Les contraceptifs oraux contribueraient à réduire le risque de blessures sportives

Les athlètes féminines qui prennent la pilule seraient cinq fois moins sujettes aux blessures musculaires ou lésions tendineuses. Mais les bénéfices compensent-ils les risques ?

De Rachel Fairbank
Publication 2 août 2025, 11:51 CEST
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Les femmes sont plus sujettes aux lésions ligamentaires, comme les ruptures du ligament croisé antérieur, que les hommes. Les contraceptifs hormonaux pourraient cependant offrir une protection contre les blessures.

PHOTOGRAPHIE DE Jodi Cobb, Nat Geo Image Collection

Avec l’augmentation du nombre de femmes pratiquant un sport ces dernières décennies, nous avons maintenant davantage conscience que les blessures dont souffrent les athlètes féminines peuvent différer de celles de leurs homologues masculins. L’une des raisons à cela serait, d’après des éléments de plus en plus nombreux, le rôle que joueraient les hormones dans l’augmentation de la susceptibilité des athlètes féminines à certains types de blessures.

Des études ont ainsi démontré que ces dernières étaient de deux à six fois plus sujettes aux ruptures du ligament croisé antérieur (LCA), et deux fois plus susceptibles de souffrir de commotions cérébrales que les athlètes masculins. Elles souffrent également davantage de fractures de stress. D’autres études ont révélé que le risque de blessure chez une athlète varie selon la phase de son cycle menstruel, ce qui suggère que l’évolution des niveaux de certaines hormones pourrait les rendre plus sujettes à certaines blessures.

Avec l’un des auteurs d’une étude récente parue dans la revue Medicine & Science in Sports & Exercise, Yasin Dhaher, chercheur à l’UT Southwestern qui s’intéresse aux effets secondaires des contraceptifs oraux, a souhaité étudier l’influence des hormones sur les muscles et les tendons. Leur équipe a découvert que les femmes qui prennent la pilule étaient environ cinq fois moins susceptibles de développer des blessures musculaires ou tendineuses aux membres inférieurs comparé aux femmes qui ne la prenaient pas.

Ces résultats corroborent les conclusions quant à l’impact des niveaux d’hormones sur la susceptibilité d’une personne aux blessures et au rôle que peuvent jouer les contraceptifs oraux dans la réduction de ce risque.

« De nombreuses athlètes utilisent un contraceptif quelconque », indique Hope Welhaven, scientifique à l’université d’État du Montana dont les recherches portent sur les différences entre les sexes en matière de prévention des blessures et de guérison. Selon elle, comprendre le rôle des contraceptifs dans la réduction des blessures liées au sport pourrait nous éclairer sur la manière de protéger la santé de toutes les athlètes.

 

DIFFÉRENTS TAUX DE BLESSURE

Bien que les recherches n’en soient qu’à leurs débuts, il est toutefois clair qu’il existe une différence dans les taux et les types de blessure subies par les athlètes masculins et féminins.

« Les blessures sont souvent différentes », observe Candace Mason, chirurgienne orthopédique au Baylor College of Medicine. Et d’ajouter que si la rupture des ligaments croisés antérieurs est plus fréquente chez les athlètes féminines, celle-ci est généralement moins due à des blessures de contact et se produit généralement plus sur la jambe d’appui et non la jambe dominante. Les athlètes féminines qui souffrent d’une rupture des ligaments croisés antérieurs ont environ 25 % de chances de moins que leurs homologues masculins de reprendre la pratique de leur sport.

Les raisons de ces différences en matière de blessures liées au sport sont en grande partie inconnues. Les spécialistes pensent qu’elles sont dues à une combinaison complexe de facteurs anatomiques, biologiques et hormonaux.

« Nous savons qu’il existe des différences anatomiques, biomécaniques et hormonales entre les hommes et les femmes », explique Molly McDermott, médecin à la clinique de Cleveland (États-Unis) spécialiste de la médecine du sport. Parmi celles-ci figurent des différences en matière de masse musculaire totale, d’indice de masse grasse, ainsi que certaines différences biomécaniques en matière de structure osseuse et ligamenteuse, comme des genoux cagneux ou hypermobiles, qui peuvent prédisposer les femmes à certains types de blessures.

 

UN RISQUE DE BLESSURES INFLUENCÉ PAR LE CYCLE MENSTRUEL

Comme le démontrent plusieurs études, les niveaux d’hormones, notamment d’œstrogènes, semblent jouer un rôle dans les taux de blessures des athlètes féminines, le risque de blessure augmentant à certains moments du cycle menstruel.

Bien que les résultats ne soient pour l’heure pas concluants, « la plupart des études suggèrent que les femmes sont plus susceptibles de se blesser au moment de l’ovulation », rapporte Gillian Wooldridge, médecin en médecine du sport au Houston Methodist Hospital.

Lors de cette phase du cycle menstruel, les niveaux d’œstrogènes commencent à s’élever, ce qui contribuerait au risque de blessure en rendant les muscles et les ligaments plus souples, et donc plus sujets aux blessures.

