Coronavirus : faute de déchets, les rats remontent à la surface

Au sol, les déchets se font de plus en plus rares. Dans les bennes, les ordures diminuent. Les rats doivent donc chercher d’autres moyens pour survivre.

De Emma Marris
Publication 6 avr. 2020, 16:16 CEST
Un rat sort la tête d’une bouche d’égout à New York. À mesure que le confinement ...

Un rat sort la tête d’une bouche d’égout à New York. À mesure que le confinement obligatoire s’étend à d’autres villes avec la propagation du COVID-19, les rats se montrent de plus en plus audacieux dans leur quête de nourriture.

PHOTOGRAPHIE DE Charlie Hamilton James, Nat Geo Image Collection

Aux quatre coins du monde, les Hommes apprennent à modifier leurs comportements quotidiens, dans un souci d'endiguer la propagation du nouveau coronavirus. Notre absence semble avoir des répercussions sur l’écosystème urbain. On compte parmi les changements flagrants la résurgence des rats. Leur quête désespérée de nourriture les pousse à envahir les rues en plein jour et à s’introduire dans les habitations.

Dans le Vieux carré français de la Nouvelle-Orléans, les touristes – et leurs déchets – ont fait leurs valises. Affamés, les rats s’aventurent dans les rues au grand jour. À Seattle, les rats sont aux prises avec leurs congénères dans les parcs publics en cours d’après-midi. « lls ne cherchent même pas à s’enfuir », écrit Charles Mudede dans le journal The Stranger. « Ils se pavanent entre les copeaux de bois. On dirait des lycéens qui jouent dans une comédie musicale. »

Ceux qui n’ont jamais eu affaire à des rats doivent désormais faire face à ces visiteurs importuns qui s’invitent dans leurs domiciles. Annette et Andreas Spreer stockent des légumes-racines, des choux et des pommes dans leur cave depuis 1995. Ils vivent à Stuttgart en Allemagne où les restaurants sont fermés depuis le 22 mars. De même, les habitants sortent peu souvent de chez eux. Il y a quelques jours, Annette remarque pour la première fois que certaines pommes de terre semblent avoir été rongées. « Ils n’ont touché ni aux pommes ni aux choux ni aux carottes. Ils s’en sont uniquement pris aux pommes de terre », dit Annette. « Je ne pensais pas que cela était possible. »

Il va sans dire que des histoires comme celles-ci se déroulent dans le monde entier, souligne Robert Corrigan, célèbre rodentologue urbain qui met son expertise au service des villes du monde entier en sa qualité de consultant indépendant. Selon lui, lorsque des colonies de rats se retrouvent sans leurs sources habituelles de nourriture –  déchets et poubelles dans les parcs ou bennes à ordures derrière les restaurants – ils iront même jusqu’à se disputer la dernière miette. L’instinct de survie de certains rats les pousse parfois à dévorer leurs propres congénères. D’autres encore se jetteront dans la gueule du loup à la recherche de nouvelles sources d’alimentation.

Avant la pandémie du coronavirus, on voit des rats pulluler autour d’une poubelle au sud de Manhattan. En temps normal, les New-Yorkais des quartiers nord et centre déposent suffisamment d’ordures dans les rues pour que les rats puissent vivre à moins de cinquante mètres de leur lieu de naissance. Avec le confinement, il est fort probable que les rongeurs s’introduisent dans les maisons à la recherche de nourriture.

PHOTOGRAPHIE DE Charlie Hamilton James, Nat Geo Image Collection

 

UN HÔTE INDÉSIRABLE

Si les arômes de vos plats parviennent jusqu’aux rats affamés, ils risquent de se faufiler chez vous. « Leur nez leur servira de radar, et s’ils peuvent se glisser sous la porte, ils le feront », insiste Corrigan. 

