Les chats savannah sont-ils faits pour être domestiqués ?

Issu du croisement entre le serval et le chat domestique, le savannah est de plus en plus populaire pour son pelage caractéristique et sa personnalité joueuse. Pourtant, ces chats suscitent tant de controverse que certains pays interdisent leur adoption.

De Liz Langley
Publication 16 mai 2023, 16:43 CEST
Portrait de deux savannahs, dont un est de première génération (issu d'une mère chat domestique et ...

Portrait de deux savannahs, dont un est de première génération (issu d'une mère chat domestique et d'un père serval).

PHOTOGRAPHIE DE Astrid Harrisson, Alamy Stock Photo

Avec leurs tâches et leur silhouette caractéristiques, les chats savannah ont récemment vu leur popularité monter en flèche sur les réseaux sociaux, comptabilisant 1,1 milliard de vues à ce jour sur TikTok. Cette race hybride issue du croisement entre le serval et le chat domestique suscite cependant une certaine controverse, notamment aux États-Unis, où leur adoption est interdite dans plusieurs États.

Le premier chaton savannah, une femelle baptisée Savannah en référence à la savane africaine, est née le 7 avril 1986 à Phillipsburg, en Pennsylvanie, d’une mère siamoise et d’un père serval. Les servals, des chats tachetés et rayés qui pèsent entre 10 et 20 kilogrammes, sont présents dans toute l’Afrique australe. Ces chasseurs extraordinaires utilisent leurs longues pattes pour bondir, et leurs grandes oreilles pour repérer leurs proies dans les hautes herbes.

En 2001, l’International Cat Association (TICA), établie au Texas, a commencé à intégrer la race dans ses registres, et le chat Savannah a depuis gagné en popularité.

Selon Carlo Siracusa, professeur associé à l’école de médecine vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie, l’aspect exotique du savannah est l’une des raisons pour lesquelles il provoque tant de fascination. Siracusa compare l’attrait du savannah à celui du bengal, une race hybride qui arbore le même pelage caractéristique que ses ancêtres, les chats-léopards du Bengale. « C’est comme si nous faisions entrer de la faune sauvage dans notre appartement ou notre maison. »

S’ils sont d’abord attirés par l’exotisme de l’apparence des savannahs, « ce que les [propriétaires] finissent par aimer le plus, ce sont leur intelligence, leur attachement à leurs humains et leur caractère joueur », qui en font des compagnons très semblables à des chiens domestiques, révèle Paige Dana, porte-parole du Comité de la race savannah de la TICA.

« Ils sont magnifiques », admet Bruce Kornreich, directeur du Cornell Feline Health Center et cardiologue au département des sciences cliniques de l’Université Cornell. « Je comprends pourquoi ils sont aussi aimés », mais aussi « pourquoi une forme de législation concernant leur propriété pourrait être nécessaire. »

Un piège photographique a capturé des images d'un serval en Afrique. Ces chats à longues pattes vivent dans toute l'Afrique subsaharienne.

PHOTOGRAPHIE DE Michael Nichols, Nat Geo Image Collection

C’est en raison de cette réticence à l’idée d’adopter des chats aux origines sauvages que la Cat Fanciers’ Association (CFA), établie dans l’Ohio et qui est le plus grand registre de chats de race au monde, n’a pas encore souhaité reconnaître le savannah.

« La CFA a pour politique de ne pas accepter les chats qui ont du sang sauvage. Nous ne voulons pas promouvoir ce type d’élevage », explique Teresa Keiger, juge d’exposition féline pour l’association.

 

DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION

Les savannahs sont classés en fonction de la distance génétique qui les sépare de leurs ancêtres sauvages, ce qui influence le prix de vente fixé par leurs éleveurs. Un F1 (F pour « filial ») signifie que le chat a un parent serval et un parent domestique : une seule génération sépare donc l’individu de ses ancêtres sauvages. Les chatons de ce F1 sont des F2, les chatons de ce F2 sont des F3, et ainsi de suite. Tandis qu’un F1 peut coûter plus de 15 000 euros, le prix d’un F5 tourne autour des 1 000 euros.

