Le Ice Bucket Challenge fait son grand retour
Cette tendance des réseaux sociaux de 2014 a permis de sensibiliser le grand public à la maladie de Charcot et de financer la recherche. En sera-t-il de même onze ans plus tard ?

Des personnes participent au Ice Bucket Challenge à Gloucester, dans le Massachussetts, durant le dernier événement annuel « Plunge 4 Pete » (Plonger pour Pete) le 28 décembre 2019, le jour de ce qui aurait dû être le 35e anniversaire de Pete Frate. La levée des fonds a commencé en 2012 après le diagnostic de SLA de Pete Frates, à l’origine de la popularisation du Ice Bucket Challenge.
Plus d’une décennie après le début de la tendance vite devenue virale, des milliers de personnes dépoussièrent leurs seaux et se renversent à nouveau de l’eau glacée sur la tête. Cette fois-ci, elles se battent pour la santé mentale.
En 2014, le Ice Bucket Challenge a récolté 115 millions de dollars américains, soient environ 95 millions d’euros, pour ce qui était à l’époque une maladie peu connue, voire boudée par la recherche. La sclérose latérale amyotrophique (SLA), que l’on connaît également sous le nom de maladie de Charcot, attaque les cellules nerveuses du cerveau et la moelle épinière, conduisant fatalement à une perte du contrôle musculaire. Les conséquences sont désastreuses : impossibilité de parler, bouger, manger et, en fin de compte, de respirer. Le Ice Bucket Challenge n’a pas fait que récolter de l’argent pour cette cause, il a sensiblement changé la trajectoire de la maladie de Charcot. On a, grâce à lui, fait des découvertes de gènes spécifiques impliqués dans le développement de la maladie, de moyens de traitements. La collaboration scientifique s’en est vue renforcée et des technologies ont été développées pour améliorer la qualité de vie des patients.
Mais comment les créateurs du challenge original se sentent vis-à-vis de la nouvelle version, et quels progrès ont été faits depuis 2014 ? Patrick Quinn, le père du défunt Pat Quinn, l’un des trois co-fondateurs du Ice Bucket Challenge, et Brian Frederick, responsable du marketing et de la communication au sein de l’association américaine contre la SLA (ALSA), se confient.
UN CHALLENGE REMIS AU GOÛT DU JOUR
Après le suicide de certains de ses amis, Wade Jefferson, étudiant à l’université publique de Caroline du Sud, cherchait un moyen pour en finir avec les idées reçues autour de la santé mentale. Il a créé le club de discussion des besoins de la santé mentale (en anglais, MIND : Mental Illness Needs Discussion) de son université. C’est là que le jeune étudiant a pensé à un nouvel Ice Bucket Challenge, cette fois pour donner un nouveau souffle aux actions pour une meilleure santé mentale. Le challenge #SpeakYourMIND est ainsi né.
Cette campagne démarrée le 31 mars a déjà récolté près de 420 000 dollars américains, soit environ 375 000 euros, au profit d’Active Minds, la plus grande organisation à but non-lucratif américaine qui vise à changer les codes de la santé mentale parmi les jeunes adultes et les adolescents. Des personnalités importantes aux États-Unis se sont adonnées au challenge, comme l’ancien quarterback de la NFL, la ligue nationale de football américain, Peyton Manning, ainsi que Jenna Bush Hager, animatrice de l’émission télévisée TODAY.
Alors que la campagne faisait un bon début, certains craignaient qu’elle n'amoindrisse les effets du premier Ice Bucket Challenge, associé à la maladie de Charcot. Sur les réseaux sociaux cependant, les personnes participant au challenge mentionnent l’ALSA et montrent ainsi l’inspiration de cette nouvelle tendance.
Peu après, l’ALSA et Active Minds ont joint leurs forces afin de sensibiliser le public aux deux causes. Le challenge est utilisé pour attirer l’attention sur le fait que la maladie de Charcot n’a pas uniquement des conséquences sur le bien-être physique des personnes qui en souffrent, elle a aussi un effet important sur leur santé mentale. Un effet qui n’est pas suffisamment discuté.
« Même au sein des groupes de soutien pour la maladie de Charcot, la santé mentale n’est jamais évoquée », déplore Partick Quinn. « C’est une maladie physique mais si on regarde avec plus d’attention chacune de ses conséquences, on en vient à se poser des questions sur le bien-être mental. »
QUE SAIT-ON DE LA SANTÉ MENTALE DES PERSONNES ATTEINTES DE LA MALADIE DE CHARCOT ?
La sclérose latérale amyotrophique touche aujourd’hui environ 7 000 personnes en France, après leur diagnostic, la durée de vie moyenne des patients est d’environ trois ans.
À cause des progrès, énormes, encore nécessaires pour répondre à la perte de fonctions motrices chez les patients, Patrick Quinn est d’avis que la santé mentale a été reléguée au dernier plan. Bien que la maladie de Charcot ait été découverte il y a 150 ans, il n’y a que très peu d’études qui ont analysé ses conséquences sur la santé mentale, et vice versa.
Au moins un questionnaire a révélé que la détérioration physique empire chez les patients en même temps que leur état de dépression. D’autres sondages menés indépendamment ont montré que 64 % d’entre eux se sentent déprimés, et 88 % sont anxieux. Une étude parue en 2019 a même démontré qu’un bien-être émotionnel moyen à mauvais était associé à une progression plus rapide de la maladie.

Les co-fondateurs du Ice Bucket Challenge, Pat Quinn, à gauche, Pete Frates, au centre, ainsi que la femme et la fille de Pete, Julie et Lucy, aux côtés de membres de l’équipe de football américain, les Red Sox, et leur staff prennent part au relancement du Ice Bucket Challenge le 31 juillet 2015 à Fenway Park.
Patrick Quinn a assisté au combat de son fils contre la maladie de Charcot durant sept ans et demi. Il confie qu’il est difficile de comprendre comment les personnes souffrant de la maladie se sentent, surtout une fois qu’ils ont perdu la capacité de parler, et plus encore « parce qu’ils ont une habitude étrange de le cacher afin d’éviter d’être un fardeau pour leur famille. »
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES FONT PROGRESSER LES TRAITEMENTS
L’espoir point tout de même à l’horizon pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot et leur famille. Une étude publiée en janvier 2025 a montré que le tofersen, commercialisé aux États-Unis sous la marque Qalsody, la première thérapie génique approuvée en 2023 par la Food and Drug Association (équivalent américain de l’ANSM), freine non seulement la progression d’une forme rare de la maladie, mais aide également à la restauration des fonctions du patient. En France, le médicament n’a pas encore reçu l’approbation de la Haute Autorité de santé.
Les entreprises se servent également d’outils d’IA afin d’explorer de vastes bases de données afin d’identifier des cibles biologiques qui pourraient accélérer la mise au point de médicaments et leur développement, explique Brian Frederick. Et les avancées technologiques continuent d’aider les patients atteints de SLA qui ont perdu la capacité de parler, afin qu’ils puissent tout de même communiquer avec leur entourage.
« Il y a désormais beaucoup de choses qui leur permettent de continuer à s’accrocher », déclare Patrick Quinn. Il ajoute qu’il est reconnaissant que le challenge #SpeakYourMIND ait ouvert les yeux au monde, ainsi que les siens, sur l’importance de la santé mentale chez les patients.
« La maladie de Charcot n’a pas de visage jusqu’à ce qu’elle frappe à votre porte », dit-il. « L’une des choses importantes pour Pat avant qu’il ne nous quitte c’était que, peu importe la gravité de la situation, il fallait toujours trouver une raison de sourire, et d’avancer. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
