Cap sur le sud de l'Irlande, une région côtière aux innombrables légendes

Avec leurs récits de magie, de vikings et d'activité volcanique, les villes et littoraux qui longent les côtes du sud de l'Irlande regorgent de nombreuses histoires et légendes qui ne pourront que fasciner leurs visiteurs.

De Kerry Walker
Publication 10 oct. 2022, 19:44 CEST
La Copper Coast d'Irlande, la côté de cuivre, doit son nom à l'exploitation minière qui y était ...

La Copper Coast d'Irlande, la côté de cuivre, doit son nom à l'exploitation minière qui y était pratiquée au 19e siècle. Des vestiges de cette époque, telles que cette mine en ruine, sont visibles dans le géoparc mondial de l'UNESCO Copper Coast.

PHOTOGRAPHIE DE Andrea Pistolesi, Getty Images

Au bord de la mer Celtique, les vagues s’écrasent contre les rochers et transportent l’eau salée jusqu’à la plage sauvage de Garrarus, sur la Copper Coast irlandaise. Exposé par la marée, le rivage est recouvert d’algues qui peuvent, au premier coup d’œil, toutes paraître identiques.

« Regardez », chuchote Marie Power, ma guide de recherche de nourriture. « C’est comme un monde miniature, un jardin marin. » Le faisceau étroit d’une lampe de poche éclaire la laitue de mer couleur émeraude, le varech vert doré, la dulse rouge pourpre ainsi que les rubans épais et ambrés du kelp. Depuis une vingtaine d’années, Mme Power joue le rôle d’ambassadrice des algues de la région, et se charge de redonner vie à l’ancienne tradition irlandaise qui consiste à ramasser, cuisiner et manger cette substance visqueuse qui, selon elle, recèle le secret pour vivre jusqu’à 100 ans.

40 000 tonnes d'algues sont récoltées chaque année en Irlande, dont 95 % sont sauvages.

PHOTOGRAPHIE DE Andrea Pistolesi, Getty Images

Résultat d’une activité volcanique qui a débuté au fond de l’océan il y a 460 millions d’années, ce littoral déformé et alambiqué ressemble à une fenêtre spectaculaire donnant sur le passé de la région. Chaque rocher, chaque éperon et chaque pli dans les strates expose une nouvelle couche d’histoire géologique.

« Cette côte présente une géologie et un patrimoine industriel fascinants », affirme le géologue Robbie Galvin lorsque nous nous rencontrons au centre d’accueil du Copper Coast, géoparc mondial de l’UNESCO, installé dans une ancienne église. « Sur la baie de Ballydowane, on peut observer les vestiges d’une mine d’argent du 18e siècle dans un éperon marin. À Knockmahon, on a les Pipes of Baidhb », des colonnes polygonales de rhyolite ; comme la Chaussée des Géants d’Irlande du Nord, mais sans les foules de touristes. « Ici, la préhistoire est partout : dans les tombes à couloir, dans les dolmens, et dans ce qui est l’une des plus fortes concentrations d’éperons barrés au monde. »

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    Des mineurs de cuivre photographiés à Knockmahon, en 1906. À une époque, cette ville côtière d'Irlande était décrite comme le plus important district minier de l'empire britannique.

    PHOTOGRAPHIE DE De Luan, Alamy Stock Photo

    Nous nous arrêtons au Jardin géologique, à Bunmahon, où se dressent deux pierres oghamiques dont les inscriptions runiques évoquent la langue chrétienne primitive utilisée par les saints celtes. « C’est la pierre de la malédiction », reprend Robbie, en désignant un gros morceau de basalte. « Selon la légende, nos malédictions se réalisent si on la contourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. »

    Au sud de la baie de Dungarvan, quelques chalutiers sont installés dans le port, où je trouve Sólás Na Mara (qui signifie « réconfort de la mer »), un ancien bâtiment de vente de poissons transformé en un petit spa familial qui perpétue l’ancienne tradition irlandaise des bains d’algues. Les fucus dentelés et autres algues sont récoltés dans la région, puis jetés dans de grandes baignoires en fonte remplies d’eau de mer chaude, pompée directement à marée haute.

