Cette petite île est le meilleur spot de plongée des Caraïbes

Des profondeurs au sommet de son volcan, Saint-Eustache regorge de trésors pour les voyageurs.

De Julia Eskins
Publication 18 août 2022, 14:29 CEST
Épave du Charles L. Brown

Un plongeur explore l'épave du Charles L. Brown au large de Saint-Eustache où se trouve l'un des plus grands sanctuaires marins des Caraïbes.

PHOTOGRAPHIE DE Helmut Corneli, Alamy Stock Photo

Dans les Caraïbes, une petite île néerlandaise fait la part belle à l'histoire, sur terre comme en mer.

Avec un parc marin plus étendu que sa propre superficie, l'île de Saint-Eustache est l'une des destinations de plongée les plus spectaculaires de la région. Située à quelques kilomètres au nord-ouest de la célèbre Saint-Kitts-et-Nevis, cette île surnommée Statia par ses 3 500 habitants abrite un plus grand nombre de sites historiques sous-marins et terrestres au kilomètre carré que tout autre État des Caraïbes.

Le Quill dans la partie sud de Saint-Eustache. Ce volcan endormi domine le parc national Quill/Boven, l'une des trois aires protégées que compte l'île de 21 kilomètres carrés.

PHOTOGRAPHIE DE Mauricio Handler, Nat Geo Image Collection

Côté terre, Saint-Eustache affiche une nature luxuriante. Les contours de cette île volcanique sont croqués par les falaises et les plages de sable noir, un important site de nidification pour les tortues de mer en danger d'extinction. Au sud, le parc national Quill/Boven offre un refuge aux oiseaux rares, notamment le phaéton à bec rouge, et abrite 17 espèces d'orchidées. L'île est dominée par le Quill, un volcan inactif parcouru par huit sentiers de randonnée, dont un traversant le cratère et sa forêt.

Voici ce que tout voyageur doit savoir afin d'explorer dans les meilleures conditions ce condensé méconnu de merveilles naturelles et historiques.

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    PLONGÉE DANS L'HISTOIRE

    Au 18e siècle, Saint-Eustache était un port franc, l'un des principaux centres de la traite des esclaves en Atlantique. À son apogée, plus de 3 000 navires jetaient l'ancre dans le port chaque année. L'économie florissante de l'île lui a permis de fournir des munitions aux États-Unis pendant la guerre d'indépendance, une alliance secrète révélée par l'arrivée d'un brick américain, l'Andrew Doria, à la fin de l'année 1776.

    À son entrée dans le port de Saint-Eustache avec à son bord une copie de la Déclaration d'indépendance, le navire reçut un salut officiel de 11 coups de canon, faisant des Pays-Bas le premier pays à reconnaître l'indépendance de l'Amérique. Véritable climax des tensions qui régnaient entre les Britanniques et les Néerlandais, l'acte aboutira à la quatrième guerre anglo-néerlandaise. Depuis, le « Premier Salut » est célébré à Saint-Eustache à travers une reconstitution organisée chaque année le 16 novembre, pour Statia Day, l'une des fêtes les plus importantes de l'île après son carnaval.

    Un plongeur s'approche d'un canon chargé d'histoire dans les profondeurs de Saint-Eustache, jadis un grand port de commerce.

    PHOTOGRAPHIE DE Helmut Corneli, Alamy Stock Photo

    De nos jours, il est possible d'admirer les vestiges du passé de Statia à travers les 36 sites de plongée du parc marin national de Saint-Eustache qui encercle l'île. Au sud de l'île, Anchor Point figure parmi les points d'intérêt majeurs de ce sanctuaire : derrière d'immenses éponges en tonneau et un récif grouillant de vie, les plongeurs découvrent une ancre laissée à la merci du corail par un navire français en 1750. À proximité se trouve le câblier Charles L. Brown, l'une des plus grandes épaves des Caraïbes dont le naufrage remonte à 1954.

    « Grâce aux sources historiques, comme les journaux et la correspondance du gouvernement, nous savons que des centaines de navires ont fait naufrage tout autour de l'île à l'époque coloniale, » indique Ruud Stelten, archéologue et directeur du Shipwreck Survey, une école de fouilles en archéologie sous-marine qui étudie les différentes épaves des environs de l'île. « Il nous en reste beaucoup à trouver. »

    En 2017, les ouragans Irma et Maria ont révélé les restes d'un navire du 18e siècle baptisé Triple Wreck (ou SE-504), actuellement étudié par l'organisation de Stelton en collaboration avec le Center for Archaeological Research de Saint-Eustache. L'équipe a pour objectif de trouver et conserver les artéfacts afin d'aider les chercheurs à mieux comprendre l'histoire de l'île. Quiconque possédant un diplôme de plongée peut se joindre aux recherches qui ont lieu deux fois par an et explorent également d'autres sites de naufrage autour de l'île.

