Incapable de protéger sa faune, le Mexique fait l'objet de sanctions inédites

Les sanctions exceptionnellement dures que vient de se voir infliger le Mexique par la CITES va empêcher le pays de poursuivre la vente d’espèces réglementées à l’étranger, où celles-ci servent d’animaux de compagnie ou de souvenirs.

De Dina Fine Maron
Publication 28 mars 2023, 12:14 CEST
Dans le cadre de la CITES, ou Convention de Washington, traité international règlementant le commerce des ...

Dans le cadre de la CITES, ou Convention de Washington, traité international règlementant le commerce des espèces sauvages menacées d’extinction, le Mexique s’est vu imposer des sanctions drastiques pour n’avoir pas suffisamment protégé le totoaba, un poisson géant qui croasse, et le vaquita, un marsouin en danger critique d’extinction. Dans le village de pêcheurs de San Felipe, on se débarrasse des carcasses de totoabas dans cette décharge officieuse. Le vaquita s’emmêle et se noie dans des filets prévus pour la pêche de ce mastodonte des mers.

PHOTOGRAPHIE DE Kirsten Luce

De nouvelles sanctions infligées au Mexique dans le cadre du traité international qui réglemente la vie sauvage interdisent au pays de vendre quelque spécimen que ce soit aux 183 autres parties ayant signé l’accord.

La mesure, annoncée le 27 mars par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), est un camouflet pour le Mexique qui n'a pas su lutter contre la pêche illégale de totoabas (Totoaba macdonaldi), ni protéger le vaquita (Phocoena sinus), une espèce de marsouin en danger critique d’extinction qui trouve la mort dans les filets maillants servant à attraper le totoaba. Les deux espèces ne sont présentes que dans le golfe de Californie où, selon les scientifiques, on ne trouverait plus que dix vaquitas. Le totoaba est quant à lui protégé par la loi mexicaine mais est pêché illégalement pour sa vessie natatoire, très prisée par les adeptes de médecine traditionnelle en Asie.

Cette sanction est la mesure la plus drastique possible prévue par le traité et intervient après que le secrétariat de la CITES a émis de multiples avertissements à l’endroit du Mexique sur la nécessité de mieux protéger le vaquita et le totoaba. En novembre 2022, la CITES a intimé au Mexique l’ordre de présenter un plan d’action global pour les deux espèces avant le 28 février 2023. Il était notamment demandé au gouvernement mexicain de présenter dans le détail les nouvelles mesures qu’il allait prendre pour empêcher les bateaux non habilités de pénétrer dans les eaux où la pêche est défendue ainsi qu’un plan pour faire respecter l’ordre dans les zones interdites aux filets maillants. Si le Mexique a respecté la date butoir fixée, son plan d’action n’a toutefois pas correspondu aux attentes de la CITES.

Des pick-up tractent des bateaux chargés de filets maillants dans l’eau sur la plage de San Felipe, village de pêcheurs mexicain du golfe de Californie. Sa marina est dotée d’une cale, mais certains pêcheurs préfèrent cette méthode de mise à l’eau pour éviter que leur permis ne soit contrôlé.

PHOTOGRAPHIE DE Kirsten Luce, National Geographic

La base de données CITES sur le commerce montre que le Mexique est un important exportateur d’espèces sauvages, qui sont vendues comme animaux de compagnies exotiques à l’étranger, en particulier aux États-Unis : lézards, tarentules, mais aussi des produits issus de la faune comme des peaux de reptiles et des plumes d’oiseaux.

Ces sanctions ont pour effet que la plupart des pays du globe doivent désormais considérer comme invalides les formulaires d’exportation mexicains.

« C’est une pénalité assez importante, mais on parle de l’extinction d’une espèce, donc c’est justifié », estime Sarah Uhlemann, directrice internationale des programmes chez Center for Biological Diversity, association à but non lucratif. L’organisation a su hausser le ton face à la situation désespérée des vaquitas.

Le ministère mexicain de l’environnement et des ressources naturelles a annoncé le 25 mars considérer ces sanctions comme un « traitement inéquitable ». Selon lui, la CITES ne reconnaît pas les efforts en train d’être faits pour protéger ces animaux. Le Mexique prévoit d’envoyer une délégation à Genève, où se trouve le siège de la CITES, pour réexaminer les progrès effectués et réagir aux commentaires des représentants de l’organisation sur le plan d’action.

Ce traité international sur la vie sauvage « fait autorité car ces sanctions peuvent être mises en œuvre », confiait la secrétaire générale de la CITES, Ivonne Higuero, à National Geographic plus tôt ce mois-ci. « En fin de compte, ce dont nous avions besoin, c’était que [les pêcheurs] cessent de pénétrer dans la zone de tolérance zéro », déclarait-elle en faisant allusion à la zone d’environ 500 kilomètres carrés interdite à tout bateau de pêche afin de protéger les vaquitas qui la peuplent. En dépit de cette interdiction, des observateurs scientifiques internationaux ont dénombré 117 bateaux de pêche mexicains dans ces eaux en l’espace d’une journée seulement en 2021. Au mois de février, il a suffi de vingt-quatre heures à l’organisation de défense de l’environnement Sea Shepherd pour apercevoir trente bateaux équipés de filets pêchant dans la zone.

Trente autres pays sont soumis à des sanctions prévues par le traité de la CITES, qui a été adopté il y a tout juste cinquante ans. Dans certains pays comme le Mexique, le commerce de quelque espèce que ce soit a été interdit. Dans d’autres, des restrictions plus restreintes s’appliquent sur le commerce de produits spécifiques issus de la vie sauvage.

En ce qui concerne le Mexique, la suspension demeurera effective jusqu’à ce que la CITES reçoive un plan d’action amendé et satisfaisant. Le Mexique dit s’engager à résoudre ce problème.

Wildlife Watch est une série d'articles d'investigation entre la National Geographic Society et les partenaires de National Geographic au sujet de l'exploitation et du trafic illégal d'espèces sauvages. N'hésitez pas à nous envoyer vos conseils et vos idées d'articles ainsi qu'à nous faire part de vos impressions à l'adresse ngwildlife@natgeo.com.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise. 

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