Comment savoir si les conseils nutritionnels donnés sur les réseaux sociaux sont fiables ?
Les conseils nutritionnels qui circulent en ligne reposent rarement sur des bases scientifiques, quoiqu’ils partent souvent d’un fond de vérité. Voici comment démêler le vrai du faux.

Un créateur de contenu présente des myrtilles fraîches avec une lampe annulaire.
La prochaine fois que vous êtes sur les réseaux sociaux, pensez à la chose suivante : une étude analysant des publications d’influenceurs sur Instagram a montré que 86 % du contenu en lien avec la nutrition ne cite aucune source scientifique, tandis que d’autres recherches ont mis en évidence des inexactitudes dans 45 % des publications liées à la nutrition sur la plateforme. De même, des chercheurs de l’Université Harvard ont constaté que 97 % des vidéos populaires sur TikTok traitant de perte de poids, de prise de masse musculaire et de suppléments détox ne fournissaient aucune preuve scientifique pour étayer leurs affirmations.
Et cela ne concerne pas que TikTok et Instagram : une analyse de soixante-quatre études portant sur divers sites et réseaux sociaux a montré que la moitié d’entre eux diffusaient des informations nutritionnelles de « faible exactitude ».
« Souvent, il y avait un mélange de désinformation et d’informations exactes, ce qui peut considérablement compliquer la tâche des utilisateurs de réseaux sociaux qui cherchent des conseils nutritionnels », relève Emily Denniss, autrice principale de l’étude et chargée d’enseignement en nutrition et santé publique à l’Université Deakin, en Australie.
Sydney Hurley, 27 ans, est l’une de ces utilisatrices. Elle suit plusieurs comptes Instagram consacrés au bien-être féminin, ce qui suscite une avalanche de suggestions d’autres sites de nutrition dans son fil d’actualité. « Je vois beaucoup d’informations contradictoires ; il peut être difficile de savoir à quelles perspectives se fier », explique celle qui travaille pour le département de la Défense des États-Unis, à Washington.
Des conseils peu fiables peuvent faire des dégâts bien réels. Des régimes très populaires, comme le kéto ou les cures détox, excluent des groupes entiers d’aliments et donc de nutriments. Emily Denniss s’inquiète de ce que la promotion de ces régimes restrictifs favorise l’apparition de troubles du comportement alimentaire. « Et c’est sans parler de l’argent gaspillé dans des compléments alimentaires largement promus et souvent inefficaces, voire inutiles pour la santé », ajoute-t-elle.
Une grande partie de cette désinformation part pourtant d’un fond de vérité. Comment savoir si les conseils que l’on trouve sur les réseaux sociaux reposent réellement sur une base scientifique ou s’ils ne sont qu’une perte de temps ? Nous avons demandé à des spécialistes de nous aider à décrypter trois tendances alimentaires.
TENDANCE #1 : UN RÉGIME SANS LECTINES
L’assertion : sur les réseaux sociaux, certaines personnes exhortent leurs abonnés à éviter les aliments contenant des lectines, des protéines présentes dans les plantes, chez les animaux et dans les micro-organismes. On en trouve dans les légumineuses (haricots rouges, lentilles, etc.), dans les arachides, dans les céréales et dans certains fruits et légumes. On leur impute des maux tels que l’hyperperméabilité intestinale, l’affaiblissement de l’immunité, la prise de poids, les poussées auto-immunes et certains atteintes aux organes, entre autres troubles.
Le fond de vérité : le fait de consommer certains types de lectines en grandes quantités peut provoquer des troubles digestifs (nausées, diarhées…), car elles se lient aux sucres présents dans le tube digestif, ainsi que l’explique Emadeldin Konozy, chercheur à l’Université de Cape Coast, au Ghana, et spécialiste des lectines. Mais ce n’est pas tout.
Ce qu’en dit la science : « L’idée qui veut que toutes les lectines végétales soient nocives est un mythe. En réalité, leur impact dépend de leur cible spécifique, un peu comme une clé correspond à une serrure particulière », illustre-t-il.