Souvent, les éleveurs de savannahs possèdent également des servals, ce qui n’est légal que dans vingt-neuf des États américains, dont vingt-et-un exigent un permis. Certains États n’autorisent que les chats savannah qui sont séparés de leurs ancêtres sauvages par un nombre précis de générations. Bien qu’ils soient interdits dans la ville de New York, l’État de New York légalise leur adoption s’ils sont d’une génération F5 ou ultérieure. Les savannahs sont totalement interdits à Hawaï, à Rhode Island, dans le Nebraska, en Géorgie, ainsi que dans toute l’Australie, et ce quelle que soit leur génération.

 

PRUDENCE ET MESURE

Certains savannahs F1 peuvent peser jusqu’à 11 kilogrammes, et leur taille et leur proximité générationnelle avec leurs ancêtres sauvages peuvent parfois en faire des animaux de compagnie difficiles.

Par exemple, la plupart des chats sauvages étant solitaires et ayant leur propre territoire, les savannahs F1 peuvent avoir du mal à s’adapter à la vie domestique, explique Siracusa. « Le F1 a des réactions beaucoup plus intenses, et lorsqu’il est décidé à faire quelque chose, il est plus déterminé à arriver à ses fins », ajoute Dana. 

« Du fait de leur résistance au changement et de leur personnalité intense, ils ne conviennent tout simplement pas à la plupart des foyers. »

Comme les servals, « les chats savannah peuvent vouloir défendre leur territoire, surtout les mâles », un comportement qui peut toutefois être atténué par la stérilisation, selon Sabrina Kong, vétérinaire dans la région de San Francisco. « Ils ont de forts instincts de chasse ; ils présentent souvent des comportements de traque, de saut et de poursuite », que l’on peut canaliser avec du jeu et de l’exercice.

Kornreich a eu l’occasion de voir deux savannahs dans le cadre de sa pratique clinique, et confie que leur comportement était similaire à celui de nombreux de chats lorsqu’ils viennent chez le vétérinaire : un peu stressés et méfiants. « Nous devions être prudents et mesurés dans notre approche, et ils se méfiaient beaucoup de moi », explique-t-il.

Tommy Wilde, fondateur du site web Floofmania, établis au Texas, raconte avoir reçu un savannah, Oscar, comme cadeau d’anniversaire lorsqu’il était enfant. Oscar était un F3, « son sang était donc composé à 12,5 % de serval. J’avais parfois l’impression de m’être lié d’amitié avec un lion sauvage lorsqu’Oscar s’approchait de moi dans la cour. J’aimais beaucoup ça », confie-t-il dans un e-mail. Le chat était « câlin et doux », et « aimait jouer avec ses humains ».

Selon Dana, les savannahs des générations plus tardives sont des animaux parfaits pour les personnes qui souhaitent un compagnon avec lequel elles pourront interagir. « Je ne peux pas imaginer notre maison sans savannahs. Mes deux enfants ont grandi avec leurs deux nounous félines, et maintenant, ils jouent ensemble et se font des câlins. »

 

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    Ferro, un savannah de génération F2, se tient dans sa maison, à Clinton Hill, à Brooklyn.

    PHOTOGRAPHIE DE Noland Nathan

    UNE MENACE POUR LA FAUNE NATIVE ?

    Lorsque les savannahs s’aventurent à l’extérieur, certains problèmes peuvent survenir. En 2013, dans la ville de Détroit, un individu de génération F2 s’est échappé de chez lui et, probablement perçu comme un animal sauvage, a été abattu puis jeté dans une poubelle.

    Certaines personnes et certains gouvernements estiment que, lorsqu’ils s’échappent, ces chats constituent « un risque écologique plus important du fait de leur impact sur d’autres espèces natives », car ils sont plus grands que les chats domestiques et sont de meilleurs prédateurs, explique Kornreich.

    En 2008, l’Australie a rendu illégale la possession de savannahs, une mesure préventive fondée sur une crainte : celle que leurs gènes de serval n’en fassent des chasseurs plus efficaces des animaux sauvages du pays.

    Une étude réalisée en 2019 a soutenu cette décision, suggérant que si les savannahs s’échappaient ou étaient relâchés dans la nature, ils se répandraient dans 97 % du pays et mettraient ainsi en péril jusqu’à 90 % de la faune native.

    Dans l’ensemble, les savannahs n’iront probablement nulle part, et il est possible de les adopter et de les gérer de manière responsable. Un contrôle approfondi de leur élevage et de leur vente est notamment essentiel, note Siracusa.

    « La demande est là. De nombreuses personnes le feront de toute façon, donc mieux vaut que ce soit réglementé. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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