Compléments alimentaires : à quelques exceptions près, peu d’effets prouvés sur le moral

Des oméga-3 aux probiotiques, les chercheurs ont testé des dizaines de traitements « naturels » contre l’anxiété et la dépression. Seuls quelques-uns présentent des bienfaits mesurables, et même ceux-là doivent s’accompagner de quelques mises en garde.

De Giulia Mondaini
Publication 16 oct. 2025, 09:06 CEST
De nouvelles recherches révèlent quels compléments vendus pour lutter contre la dépression (millepertuis perforé, vitamine D, ...

De nouvelles recherches révèlent quels compléments vendus pour lutter contre la dépression (millepertuis perforé, vitamine D, probiotiques) montrent de réels bénéfices, et lesquels ne résistent pas à l’épreuve de la science.

PHOTOGRAPHIE DE Matt Propert, National Geographic Image Collection

Autrefois destinés à combler les carences nutritionnelles, les compléments alimentaires se sont invités sur le marché florissant du bien-être mental. 

Dans le monde, 5,7 % des adultes souffriraient de dépression et de plus en plus de personnes se tournent vers des compléments en vente libre comme les vitamines, les minéraux, les extraits de plantes, les acides aminés et les probiotiques dans l’espoir de trouver un peu de soulagement. Pour beaucoup, leur attrait ne tient pas uniquement à leur accessibilité, mais aussi à l’image qu’ils véhiculent.

« Avec les médicaments, il y a encore beaucoup de stigmatisation autour de la santé mentale, et les gens peuvent être très effrayés par ce que cela implique », affirme Nicholas Fabiano, chercheur du département de psychiatrie de l’Université d’Ottawa. « Cela fait que les gens ont envie d’essayer d’autres choses, perçues comme plus sûres, ou moins lourdes, ou nécessitant peut-être une durée de traitement moins longue. »

Mais ces remèdes « naturels » sont-ils vraiment efficaces ? De nouvelles recherches commencent à distinguer les compléments réellement prometteurs de ceux qui ne résistent pas à l’examen scientifique.

 

QUELS COMPLÉMENTS CONTRE LA DÉPRESSION NE FONCTIONNENT PAS

On présente souvent la nature comme pourvoyeuse de remèdes pour contrer les symptômes de la dépression, mais selon une nouvelle analyse publiée dans la revue Frontiers in Pharmacology, la plupart des compléments commercialisés contre la dépression présentent peu ou pas d’effets bénéfiques.

Prenons les plus courants : les multivitamines, les vitamines B, les mélanges apaisants à base de plantes et la mélatonine. Souvent utilisés aussi pour réguler le sommeil, leur usage est très répandu, mais la science ne suit tout simplement pas.

« Il existait quelques essais, mais pas suffisamment pour en tirer des conclusions solides », explique Rachael Frost, chercheuse de l’École de santé publique et des professions apparentées de l’Université de Liverpool John-Moores qui a dirigé l’analyse en question.

Les compléments oméga-3, dont on a longtemps cru qu’ils amélioraient l’humeur, ne s’en sortent guère mieux. Sur les trente-neuf études que Rachael Frost a analysées, vingt-trois ne mettaient en évidence aucun bénéfice réel par rapport à un placebo. Dans le cadre d’un essai, les participants ont pris trois capsules par jour pendant douze semaines et n’ont constaté aucune amélioration de l’humeur. Selon elle toujours, si quelques études rapportent des effets positifs, les éléments de preuve demeurent dans leur ensemble trop faibles pour considérer les oméga-3 comme un traitement fiable contre la dépression.

 

LES COMPLÉMENTS PROMETTEURS

Une poignée de compléments montrent des signes prometteurs quoique les preuves demeurent limitées. Des compléments à base de plantes telles que la lavande, la rhodiole ou la mélisse ainsi que des micronutriments, comme le tryptophane, l’acide folique et le zinc, ont donné des résultats encourageants dans de petites études.

Le problème ? La plupart de ces essais sont minuscules. La plupart des expériences sur la lavande ne portent par exemple que sur des groupes de 150 personnes au maximum. « Ce n’est pas énorme », fait remarquer Rachael Frost en ajoutant que lorsque les essais sont restreints, il devient difficile d’extrapoler des résultats à des populations plus larges ou plus diverses.

