Ces villes sont-elles de vrais "refuges climatiques" ?

Ces villes bénéficient d'un climat tempéré et se préparent déjà au changement climatique. Elles regorgent d'espaces verts, de bâtiments intelligents et de quartiers compacts. Sont-elles pour autant prêtes à accueillir des millions de réfugiés climatiques?

De Stephen Starr
Publication 15 nov. 2023, 16:36 CET
Gardens by the Bay, le parc naturel urbain emblématique de Singapour, abrite des arbres et des ...

Gardens by the Bay, le parc naturel urbain emblématique de Singapour, abrite des arbres et des fleurs du monde entier. 

PHOTOGRAPHIE DE Andrew Moore, Nat Geo Image Collection

Pendant des décennies, Perth, Sydney et Melbourne ont été considérées comme certaines des villes où l'on vivait le mieux. 

Mais ces dernières années, des milliers de « métropolitains » australiens ont déménagé à Hobart, la capitale de la Tasmanie, majoritairement pour des raisons climatiques. 

Adi Munshi, qui a quitté Perth, fait partie de ces exilés.

« Il faisait vraiment très, très chaud l'été. J'adore la montagne, mais il est impossible de partir en randonnée sous 40 degrés », explique-t-il.

Munshi envisageait de s’installer en Nouvelle-Zélande pour échapper à la chaleur, jusqu’à ce qu’on lui suggère de partir habiter en Tasmanie. Aujourd’hui, il vit avec sa femme dans la banlieue de Hobart, à Kingston.

« C’est juste incroyable. On est à moins d’une heure et demie de plusieurs parcs nationaux. Il y a vraiment de quoi faire des randonnées. »

La ville de Hobart, qui compte environ 250 000 habitants, jouit toute l’année d’un climat tempéré dû à sa latitude méridionale et à son environnement maritime. Environ 45 000 personnes devraient s’y installer ces dix prochaines années, nombre d’entre elles étant attirées par la douceur de son climat.

Hobart n’est d’ailleurs pas la seule ville concernée par le phénomène.

Par temps clair, le sommet du mont Wellington, qui culmine à 1 271 mètres d’altitude, offre une vue panoramique sur Hobart. Les Australiens qui cherchent à échapper à l’augmentation des températures trouvent de plus en plus refuge dans la capitale de la Tasmanie.

PHOTOGRAPHIE DE Karsten Moran, Redux

À cause de la montée des eaux, des sécheresses de plus en plus longues, des conditions météorologiques extrêmes et de la hausse des températures partout dans le monde, certaines régions sont en passe de devenir invivables. Certaines villes se préparent à cet avenir instable en prenant des mesures proactives et devraient devenir de véritables refuges face à ces changements extrêmes.

 

LOGER LES FUTURS RÉFUGIÉS CLIMATIQUES

Le Moyen-Orient, une grande partie du Pakistan et d’autres régions du monde sujettes à des températures élevées et à une forte humidité pourraient être particulièrement menacés par le réchauffement climatique. Une étude publiée le mois dernier montre que l’être humain est plus vulnérable aux fortes chaleurs et à l’humidité qu’on ne le croyait : nous aurions surestimé notre capacité de thermorégulation, soit notre faculté à réguler notre température corporelle. Si les températures continuent d’augmenter selon les prévisions, des pans entiers de la planète dans les zones tropicales et subtropicales pourraient devenir inhabitables.

La Banque mondiale estime que d’ici à 2050, 216 millions de personnes devraient être contraintes de migrer au sein de leur propre pays à cause du changement climatique.

Par chance, certaines parties du monde seront moins touchées en raison de leur position géographique.

Située au cœur de l’Europe continentale, Vienne, la capitale de l’Autriche, jouit d’espaces publics de renommée mondiale et d’un approvisionnement en eau provenant directement des Alpes autrichiennes. Même si le pays continuera à subir les effets du changement climatique, tels qu’une météo imprévisible et une chaleur estivale torride, il s’adapte activement à l’évolution du climat. 

Vienne a adopté son premier programme de « protection du climat » en 1999 et dispose d’un important système de protection contre les inondations qui préserve les habitants de la montée des eaux du Danube. En 2020, elle a mis en place ses premières zones de « protection du climat », où les nouveaux bâtiments ne peuvent être construits qu’avec des systèmes de chauffage et de distribution d’eau respectueux de l’environnement. Aujourd’hui, plus de la moitié de la ville est constituée d’espaces verts.

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    La pelouse située à l’extérieur du musée d’histoire de l’art de Vienne est l’un des nombreux espaces verts accessibles au public.

    PHOTOGRAPHIE DE Catherine Karnow, Nat Geo Image Collection

    Grâce à son parc de logements, Vienne est bien placée pour faire face à un afflux de migrants qui fuirait les effets du changement climatique. Même si la capitale a adopté ces dernières années une politique d’immigration stricte, le pays connaît encore des entrées de sans-papiers sur son territoire. Par ailleurs, nombre de ses résidents sont nés à l’étranger, ce qui alimente un processus de migration en chaîne, soit le fait que des proches rejoignent des membres de leur famille déjà installés dans un nouveau pays.