    « Les algues ont connu bien des évolutions depuis l’époque où elles n’étaient utilisées que comme fourrage pour les animaux, et comme engrais pour les pommes de terre », raconte le propriétaire Éimhín Ní Chonchúir. « Elle peut faire des merveilles pour soulager de nombreuses pathologies, comme l’arthrite ou l’eczéma. Les visiteurs arrivent sceptiques et repartent surpris et revigorés. »

    À Ferrypoint, où la rivière Blackwater se jette dans la mer Celtique, un soleil brillant se lève dans le ciel dégagé.

    « Tenez, goûtez ça », me dit Andrew Malcolm, un autre cueilleur local. « Des graines de berce séchées. On peut s’en servir comme substitut à la cardamome. Et le petit costaud là, c’est du poivre d’eau. »

    Motivée par mon voyage le long de la Copper Coast, je souhaite poursuivre ma découverte de cette région méconnue du sud de l’Irlande. J’ai donc pris contact avec M. Malcolm qui, depuis trente ans, ratisse ces rivages et scrute leurs eaux à la recherche de vie marine.

    « C’est mon supermarché. Je trouve tout ce dont j’ai besoin ici, à seulement quelques mètres », explique-t-il en me tendant une minuscule plante vivace au goût de fève et de concombre. « Essayez les cosses de radis de mer. Elles sont agréables et poivrées », me conseille-t-il. « Comme le wasabi ? », je demande. « On va faire du wasabi dans une minute », répond-il en se précipitant vers un rocher. « Voilà votre wasabi ! De la cochléaire. C’est plein de vitamine C et il en existe de toutes les couleurs, comme le piment. »

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      L'artiste environnemental Sean Corcoran crée d'immenses dessins sur le sable avec un simple râteau de jardin. L'un de ses lieux préférés pour travailler est la crique de Kilmurrin, photographiée ci-dessus.

      PHOTOGRAPHIE DE Daniel Alford

      En arrivant à la voiture, M. Malcolm ouvre le coffre. Une odeur d’abricot se répand alors qu’il révèle un panier débordant de chanterelles qu’il doit livrer au restaurant The House de l’hôtel étoilé Cliff House, à Ardmore.

      Ardmore est ma prochaine destination. Outre ses qualités gastronomiques, le village est également le point d’arrivée d’un nouvel itinéraire de randonnée. Saint Declan’s Way, qui s’étend sur près de 110 kilomètres en direction de Cashel, dans le comté de Tipperary, suit les traces du saint en empruntant le chemin désormais légendaire que ce dernier emprunta au 5e siècle pour rencontrer saint Patrick et établir son monastère.

      En cette journée d’automne, le littoral près d’Ardmore semble touché par une main divine. Après être rentrée dans la dernière partie du sentier, je me fraie un chemin parmi les ajoncs et les ronces jusqu’à la pierre de Saint Declan qui, selon la légende, fut miraculeusement transportée par les vagues depuis le Pays de Galles. Le puits de Saint Declan fournirait quant à lui de l’eau bénite aux propriétés miraculeuses.

      Le sentier se termine à la cathédrale d’Ardmore, où se trouvait autrefois le monastère de Saint Declan. Tombée en ruine, la cathédrale abrite l’oratoire où le saint serait enterré. Au-dessus se dresse une tour ronde où, au Moyen Âge, les moines se réfugiaient et cachaient leurs trésors pour les protéger des pillards.

       

      UNE RÉGION DE MAGIE, DE NATURE ET D’HISTOIRE

      Le lendemain matin, un court trajet en voiture me conduit à Dungarvan, une ville côtière et portuaire à l’ouest de la Copper Coast, où une odeur de fumée de bois emplit l’air. Une forteresse garde le port et les façades des magasins sont comme figées dans les années 1950. Ce qui la rend particulièrement attrayante, cependant, c’est la gentillesse de ses habitants.