En outre, les compléments s’administrent sous différentes formes, ce qui complique la comparaison de leur efficacité. « Certains ont été testés sous forme de thé, d’autres sous forme de capsules et d’autres de teinture, révèle Rachael Frost. Ce qu’il nous faut, c’est un peu plus d’essais pour comprendre quelle forme est la plus efficace, ce que les gens doivent réellement prendre et à quelle dose. »

 

CE QUI FONCTIONNE VRAIMENT

Quelques compléments semblent produire un effet mesurable. Les preuves les plus solides concernent l’extrait floral de millepertuis perforé (Hypericum perforatum), les probiotiques, la vitamine D et le safran.

Rachael Frost a relevé que seize des vingt-six essais donnaient des résultats positifs pour le millepertuis perforé. Par exemple, une étude a montré que les participants prenant 600 mg d’extrait de millepertuis une à deux fois par jour voyaient leur état s’améliorer presque deux fois plus que les personnes prenant un placebo. Toutefois, la majorité des données portant sur le millepertuis concernent une dépression légère à modérée ; son efficacité contre la dépression grave est moins bien établie.

Rachael Frost a également découvert que neuf études sur seize sur les probiotiques suggèrent que ceux-ci aident à atténuer les symptômes de la dépression. Dans l’une d’elles, les participants ont pris une gélule contenant 900 milliards de microbes vivants chaque jour pendant trente-et-un jours en complément de leur traitement habituel contre une dépression grave et se sont aperçus qu’ils se sentaient considérablement mieux par rapport au groupe qui n’en prenait pas.

De même, Rachael Frost a découvert que six des neuf études sur la vitamine D montraient des résultats prometteurs. Dans un cas, des personnes souffrant de dépression légère à modérée ayant pris une forte dose de vitamine D pendant huit semaines ont vu leurs scores de dépression chuter par rapport à ceux qui n’en prenaient pas.

 

COMMENT LA CROYANCE AFFECTE LES RÉSULTATS DES COMPLÉMENTS

Même lorsque les compléments semblent efficaces, certains de leurs effets peuvent relever moins de la biologie que de la croyance. Une étude publiée en 2022 montre que le fait de se sentir acteur de sa propre santé peut conduire à de véritables améliorations, même si celles-ci ne sont pas le fruit d’un effet cliniquement prouvé. Dit autrement, les attentes comptent ; croire qu’une supplémentation va fonctionner peut bel et bien influencer le niveau de dépression.

Selon Nicholas Fabiano, il est très difficile de quantifier l’effet placebo, car il varie selon les substances et n’est pas facile à mesurer. « C’est un facteur qu’il faut tout simplement prendre en compte, et il ne faut pas se contenter de dire que ce sont uniquement les changements biologiques dus aux compléments qui provoquent cette amélioration », explique Nicholas Fabiano.

 

POURQUOI LA RÉGULATION DES COMPLÉMENTS RESTE INSUFFISANTE

Malgré des résultats initiaux positifs sur certains fronts, les compléments alimentaires ne sont pas réglementés comme les médicaments et ce vide soulève de sérieuses interrogations en matière de sécurité, d’efficacité et de confiance des consommateurs.

« J’aimerais voir bien plus de recherches sur la sécurité et sur les effets à long terme, surtout que de plus en plus de personnes achètent et utilisent ces produits », commente Rachael Frost, qui insiste sur le fait que les étiquettes devraient clairement indiquer les possibles interactions et risques. Les régulations diffèrent considérablement selon les pays et cette absence de supervision constante peut entraîner des problèmes allant d’une contamination à des doses excessives en passant par la non-déclaration d’ingrédients.

Même ce qui est imprimé sur une bouteille n’est pas toujours garanti. « Les médecins ne savent pas si ce que le patient a absorbé est effectivement ce qui est sur l’étiquette », prévient Nicholas Fabiano.

Ce sont autant de facteurs qui expliquent pourquoi les compléments ne sont généralement pas recommandés en contexte clinique à moins que le médecin possède une expérience ou un bagage spécifique dans ce domaine, explique Nicholas Fabiano.

Et bien qu’ils soient souvent présentés comme « naturels », cela ne signifie pas qu’ils soient sans risque, surtout lorsqu’ils sont pris en même temps que des médicaments sur ordonnance dont ils peuvent amplifier ou inhiber les effets. Par exemple, le millepertuis perforé peut interagir dangereusement avec les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). « C’est une chose importante dont il faut être conscient et dont il faudrait toujours parler ouvertement avec son médecin », prévient-il.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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