Les méthodes de reproduction les plus originales du monde animal

Entre reines des rongeurs et pères marins dévoués, de nombreux comportements reproductifs existent dans la nature, soulignant la merveilleuse variété de la vie sur Terre.

De Jude Coleman
Publication 18 juin 2022, 10:30 CEST
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Un dragon de mer feuillu mâle portant des œufs sous sa queue près de la jetée de Wool Bay, en Australie-Méridionale. Le mâle reçoit ces œufs non fécondés d'une femelle et, s'il le souhaite, les féconde et les porte jusqu'à ce qu'ils soient prêts à éclore.

PHOTOGRAPHIE DE Alex Mustard, Minden Pictures

Les relations, ça peut être compliqué, surtout dans la nature. Des dizaines méthodes d’accouplement différentes existent chez les êtres vivants, qu’il s’agisse de bactéries microscopiques ou d’énormes mammifères de la jungle. Cependant, comme pour les humains, il n’y a pas de modèle unique dans le règne animal, et les habitudes reproductives et parentales sont pour le moins variées.

Pour faire progresser leur espèce, les animaux mâles et femelles endossent des rôles sexuels distincts. Ce terme ne fait pas seulement référence à leur rôle dans l’acte de la copulation, mais aussi aux tâches spécifiques qu’ils accomplissent lors de l’accouplement et de l’éducation de leurs petits. Un thème commun dans le monde de la séduction est que la femelle est chargée de choisir son partenaire parmi ses prétendants mâles en compétition les uns avec les autres, puis élève ses petits, le plus souvent seule.

Les baleines à bosse mâles, par exemple, se disputent les femelles et laissent à la mère la responsabilité de s’occuper des petits baleineaux. D’autres animaux, comme les éléphants de mer, forment un harem : un groupe de femelles dirigé par un mâle qui détient le monopole de l’accouplement, et qui n’interagit que très peu avec ses progénitures. Dans ces deux cas, il s’agit de polygynie : un système dans lequel un mâle s’accouple avec plusieurs femelles.

En revanche, chez les animaux monogames, comme l’albatros, un couple qui s’accouple reste ensemble pour la vie. Ces rôles sexuels sont considérés comme des rôles conventionnels.

Un père émeu reste proche pour protéger son nouveau poussin des prédateurs en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Les mâles de ces espèces sont chargés de prendre soin de leur jeune progéniture.

PHOTOGRAPHIE DE Jami Tarris, Getty Images

Les relations de reproduction telles que les matriarcats ou les harems menés par des femmes, qui ne relèvent pas de la polygynie ou de la monogamie traditionnelles sont, quant à elles, considérées comme des inversions des rôles sexuels.

Les inversions dans la mer, le ciel et sous terre soulignent la diversité de la parade nuptiale dans le règne animal… et la merveilleuse variété de la vie sur Terre.

 

LES REINES AU POUVOIR

Dans les colonies souterraines de rats-taupes nus, une reine puissante règne sur des centaines de sujets aveugles et glabres. Comme dans les colonies d’abeilles ou de fourmis, les reines des rats-taupes nus sont les seules femelles à s’accoupler et à donner naissance. Elle est rejointe par un, voire plusieurs mâles reproducteurs à qui elle a accordé le droit d’engendrer la prochaine génération. Le reste de la colonie est chargé de s’occuper des petits, en plus de nourrir la reine et d’élargir les terriers avec leurs dents robustes. Les biologistes appellent ce fonctionnement « reproduction communautaire extrême ».

« Les rats-taupes nus en sont l’exemple le plus extrême parmi les mammifères », selon Melissa Holmes, neuroscientifique comportementale à l’université de Toronto. « C’est extrêmement rare. »

La reine règne en maître en supprimant les comportements de reproduction dans la colonie. Pour les chercheurs, elle le ferait par le biais d’un comportement dominant, en poussant et en bousculant les membres de la colonie. Lorsque la reine meurt, une autre femelle peut prendre sa place de manière pacifique en commençant à s’accoupler et à avoir des progénitures. Mais parfois, avant sa mort, les femelles subordonnées organisent un coup d’État, attaquent la reine et se battent jusqu’à la mort pour avoir une chance d’accéder au trône. En raison de leur durée de vie exceptionnellement longue, qui peut dépasser les trente ans, les reines peuvent régner sur leur colonie pendant des décennies si elles ne sont pas renversées.

En surface, dans les plaines inondables et les savanes d’Afrique, les antilopes topis femelles prennent également le contrôle des situations de reproduction. Ce ne sont pas les mâles qui se battent entre eux pour le droit de s’accoupler : ce sont les femelles topis qui attaquent agressivement leurs concurrentes, certaines allant même jusqu’à tendre une embuscade à des couples en plein milieu de la copulation. Cette compétition est justifiée : les femelles topis ne sont fertiles qu’un jour par an. En s’accouplant avec environ quatre autres mâles en une journée, elles augmentent leurs chances de conception. Pendant ce temps, les mâles topis jouent à leurs propres jeux amoureux, en rejetant les femelles avec lesquelles ils se sont déjà accouplés et en acceptant les avances des nouvelles partenaires potentielles.

