Décryptage : que prévoit le grand plan gouvernemental pour la biodiversité ?

Édouard Philippe et Nicolas Hulot, entourés de plusieurs ministres, ont annoncé le détail de leur grand plan de sauvegarde de la biodiversité française.

De Romy Roynard, Juliette Heuzebroc
Publication 5 juil. 2018, 17:49 CEST
Nicolas Hulot, ministre français de la Transition écologique, dans les espaces Générations climat.
PHOTOGRAPHIE DE Cop Paris

« La nature nous lance un SOS, un appel à l'aide. La biodiversité se meurt en silence », c’est ainsi que Nicolas Hulot a annoncé le lancement d’un plan de sauvetage de la biodiversité. Ce grand plan détaillé fait suite aux nombreuses alertes lancées par les récentes études environnementales sur le territoire français : disparition des abeilles, chute du nombre d’oiseaux dans les campagnes ou encore l’extinction de nombreuses espèces d’insectes.

« L’objectif est d’abord de sortir ce sujet de l’ombre. Il faut que les Français comprennent que la situation est catastrophique. 40 % des espèces vivantes auront disparu au milieu du siècle prochain si l’on ne fait rien. Pour inverser la tendance, il faut un front mondial et je veux que nous soyons en situation de leadership sur ces questions. Marseille accueillera en 2020 le Congrès mondial de la nature. Pour être écouté, il faut être exemplaire » a déclaré le ministre de la Transition écologique lors d’un entretien au Parisien cette semaine.

Pour cela, 90 mesures ont été pensées et vont être mise en place dans le cadre de ce grand plan. Mais quel est le degré de faisabilité des grandes lignes de ce plan d'action ?

 

LA GUERRE DU PLASTIQUE

  • Objectif 100 % plastique recyclé

Nicolas Hulot a souligné l'urgence de cette mesure en expliquant que la majorité des objets plastiques du quotidien comme les pailles, couverts et assiettes en plastique seront remplacés par des objets en matériaux biodégradables. Ces objets non-dégradables représentent 70 % des déchets des Français. Si le gouvernement annonce un empressement à la mise en place de cette mesure, aucune date précise n'a encore été énoncée.

Cette mesure est indispensable car au 1er janvier 2018, la France était l’avant-dernier pays de l’Union européenne en matière de recyclage des déchets plastiques. Les Français ne recyclent que 22 % de ces déchets face à une moyenne européenne de 31 %. Au-delà d'une forte pollution, l'un des problèmes majeurs posés par le plastique réside dans la menace qu'il représente pour les animaux. Plusieurs villes, notamment celles faisant partie du c40, organisation rassemble 81 des plus grandes villes du monde, ont déjà mis en place plusieurs politiques efficace en matière de tri des déchets, notamment plastique. San Francisco est par exemple devenue la première ville au monde zéro déchet. L'espoir est donc permis.

 

  • L'objectif zéro plastique rejeté en mer d'ici 2025

La réforme consiste à bannir 12 produits plastiques à usage unique jetés de façon quasi-systématique sur les plages et qui envahissent les océans comme les pailles, gobelets, coton-tiges...

Cette nouvelle mesure s’inscrit comme une continuité de l’interdiction des sacs, assiettes et couverts en plastique. Il s’agit ici plus précisément de protéger les océans. La commission européenne envisage d’ailleurs de prohiber au niveau continental l’utilisation de 10 produits présents sur les plages et dans les mers européennes à partir de 2021. Les Etats-Unis font partie des premiers à s’être lancés dans la guerre des pailles puisque leur utilisation est sur le point d’être interdite dans plusieurs états dont la Californie. Quand on sait que des milliards de sacs plastiques sont utilisés dans le monde chaque année, avec une « durée de vie » moyenne de seulement 15 minutes, il va sans dire que la tâche est immense mais ô combien nécessaire.

 

LA FAUNE ET LA FLORE

  • Création ou extension de 20 réserves nationales d’ici la fin du quinquennat

2019 serait le point de départ de cette mesure puisqu'un nouveau parc national sera inauguré entre la Champagne et la Bourgogne. Ces nouveaux espaces ont pour ambition de protéger la faune et la flore de la menace humaine, qu’il s’agisse de la chasse, de la pollution ou de la déforestation. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé la création du premier parc naturel des forêts. 