S’il est vrai que les céréales complètes et les légumineuses sont particulièrement riches en lectines problématiques, elles ne sont probablement pas aussi dangereuses pour le tube digestif que ne cherchent à vous le faire croire certains influenceurs, pour la simple raison que nous faisons généralement cuire ces aliments. « Les faire bouillir jusqu’à ce qu’ils soient mous dégrade efficacement la vaste majorité de ces lectines, ce qui élimine leur toxicité », assure Emadeldin Konozy, preuves scientifiques à l’appui.
En revanche, les lectines présentes dans les fruits et d’autres légumes ne sont pas un souci, car les niveaux y sont bas et, dans certains cas, peuvent même être bénéfiques ; Emadeldin Konozy explique par exemple que certaines lectines « s’attachent à des bactéries ou virus nocifs, contribuent à leur neutralisation, ce qui est susceptible d’offrir des bénéfices immunologiques importants ». Elles peuvent également agir comme antioxydants et certaines données indiquent qu’elles pourraient avoir des propriétés anticancéreuses.
Sa conclusion : « Pour la plupart des personnes en bonne santé, la consommation régulière de légumes bien cuits, de céréales complètes et de cinq fruits et légumes par jour est non seulement sans danger, mais surtout bénéfique, compte tenu des fibres, des protéines, des vitamines, des minéraux et des composés phytochimiques qu’ils apportent et, peut-être, grâce aux lectines bénéfiques qu’ils contiennent. »
TENDANCE #2 : LE RÉGIME CARNIVORE
Les promesses : dans le cadre du régime carnivore, certains influenceurs recommandent de ne consommer que des aliments d’origine animale, comme de la viande, du poulet et des œufs tout en excluant les fruits, les légumes, les céréales et autres sources de glucides. Selon eux, le régime carnivore permettrait de combattre l’inflammation, ferait baisser la glycémie, favoriserait la perte de poids, dissiperait le brouillard mental, favoriserait le traitement des maladies auto-immunes et des troubles digestifs, contiendrait tous les nutriments nécessaires à l’organisme, et plus encore.
Le fond de vérité : « Améliorer la qualité des glucides dans votre alimentation est important ; réduire les aliments à haute teneur en céréales raffinées et en sucres ajoutés (y compris les boissons sucrées) peut améliorer la santé, surtout lorsqu’on les remplace par des céréales complètes, d’autres aliments complets riches en fibres ou de bonnes graisses », explique Renata Micha, diététicienne clinicienne affiliée à l’Université de Thessalie, en Grèce, ainsi qu’à l’Université Tufts, dans le Massachusetts.
Ce qu’en dit la science : s’il n’existe pas d’études de long terme sur les effets du régime carnivore, les études sur la viande rouge et la santé, et plus particulièrement sur la santé du cerveau, ne présagent de rien de bon.
« La majorité des travaux montrent qu’une importante consommation de viande rouge, notamment transformée, est associée à des risques accrus de contracter des cardiopathies, un diabète de type 2 et certains types de cancers, voire de mort prématurée, écrit Renata Micha dans un e-mail. Ces risques augmentent avec la quantité consommée et la durée de consommation. »
Et puis il y a ce qu’on ne consomme alors effectivement pas : fruits, légumes et céréales complètes. « Ce sont des aliments dont les bienfaits pour la santé sont constamment démontrés », rappelle Renata Micha. Ils sont riches en éléments bénéfiques : fibres, antioxydants et phytonutriments. Et ils constituent la base d’une alimentation à base de plantes saine, laquelle est associée à une diminution du poids, à une meilleure régulation de la glycémie et du cholestérol, à une meilleure santé du microbiote intestinal ainsi qu’à une diminution du risque de mourir d’un cancer ou d’une cardiopathie.