 

SOUS L’OCÉAN

Un peu comme les rats-taupes nus, les groupes de poissons-clowns sont dirigés par une femelle qui « gère la situation », explique Savannah Dodds, aquariste de l’Oregon Coast Aquarium. Un mâle, le seul poisson autorisé à féconder ses œufs, nage à ses côtés. Ensemble, ils prennent soin de leurs œufs en développement jusqu’à leur éclosion. Mais si la femelle meurt, une inversion d’un tout autre type se produit : son compagnon se transforme en femelle et prend sa place.

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    Un poisson-clown à trois bandes pose devant une grande femelle à Bitung, dans la province de Sulawesi du Nord, en Indonésie.

    PHOTOGRAPHIE DE Alex Mustard, Minden Pictures

    Tous les poissons-clowns sont hermaphrodites, ce qui signifie qu’ils sont équipés des deux appareils reproducteurs, mais ils naissent tous mâles. Le poisson-clown devenu femelle commence à pondre des œufs, et le plus grand mâle du banc endosse le rôle de père.

    Les dragons de mer, qui se cachent dans le varech au large des côtes australiennes, vont encore plus loin dans l’inversion des rôles : ce sont les mâles qui portent et mettent au monde les bébés. Comme leurs cousins hippocampes, les dragons de mer mâles reçoivent des œufs non fécondés des femelles, qui laissent leurs petits dans une poche spéciale sous la queue des mâles. Si un mâle n’est pas convaincu par une femelle qui tente de le séduire par une danse complexe, il rejette les œufs.

    S’il est bien courtisé, cependant, il garde les œufs et les féconde. Les œufs se développent dans le repli de leur père pendant les six semaines suivantes avant d’émerger. Une fois nés, les petits doivent affronter seuls les dangers et les courants changeants de l’océan. Selon Dodds, seuls 5 % environ de ces bébés dragons de mer s’en sortent, et l’Union internationale pour la conservation de la nature considère que certaines espèces sont presque menacées.

     

    LES PAPAS À PLUMES

    En Australie continentale, les émeus mâles jouent également leur rôle de papa. Lorsque la saison des amours commence, ils séduisent les femelles en agitant lentement leur cou. Mais après l’accouplement, au lieu de couver les œufs qu’elle a pondus, la mère les laisse à son compagnon et s’en va répéter le processus avec quelqu’un d’autre : un mode d’accouplement appelé polyandrie. Le père émeu se retrouve avec une ponte massive d’œufs et doit rester assis dans son nid pendant les deux mois suivants. Pendant cette période, il renonce à se nourrir et perd jusqu’à un tiers de son poids corporel. Après l’éclosion, le papa dévoué élève ses poussins pendant environ un an, leur apprenant à survivre dans la nature sauvage.

    Pendant ce temps, dans les arbres tropicaux de Nouvelle-Guinée, d’Australie et des îles voisines, des perroquets colorés déconstruisent l’idée selon laquelle la femelle devrait être le membre le plus terne du couple. Dans une démonstration étonnante de dichromatisme sexuel inversé, dans laquelle les femelles sont plus vives que les mâles, les perroquets éclectus femelles se démarquent et arborent un plumage rouge et bleu vif. Leurs homologues mâles, quant à eux, ont des plumes principalement vertes qui leur permettent de se fondre dans la canopée des arbres.

    Dans une étonnante démonstration de dichromatisme sexuel inversé, les perroquets éclectus femelles sont plus éclatants que les mâles, se démarquant avec leur plumage rouge et bleu vif. Les mâles, quant à eux, sont verts.

    PHOTOGRAPHIE DE Tim Lamán, Nat Geo Image Collection

    Selon Rob Heinsohn, biologiste de l’évolution à l’université nationale australienne, bien que le sex-appeal joue un rôle dans ce changement audacieux, la couleur des femelles a probablement pour but d’annoncer leur revendication du territoire.

    C’est un signal très fort de propriété : « Ne venez pas, ou je vous combattrai », dit-il.

    Les enfoncements dans lesquels les perroquets éclectus habitent sont très recherchés, et ces derniers les défendent à tout prix contre les autres mères en maraude. Leurs couleurs éblouissantes donnent le signal qu’un arbre est occupé, mais certaines femelles peuvent tout de même s’entretuer pour un site de nidification prisé. Parce qu’elles gardent leurs nids 24 heures sur 24, les femelles comptent sur leurs compagnons pour leur apporter de la nourriture. Ainsi, plus elles ont de partenaires, plus elles ont de nourriture.

    Même si elles ne pondent que deux œufs par ponte, les femelles s’accouplent avec de nombreux mâles, les amenant tous à croire qu’ils peuvent être le père. Les mâles, en quête d’une chance de perpétuer leur lignée, s’accouplent également avec plusieurs femelles. Ils aident à prendre soin de tous leurs petits en apportant des fruits d’arbre en arbre, que les femelles mangent et régurgitent pour leurs bébés. Il s’agit d’un type de reproduction communautaire appelé polyandrie coopérative : un comportement qui combine les méthodes d’éducation des rats-taupes nus et les habitudes d’accouplement multiple des émeus.

    Une poignée d’autres oiseaux affichent également des couleurs inversées, mais « rien n’est aussi audacieux ou évident que le cas du perroquet éclectus », déclare Heinsohn. Scintillant dans la lumière vive de la canopée, « il n’y a probablement rien de plus beau dans le monde entier ».

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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