      Pour cette raison, il me faut bien une heure pour explorer une demi-douzaine d’étals le jour du marché. J’achète du fromage de brebis Knockalara, fabriqué avec le lait du troupeau du fromager, et des blaas de Waterford mous et farineux, une forme de petit pain introduit par les huguenots du 17e siècle – « blaa » est dérivé du terme français « petit blanc »). Tout le monde veut discuter. L’hospitalité a toujours été le point fort de Dungarvan : selon la légende, Oliver Cromwell aurait épargné la ville en 1649 après qu’une dame lui offrit une coupe de vin.

      Par temps clair, on peut apercevoir les Comeragh Moutains depuis le nord de Dungarvan. Je me dirige vers la Magic Road, près des chutes de Mahon, où l’on prétend que les voitures continuent mystérieusement de rouler sur la montée, même lorsque les conducteurs retirent leur frein à main. Deux explications à ce phénomène ont marqué l’imagination populaire : des fées et des champs magnétiques. Il s’agit en réalité d’une illusion d’optique, une explication certes bien moins palpitante.

      Je laisse les fées à leurs tours de magie, et suis la piste qui mène au point de départ du sentier des chutes de Mahon, non loin de là. Le plateau est accidenté, façonné par l’érosion glaciaire. Lorsque le brouillard se retire comme un rideau de théâtre, j’aperçois brièvement des pics qui s’élèvent au-dessus de pentes recouvertes de moraines et de chutes d’eau sauvages. Des colonnes et des flèches de roche surplombent des blocs éparpillés sur le territoire comme des billes de géant. Peut-être est-ce cela, la vraie magie.

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        La roche la plus ancienne de la région de la Copper Coast s'est formée il y a 460 millions d'années sous la mer, à partir de magma expulsé par deux volcans situés au fond de l'océan.

        PHOTOGRAPHIE DE Daniel Alford

        À 18 kilomètres à l’est de la Copper Coast, Waterford est la plus ancienne ville d’Irlande, fondée par les Vikings en 914. Son élégant cœur géorgien, construit grâce à l’industrie locale du cristal, se trouve dans le quartier culturel du Viking Triangle. C’est l’une des raisons pour lesquelles, selon l’Irish Times, Wateford est le meilleur endroit où vivre en Irlande en 2021. Le Waterford Greenway, un sentier de randonnée de 46 kilomètres qui longe une ancienne ligne de chemin de fer, contribue également à faire sortir la ville du lot. Ce sentier cyclable et pédestre hors route traverse, via un viaduc, un château et un tunnel, les contreforts des Comeragh Moutains, et débouche sur l’accueillante Dungarvan.

        Le phare de Hook, qui garde l’entrée sud de Waterford, a survécu au fil des siècles à des tempêtes féroces et à des vagues d’envahisseurs. Les eaux bouillonnantes qu’il surplombe sont qualifiées de « cimetière de mille navires », car de nouvelles épaves y sont constamment découvertes.

        Le phare de Hook a été fondé à Hook Head il y a 800 ans, ce qui en fait l’un des phares opérationnels les plus anciens au monde. Je monte les 115 marches jusqu’à son sommet pour avoir une vue sur la mer, mais le brouillard s’installe, se drapant sur la côte. Après être redescendue, je me promène le long du rivage dont le schiste noir, frappé par les eaux de l’Atlantique, est décoré de fossiles vieux de 300 millions d’années.

         

        COMMENT VISITER LA RÉGION ?

        Pour explorer la région, les voyageurs et voyageuses devront être équipés de leur propre véhicule. Pour cela, des services de location de voitures sont disponibles à Waterford et au port de Rosslare.

        La météo peut être imprévisible au sud de l’Irlande, mais les conditions sont généralement plus sèches et plus chaudes de juin à septembre, avec des températures pouvant atteindre les 20 °C.

        Kerry Walker est une rédactrice spécialisée dans les voyages établie au Pays de Galles. Suivez-la sur Twitter.

        Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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