Une fois à l’intérieur, le rat aura l’audace nécessaire pour se procurer des aliments. « C’est un animal sauvage. Il remuera ciel et terre pour se nourrir », prévient Corrigan. « Si un bébé boit son biberon de lait dans son lit, il suivra cette odeur. Il peut ronger les fils électriques ; il peut même transmettre ses propres virus. C’est dangereux d’avoir un rat chez soi. »

Les rats peuvent eux-mêmes être porteurs de maladies. Aucune donnée ne met en évidence leur capacité à être infectés par le SARS-CoV-2, le virus à l’origine du COVID-19. Cependant, Corrigan craint qu’ils soient aptes à déplacer le virus en se glissant dans des conduits d’égout pleins de matières fécales et de les disperser partout en errant dans les maisons. « Si nous pouvons transmettre le virus à travers un simple contact du bout des doigts, il semble évident que les rats peuvent le faire au moyen de leurs pattes, leur pelage ou leurs queues », renchérit Corrigan.

 

ADOPTER LES BONS GESTES D’HYGIÈNE

Quoi qu’il en soit, voici venu pour vous le moment d’adopter des gestes barrières dans votre maison, tout comme nous avons redoublé de zèle pour le lavage de mains. Les poubelles extérieures doivent être munies de couvercles hermétiques. Les fissures sous les portes et autres ouvertures vers l’extérieur doivent être comblées. Il faut savoir que les rats sont capables de se faufiler sous une porte à moins d’un centimètre et demi du sol alors que les souris n’ont besoin que de la moitié de cet espace pour s’y glisser, indique Corrigan.

Si les rats ou les souris réussissent à pénétrer dans vos maisons, rassurez-vous, la lutte parasitaire est considérée comme un « service de première nécessité ». Les activités se poursuivent donc normalement, dit Jim Fredericks, entomologiste à la National Pest Management Association. « On a tendance à penser que la lutte parasitaire est un luxe ou que les parasites ne représentent qu’une simple nuisance. Cependant, plusieurs animaux constituent une véritable menace à la santé publique, à notre approvisionnement alimentaire mais aussi à nos propriétés », explique Fredericks.

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    Des rats s'échappent par un trou sur le trottoir de Pearl Street dans la ville de New York.

    PHOTOGRAPHIE DE Charlie Hamilton James, Nat Geo Image Collection

    Le risque que posent les rongeurs est suffisamment important pour permettre à un spécialiste de la lutte antiparasitaire de venir chez vous. Lorsque vous appelez pour prendre rendez-vous, renseignez-vous auprès de l’entreprise sur les mesures prises pour minimiser les risques de transmission du coronavirus. « Normalement, les entreprises spécialisées dans la lutte antiparasitaire ont ajusté leurs mesures de sécurité à cette nouvelle donne », signale Fredericks. « Des membres du réseau proposent même une formation supplémentaire en matière de maintien des distances de sécurité, de désinfection et de lavage de mains. »

    Si les rongeurs ont suffisamment faim pour explorer de nouveaux endroits à la recherche de nourriture, ils sont sans doute plus enclins à tomber dans les pièges-appâts. Il ne faut pas oublier que certaines méthodes sont plus douloureuses que d’autres. Les pièges à poison ou à colle tuent lentement et causent donc plus de souffrance alors que les tapettes tuent sur-le-champ. Il y a aussi les pièges à capture vivante qui permettent de relâcher les rongeurs dans la nature.

    Différents types de rats occupent les différentes niches écologiques à travers la ville. Les rats des parcs risquent d’être particulièrement touchés vu que les poubelles sont vides et les pique-niques suspendus. Ces rats, obligés de se nourrir en plein air, peuvent devenir des proies faciles pour les faucons, les hiboux, les coyotes et les ratons laveurs.

    Tant que nous resterons confinés chez nous, les prédateurs pourraient s’imposer comme rois de la jungle urbaine, du moins sur le court terme, en se remplissant la panse et en errant joyeusement dans ces rues où plus rien ne bouge.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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