    Au début des années 2000, Vienne a décidé d’étendre son programme de construction de logements abordables pour atteindre jusqu’à 10 000 unités par an contre 4 000 auparavant.

    « Aujourd’hui, le parc de logements subventionnés s’élève à près de 200 000 unités. Par conséquent, la moitié de la population viennoise vit dans des logements publics ou subventionnés », explique Amila Širbegović, architecte et spécialiste du logement à la ville de Vienne.

     

    RESTER CHEZ SOI ET S'ADAPTER

    Pourtant, à en croire les rapports sur le sujet, l’écrasante majorité des réfugiés climatiques ne seront pas en mesure de déménager dans des métropoles lointaines comme celles citées précédemment.

    En raison du manque de ressources, des politiques d’immigration strictes des pays riches et de l’absence de lois internationales protégeant les réfugiés climatiques, nombre de personnes subissant les effets d'un environnement plus chaud et instable n'auront pour autre choix que de rester chez elles et de s'adapter en conséquence.

    C’est exactement ce qu’il se passe dans la province pakistanaise du Sindh. L’année dernière, des inondations catastrophiques ont tué plus de 1 700 personnes et la région a temporairement accueilli un quart des personnes déplacées dans le monde. 

    « Les gens ne peuvent pas partir », explique Yasmeen Lari, première femme architecte du Pakistan et fondatrice de la Heritage Foundation of Pakistan. « Une fois que l’eau s’est retirée, ils ont dû se réinstaller dans la même zone ; ils n’avaient pas le choix. »

    Lari a mis en place un plan d’aide aux personnes les plus démunies du Pakistan. Depuis les inondations, sa fondation a aidé à construire plus de 6 000 maisons en bambou sur pilotis, résistantes au changement climatique, dans treize villages de la province du Sindh et au-delà. 

    D'après elle, ces structures ont fait leurs preuves. En 2014, environ 1 000 habitations similaires ont été construites dans la ville de Kot Diji, sur la rivière Dhoro, dans la province du Sindh supérieur. « Nous sommes allés les voir après la décrue (l’année dernière) et elles avaient toutes tenu le coup », raconte-elle. « Rien n’avait bougé, tout allait bien lorsque l’eau s’est retirée. »

     

    LA JUNGLE URBAINE DE SINGAPOUR

    Certaines villes seront à la fois confrontées à des perturbations climatiques et à un afflux de réfugiés.

    Même si Singapour est vulnérable aux conditions météorologiques extrêmes et à la montée des eaux à cause du réchauffement climatique, la cité-État est susceptible de devenir un refuge climatique pour de nombreux habitants de l’Asie du Sud-Est. En réalité, Singapour attire déjà les immigrants en raison des opportunités économiques et de la qualité de vie qu'elle offre ; près de la moitié de ses résidents sont d'ailleurs nés à l’étranger. Et les ambitieuses politiques climatiques de la ville devraient encore accroître son attractivité. 

    Grâce à un effort massif pour transformer certaines parties de la cité-État en « jungle urbaine », 46 % de la ville a été transformée en espaces verts. Cela permet de réduire le dangereux effet d’îlot de chaleur alimenté par le béton et l’asphalte, et agit comme un système de climatisation naturel. Singapour dépense également des dizaines de milliards de dollars en digues et en systèmes de défense contre les océans. 

    Il est néanmoins indubitable qu’aucun endroit sur Terre n'échappera aux effets du réchauffement climatique.

     

    AUCUN REFUGE N'EST PARFAIT

    La popularité de Hobart en tant que « refuge climatique » étant déjà en partie responsable de la croissance démographique de la ville : les urbanistes se préparent à accueillir des milliers d’habitants supplémentaires dans les années à venir. La ville explique avoir besoin de près de 30 000 logements supplémentaires, et les experts estiment que le fait de cibler les espaces urbains inutilisés pour maintenir la ville compacte aura des effets bénéfiques sur les plans environnemental, social et économique. 

    « La stratégie du Grand Hobart vise à intégrer 70 % de la croissance démographique dans l’empreinte urbaine existante », explique Jason Byrne, professeur de géographie humaine et d’urbanisme à l’université de Tasmanie. « Le fait de concentrer la densité au sein des zones de croissance pré-existantes n'est qu'une question de bon sens. »

    Les températures moyennes en Tasmanie devraient néanmoins augmenter de près de 2,9°C d’ici à 2100. Sans oublier que le secteur des sports d’hiver du pays subit déjà les effets de la hausse des températures hivernales, et que les feux de forêt et les sécheresses sont de plus en plus dévastateurs. « Hobart est l’une des villes d’Australie les plus exposées aux incendies », explique Byrne.

    Par ailleurs, avec l’augmentation du nombre de réfugiés climatiques, le trafic routier a empiré et le coût du logement a grimpé en flèche. Autre préoccupation : de nombreux bâtiments de la ville sont mal préparés à la hausse des températures.

    « Notre salon se transforme en fournaise dès que la température grimpe, et en véritable glacière en hiver », explique Adi Munshi. « La situation va continuer à empirer, à moins que nous ne prenions des mesures drastiques pour ralentir le changement climatique. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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