     

    PERLES D'HISTOIRE

    Cette photo montre un collier de perles bleues, un artéfact que l'on trouve en abondance dans les eaux de Saint-Eustache.

    PHOTOGRAPHIE DE Horizons WWP, Alamy Stock Photo

    La loi interdit aux plongeurs de rapporter chez eux des artéfacts, à une exception près : les perles bleues. Particulièrement présentes dans les eaux de Saint-Eustache, ces éclats de cobalt constellent le sable du parc marin ; Blue Bead Hole (le gouffre des perles bleues, ndlr) est un site de plongée populaire. D'après les chercheurs, ces perles auraient été façonnées dans les verreries néerlandaises avant d'être envoyées à Saint-Eustache et peut-être d'autres îles voisines, où elles étaient utilisées comme monnaie dans le commerce et comme marqueur hiérarchique chez les esclaves.

    Selon la légende locale, à l'abolition de l'esclavage en 1863, les esclaves auraient célébré leur liberté en jetant les perles dans l'océan. Certaines études penchent plutôt pour le naufrage d'un navire transportant ces perles à proximité de l'île, ce qui expliquerait leur accumulation à Blue Bead Hole. Quoi qu'il en soit, leur importance culturelle est mise à l'honneur dans l'histoire orale de Statia. « Les perles bleues sont mon artéfact préféré, je les porte souvent avec beaucoup de fierté. Grâce à elles, je me sens plus proche de mes ancêtres, » déclare Misha Spanner, guide au musée de la Fondation historique de Saint-Eustache. « Pour les locaux, trouver une perle bleue est un signe de bonne fortune. »

    À terre aussi, les fouilles archéologiques lèvent le voile sur les liens de Statia avec l'esclavage. En 2021, les archéologues ont découvert un cimetière du 18e siècle et une bac teinté de bleu sur le site du Golden Rock Dive & Nature Resort, un hôtel bâti sur une ancienne plantation. La cuve était probablement utilisée par les esclaves pour la confection d'une précieuse teinture bleu azur. En 2021, un autre cimetière a été mis au jour sur l'ancienne plantation de Golden Rock.

    Des archéologues fouillent la plantation de Golden Rock datant du 18e siècle à Oranjestad, Saint-Eustache, où 48 squelettes humains ont été exhumés le 27 mai 2021.

    PHOTOGRAPHIE DE Tim van Dijk, AP Photo

    Ces récentes découvertes ont ouvert la voie à une étude plus large de l'histoire de l'esclavage à Statia, notamment en impliquant les communautés locales, indique Gay Soetekouw, président du Center for Archaeological Research de Saint-Eustache. L'espoir est ici de faire la lumière sur une population dont les histoires personnelles n'ont jamais été documentées.

     

    CARAÏBES ET CONSERVATION

    Outre l'histoire, l'autre priorité reste la conservation des aires naturelles. Les parcs nationaux de Saint-Eustache encouragent les voyageurs à s'intéresser de près à la faune et à la flore de l'île, en prenant un guide pour leurs randonnées ou en s'impliquant dans un projet de science participative au sein des trois zones protégées : le sanctuaire marin, le parc national Quill/Boven et le Jardin botanique Miriam C. Schmidt.

    L'un de ces programmes consiste par exemple à rassembler des bénévoles pour surveiller les sites de nidification des tortues sur la plage de Zeelandia, étudier les itinéraires empruntés par les baleines et les dauphins ou encore identifier des raies Mantas. Dans un autre programme axé sur la reforestation marine et terrestre, les recrues plantent des espèces endémiques, comme l'eucalyptus ou le raisin de mer, qui contribuent toutes deux à la biodiversité et apportent une protection contre les ouragans.

    « Cette nature encore intacte est une véritable chance, » déclare Celford Gibbs, guide de randonnée sur l'île. « En observant Sint Marteen et les autres Îles-Sous-le-Vent envahies par le tourisme, les hôtels et les casinos, on réalise notre retard en matière de développement. Mais c'est une bonne chose, car nous pouvons apprendre de leurs erreurs. »

    Alors que Statia est tournée vers l'avenir, Gibbs constate un intérêt grandissant pour veiller à ce que le tourisme profite aux communautés locales et aux écosystèmes. Cela implique de préserver l'héritage culturel de l'île au même titre que ses merveilles naturelles.

    Au détour d'une randonnée, Gibbs ramasse une léwisie à racine amère afin de préparer un thé médicinal tout en m'expliquant les bienfaits pour les dents des feuilles d'eucalyptus ; sa démarche découle d'un savoir ancestral. Saint-Eustache ne compte que trois guides locaux et Gibbs est l'un d'entre eux. C'est pourquoi il considère comme essentiel au devenir de l'île le fait de transmettre ce savoir aux générations futures… et aux voyageurs. « Une fois goûté à la nature, on en veut toujours plus » conclut-il.

    Julia Eskins est une journaliste basée à Toronto qui couvre le voyage, le design et le bien-être. Retrouvez-la sur Instagram.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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