue du public au sujet des problèmes de thyroïde ne saurait être sous-estimée, en particulier au vu de leur prévalence élevée et de l’incidence notable qu’ils peuvent avoir sur la qualité de vie et la santé à long terme », observe Ravali Veeramachaneni, spécialiste de l’obésité et endocrinologue à la clinique de Cleveland, dans l’Ohio (États-Unis).

 

DES DÉSÉQUILIBRES QUI SE RESSENTENT PARTOUT

De la forme de papillon et pas plus large que deux pouces collés l’un contre l’autre, la thyroïde est située juste en dessous de la pomme d’Adam. Elle produit des hormones, comme la thyroxine (T4), la triiodothyronine (T3) et la calcitonine, des messagers chimiques qui régulent la quantité d’énergie utilisée par presque chaque cellule de notre corps. Ces hormones ont notamment une influence sur le métabolisme, la température corporelle, le rythme cardiaque, la fonction cérébrale, la digestion, la force musculaire.

« La thyroïde fabrique, stocke et libère ces hormones. Elle est donc d’une importance vitale », explique Marilyn Tan, endocrinologue et médecin interne au Stanford Health Care. En outre, « les hormones thyroïdiennes régulent le rythme auquel chaque cellule utilise de l’oxygène et convertit les substrats en énergie », ajoute Ravali Veeramachaneni. « En cas de déséquilibre, les répercussions se feront ressentir sur tous les systèmes corporels et tous les organes ».

L’endocrinologue voit les hormones thyroïdiennes « comme la pédale d’accélérateur du moteur du corps ». En cas d’hyperthyroïdie, « le moteur tourne trop vite » en produisant des hormones en excès, explique-t-elle. En cas d’hypothyroïdisme, le moteur tourne trop lentement et produit trop peu d’hormones. Dans les deux cas, des symptômes comme des sautes d’humeur, des insomnies, de la fatigue, de la faiblesse musculaire, des fluctuations de poids, une intolérance au chaud ou au froid et des palpitations cardiaques peuvent apparaître.

Les problèmes de thyroïde peuvent aussi être auto-immuns, comme dans le cas de la thyroïdite de Hashimoto ou de la maladie de Basedow. Le système immunitaire attaque alors par erreur la glande thyroïdienne.

Quels que soient leurs types, « les dysfonctionnements thyroïdiens peuvent affecter votre qualité de vie, votre capacité à penser, à faire face à vos obligations professionnelles ou parentales, ou à profiter des choses que vous aimiez », souligne Jodi Fox Mellul.

Au fil du temps, ces dysfonctionnements peuvent aussi mettre le cœur à rude épreuve et accélérer la perte osseuse, ajoute Marilyn Tan, ce qui augmente le risque de maladie cardiovasculaire, de fractures et d’ostéoporose, en particulier chez les personnes âgées.

 

UN LIEN AVEC LE DÉCLIN COGNITIF

Il a été démontré que les troubles de la thyroïde étaient aussi associés à un risque accru de démence, et en particulier de démence vasculaire. De même, une méta-analyse de 2024 a découvert que les formes « sous-cliniques » déclarées et légères d’hyperthyroïdie étaient associées à un risque d’Alzheimer. « Même de subtils changements au niveau de la thyroïde peuvent affaiblir la mémoire et la concentration en silence des années avant qu’un diagnostic de démence ne soit prononcé ».

Ceci pourrait notamment s’expliquer par les niveaux élevés d’hormones thyroïdiennes, qui endommageraient les vaisseaux sanguins du cerveau, altérant les connexions synaptiques et augmentant le stress oxydatif. Un excès d’hormones durable peut aussi altérer les neurotransmetteurs ou favoriser l’accumulation du peptide amyloïde bêta, une protéine associée à la maladie d’Alzheimer. « Les chercheurs examinent encore tous les mécanismes, mais cette association est inquiétante, en particulier chez les personnes âgées, qui ne présentent pas de symptômes visibles, mais font face à des complications irréversibles si la maladie n’est pas diagnostiquée ».

Tout ceci importe, car les dysfonctionnements de la thyroïde sont loin d’être rares. Les maladies de la thyroïde touchent plus de 15% de la population française, soit plus de 10 millions de personnes. Plus d’une personne sur 10 développera une affection thyroïdienne au cours de sa vie. Selon cette étude, ces chiffres sont encore plus élevés, en particulier chez les adolescents et les adultes âgés, lorsque l’on prend en compte les cas légers. Une étude a ainsi conclu qu’un Américain sur 4 de 65 ans et plus pourrait être atteint d’un certain niveau de dysfonctionnement thyroïdien.