« Quant aux nombreuses promesses de réduction de l’inflammation, de “réinitialisation de l’intestin” ou d’amélioration exceptionnelle de la clarté mentale, rien ne les confirme, aucune preuve digne de ce nom ne les étaie, rappelle Renata Micha. Au mieux, la science reste préliminaire ou mitigée, et une grande partie de ce qui est dit en ligne exagère des résultats limités ou indirects. »
TENDANCE #3 : LE FIBERMAXXING
Les promesses : vous avez peut-être entendu dire que vous devez augmenter votre apport en fibres pour prévenir la constipation, réduire le cholestérol, diminuer le risque de contracter une cardiopathie ou un cancer colorectal, réguler la glycémie, gérer son poids et améliorer la diversité des microbes présents dans l’intestin.
Le fond de vérité : nulle demi-vérité ici, cette tendance est effectivement fondée. De nombreuses études scientifiques indiquent que les fibres alimentaires (des glucides d’une plante que nous ne digérons pas) tiennent toutes leurs promesses.
Ce qu’en dit la science : « Les fibres alimentaires sont systématiquement associées à des bénéfices pour la santé, notamment à un risque réduit de contracter des cardiopathies, diabète de type 2 et cancer colorectal, ainsi qu’à une meilleure santé de l’intestin », explique Renata Micha.
Les fibres agissent d’une multitude de façons, par exemple en formant un gel dans l’intestin qui ralentit la digestion et prévient les pics de glycémie, tout en donnant une sensation de satiété après les repas. Elles contribuent également à réduire le cholestérol LDL et à augmenter la diversité des microbes dans l’intestin.
La plupart des individus ne consomment que la moitié environ de l’apport de 25 grammes quotidien recommandé pour les femmes et de 38 grammes pour les hommes. Certains sites dédiés au fibermaxxing recommandent des quantités encore supérieures, mais Micha précise que les bénéfices plafonnent entre 35 et 45 grammes.
Les spécialistes de la nutrition conseillent d’augmenter progressivement l’apport en fibres, en privilégiant les céréales complètes, les légumineuses, les fruits, les légumes et les noix plutôt que les compléments alimentaires. Il est également important de boire suffisamment d’eau pour éviter la constipation. Ballonnements, crampes, gaz et/ou diarrhée sont des signes d’une consommation excessive.
ASTUCES POUR VÉRIFIER LA VÉRACITÉ DE TOUTE AFFIRMATION NUTRITIONNELLE
Pour tout autre conseil que vous voyez circuler sur les réseaux sociaux, ces astuces de fact-checking peuvent vous aider à démêler le vrai du faux :
Expertise. Consultez la bio de l’utilisateur ; un diététicien diplômé ou une personne titulaire d’un diplôme en nutrition d’un établissement accrédité est généralement (mais pas toujours) une source fiable. Si la mention « Dr. » peut impressionner, cela ne signifie pas forcément que la personne a reçu une formation en nutrition ; 75% des facultés de médecine américaine n’en font pas une exigence.
Vérifiez ce qu’en dit la science. Les sites des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et des Instituts nationaux de la santé (NIH) proposent des informations grand public et fondées concernant les vitamines, les minéraux, les compléments alimentaires et bien d’autres sujets en rapport avec la nutrition. Vous pouvez également consulter des articles sur PubMed, base de données gratuite répertoriant des publications scientifiques.
Toutefois, le seul fait qu’une affirmation renvoie à des études scientifiques ne signifie pas que ces recherches étayent réellement la déclaration qui est faite. Cliquez sur les liens pour en avoir le cœur net.
Attention aux signaux d’alarme. « Il s’agit ici de témoignages anecdotiques prétendant que des symptômes ou des maladies ont été soignées par un régime ou par un supplément, de publications diabolisant un aliment en particulier (comme les huiles de graines), de régimes à la mode consistant à éliminer des groupes alimentaires entiers, et de toute personne qui essaie de vous vendre quelque chose ; notamment un complément ou un abonnement, prévient Emily Denniss. Montrez-vous également sceptique face aux informations choquantes ou nouvelles qui contredisent ce que vous savez sur la nutrition. La désinformation est souvent conçue spécifiquement pour attirer l’attention et nourrir l’engagement. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