À ce jour, la France ne compte que 10 parcs nationaux dont trois en outre-mer. La France se situe dans la moyenne européenne puisque le continent compte 405 parcs nationaux allant de nations n’en ayant qu’un comme le Portugal ou la Slovénie à la Russie qui en compte 48. La création de 20 réserves nationales pour la faune et la flore semble ambitieuse en une si courte période, même si les espaces à protéger sont déjà connus.

 

  • Mise en place d'une rémunération aux agriculteurs pour « services environnementaux »

Cette prime est mise en place par le gouvernement pour encourager les agriculteurs à préserver les prairies, les mares et autres refuges privilégiés de la faune. Il s'agit également d'inciter les agriculteurs à remettre en place des haies céréalières pour faire revenir les oiseaux dans nos campagnes. Pour cela, un budget de 150 millions d'euros est prévu sur trois ans, budget fourni pas les agences des eaux.

La France est plutôt pionnière en la matière sur le terrain européen puisque très peu de primes environnementales sont mises en place au niveau national dans les différents pays de l'Union européenne. UE qui propose cependant différentes subventions attribuées chaque année à différents acteurs du secteur.

 

LA PROTECTION DES SOLS ET SANTÉ PUBLIQUE

  • L’interdiction du glyphosate dans ses usages principaux d’ici 2021 et pour tous les usages d’ici 5 ans

D’après le nouveau plan du gouvernement, l’herbicide si controversé devrait être interdit dans sa globalité d’ici 5 ans soit d’ici 2023. Mais avant cela, ses usages principaux seraient progressivement prohibés avant 2021.

Sur ce point, la France suit le mouvement européen. Si à l’origine l’UE avait prévu une autorisation encore pour 10 ans, cette échéance est passé aujourd’hui à 5 ans. Ce que le gouvernement souhaite mettre en place, c’est une élimination progression de son exploitation dans l’année à venir puis dès 2021, s’attaquer à son exploitation industrielle, en dépit des pressions déjà exercées par le passé par les différents lobbies.

 

  • La désartificialisation des sols

Le gouvernement se fixe l’objectif de zéro artificialisation net des sols. « Les sols doivent être considérés comme une ressource finie, dont la gestion doit être sobre et durable. L’objectif est au minimum de compenser les surfaces artificialisées en désartificialisant des surfaces équivalentes. Nous sommes allés tellement loin dans l’étalement urbain, avec la création de vastes zones commerciales en périphérie, que les centres-villes se sont vidés. C’est d’ailleurs le sens du travail mené par le gouvernement en matière d’aménagement des centres-villes. Nous sommes pleinement engagés à aider les élus à limiter la consommation d’espaces » a déclaré Nicolas Hulot. C'est l'équivalent de la surface du département de Seine-Maritime qui est bétonné tous les 7 ans en France. Si la mesure ne bloque pas la bétonisation des sols, elle implique néanmoins que pour chaque m² bétonné à l'avenir, son équivalent sera rendu à l'état naturel.

Le gouvernement présente donc la question de l’urbanisation comme primordiale dans ce plan. Si la mise en place de cette mesure semble essentielle dans la perspective d'un avenir durable, elle contrevient aux besoins croissants d'urbanisation et n’a par exemple pas empêché le projet EuropaCity, immense zone d’activités en projet en région parisienne, d’obtenir les autorisations de lancement nécessaires.

 

  • La prohibition des néonicotinoïdes au 1er septembre

Les produits néonicotinoïdes, ces pesticides fortement nocifs pour la santé, vont être interdits d’utilisation sur le sol français dès la rentrée 2018. Le plan gouvernemental pour la biodiversité prévoit par ailleurs l'obligation pour les collectivités de publier la quantité de pesticides utilisée sur leur territoire.

Cette mesure fait suite à une décision des États membres de l’Union européenne qui interdit les trois principaux pesticides néonicotinoïdes sur toutes les cultures en plein champ. Ces pesticides sont majoritairement connus comme étant à l’origine d’un déclin majeur des abeilles en Europe depuis son lancement dans les années 90. 

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