Malgré ces chiffres élevés, la sensibilisation reste insuffisante. Selon l’American Thyroid Association, jusqu’à 60 % des personnes souffrant d’un problème de la thyroïde ne le savent pas. Ceci s’explique en grande partie par les symptômes, qui sont « divers et non spécifiques, et qui imitent d’autres pathologies, comme le stress, la dépression, le vieillissement ou une fatigue généralisée », explique Ravali Veeramachaneni.

Pour compliquer davantage les choses, « certains patients sont terriblement affectés, tandis que d’autres n’ont étonnamment aucun symptôme », ajoute Giuseppe Barbesino, endocrinologue au Massachusetts General Hospital.

 

L’IMPORTANCE D’UN DIAGNOSTIC PRÉCOCE

La bonne nouvelle, c’est que l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdisme se soignent facilement une fois identifiés, et le traitement peut changer la vie. « En tant que médecin, il est très gratifiant de voir une jeune femme qui se sentait mal depuis des mois et souffrait de symptômes inexpliqués et déconcertants redevenir elle-même après avoir suivi pendant quelques semaines un traitement efficace », confie l’endocrinologue.

Un diagnostic rapide permet de protéger le rythme cardiaque, de préserver la densité osseuse, de stabiliser l’humeur, d’améliorer le sommeil et de se prémunir contre le déclin cognitif. Les études montrent qu’un traitement précoce peut même améliorer voire inverser les changements survenus à la suite de la maladie de Basedow, avant qu’ils ne causent des dommages permanents.

À l’inverse, les dysfonctionnements thyroïdiens non identifiés peuvent entraîner des dommages irréversibles. « C’est frustrant de voir un homme âgé souffrir de fibrillation auriculaire permanente, qui aurait pu être évitée si son hyperthyroïdie légère avait été diagnostiquée plus tôt », confie Giuseppe Barbesino.

Le dépistage précoce est rendu possible par la sensibilisation du public aux troubles thyroïdiens et aux symptômes associés, ainsi qu’à un dépistage plus fréquent. L’American Thyroid Association recommande de se faire dépister à partir de 35 ans, puis tous les 5 ans ensuite. Ce geste pourrait aider « des millions de personnes souffrant d’un problème de la thyroïde et qui ne le savent pas », souligne Jodi Fox Mellul.

 

DES TESTS ET UN TRAITEMENT ADAPTÉS À CHAQUE CAS

Les troubles thyroïdiens masquent souvent d’autres maladies, c’est pourquoi il est essentiel de repérer les schémas. Les signes d’un problème de la thyroïde peuvent apparaître de façon éparse dans un premier temps (anxiété ou irritabilité persistante, nervosité, perte de poids sans perte d’appétit). Certains patients remarquent des symptômes plus subtils : tremblements dans les mains, besoin fréquent d’uriner, transpiration excessive, gonflement à la base du cou, changement d’aspect des yeux (qui peuvent devenir gonflés ou globuleux) ou vision floue. Les femmes peuvent également avoir des cycles irréguliers ou des problèmes de fertilité.

« La plupart des problèmes de thyroïde sont diagnostiqués à l’aide d’une simple prise de sang », indique Jodi Fox Mellul. Votre professionnel de santé peut aussi vous recommander un examen d’imagerie pour étudier de plus près la glande. « Si les tests révèlent des niveaux normaux d’hormones thyroïdiennes, des examens supplémentaires doivent être réalisés pour déterminer la cause des symptômes », précise Marilyn Tan.

Une fois le diagnostic posé, le traitement dépend de la cause et de la gravité du dysfonctionnement. Il implique souvent un traitement médicamenteux, une radiothérapie à l’iode ou une opération chirurgicale.

Mais pour en bénéficier, « vous devez discuter de vos symptômes et faire part de vos inquiétudes à votre professionnel de santé, pour que les dépistages et les tests appropriés soient réalisés », insiste l’endocrinologue.

« Fiez-vous à votre instinct », ajoute Ravali Veeramachaneni. « Une simple conversation et un test peuvent vous donner les réponses que vous cherchez et jouer un rôle déterminant dans la protection de votre santé sur le long terme ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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