Si la plupart des études s’intéressent au risque de rupture des ligaments croisés antérieurs, une étude datant de 2021 et portant sur 113 joueuses de football a démontré que le risque de blessures musculaires et tendineuses variait selon la phase du cycle menstruel des athlètes, et que le risque de blessure était plus élevé juste avant l’ovulation.

 

LES CONTRACEPTIFS ORAUX RÉDUIRAIENT LE RISQUE DE BLESSURE

Dans le cadre de l’étude de Yasin Dhaher examinant le lien entre l’utilisation d’un contraceptif oral et le risque de blessures musculaires et tendineuses, les chercheurs se sont intéressés à une population générale de patients âgés de 18 à 39 ans.

Après avoir associé les patients selon des facteurs comme l’âge et le genre, ils ont examiné la prévalence des blessures musculaires et tendineuses chez les patientes prenant la pilule avec celles qui ne la prenaient pas.

L’analyse a révélé que les patientes qui ne prenaient pas la pilule présentaient un taux de blessure de 2,55 %, contre 0,55 % chez les patientes qui la prenaient, soit une probabilité de souffrir d’une blessure musculaire et tendineuse cinq fois plus élevée.

« Il s’agit de la première étude portant sur les blessures musculaires et les contraceptifs oraux », souligne Yasin Dhaher. Des recherches complémentaires sont nécessaires, mais ces taux inférieurs de blessure s’expliqueraient par l’effet renforçateur des contraceptifs oraux sur les muscles et les tendons, qui réduisent les fluctuations causées par les niveaux changeants d’œstrogènes.

« Ce n’est pas les niveaux d’œstrogènes qui sont en tort, mais plutôt leur fluctuation », précise Gillian Wooldridge. Ces quantités changeantes d’œstrogènes causent des fluctuations de la force et de la flexibilité des muscles et des tendons tout au long du cycle menstruel, ce qui introduit un élément d’imprévisibilité pouvant rendre certains mouvements possibles à certains moments du mois et impossibles à d’autres.

« Le corps doit sans cesse s’adapter », observe la médecin. Et d’ajouter qu’il n’est pas nécessaire de modifier votre routine à la phase de votre cycle, mais plutôt de l’ajuster en écoutant votre corps.

 

QUELS RISQUES ET BÉNÉFICES POUR LA PILULE ?

Si la prise d’un contraceptif oral a été associée à un risque moins élevé de blessures musculaires et tendineuses, il convient de souligner qu’ils ne sont pas adaptés à tout le monde en raison du risque d’effets secondaires.

« Si vous voulez prescrire la pilule à quelqu’un, vous devez vraiment savoir pourquoi », indique Gillian Wooldridge. La prise d’un contraceptif oral peut être plus risquée pour les fumeuses de plus de 35 ans, les personnes souffrant d’une maladie cardiaque, d’auras migraineuses ou ayant des antécédents de caillots sanguins dans leur famille.

Chez les jeunes athlètes féminines, la pilule contraceptive est souvent utilisée pour faire revenir leurs règles, qui peuvent s'arrêter en raison d'un problème de santé appelé syndrome du déficit énergétique relatif (RED), lequel se traduit par un déclin des performances sportives causé par un manque de calories. Ce syndrome peut augmenter le risque de blessure, y compris les fractures de stress, et augmenter le risque de règles irrégulières ou d’arrêt complet de celles-ci. Avec le temps, le syndrome du déficit énergétique relatif peut diminuer la densité osseuse, ce qui expose l'athlète à des risques de fractures de stress et d’ostéoporose.

Prescrire une pilule contraceptive à une athlète atteinte de ce syndrome peut l'aider à retrouver ses règles, mais cela ne l'aidera pas à résoudre le problème de déficit énergétique ni à améliorer sa densité osseuse.

« On pensait auparavant qu'il suffisait de leur prescrire une pilule contraceptive pour qu'elles aillent mieux », explique Michael Fredericson, chirurgien orthopédique à l'université de Stanford. « Dans le meilleur des cas, cela peut empêcher une détérioration osseuse plus importante », mais ne résoudra pas les problèmes sous-jacents, ajoute-t-il. Comme l'a démontré une étude qu’il a dirigée, c’est le suivi nutritionnel qui a permis de réduire l’incidence des fractures de stress chez les coureuses.

En revanche, comme l'ont montré deux études, les jeunes athlètes féminines sous contraception présentent un risque réduit de blessures, mais aussi un risque accru de réduction de la densité osseuse, qui pourrait s’expliquer par la prescription de pilules contraceptives pour retrouver des règles régulières à la suite d'un syndrome du déficit énergétique relatif non diagnostiqué.

« En fin de compte, la bonne pratique à adopter est de chercher à savoir pourquoi leurs règles sont irrégulières », souligne Gillian Wooldridge.

Et comme pour tous les médicaments, il est essentiel de savoir pourquoi vous prenez un contraceptif oral, quels en sont les effets secondaires potentiels et quels en sont les avantages.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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