Et si la vie était pourpre sur d'autres planètes ?

Les chercheurs pensent que la Terre primitive aurait été dominée par des bactéries pourpres, une couleur qui pourrait être la signature d'un monde habitable.

De Alice Sun
Publication 29 avr. 2024, 18:13 CEST
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Il est possible que les scientifiques détectent des signes de vie ailleurs dans l'univers en essayant de localiser une planète pourpre, semblable à la Terre.

PHOTOGRAPHIE DE Illustration by WALTER MYERS, SCIENCE PHOTO LIBRARY

Lorsqu'ils inspectent l'univers à la recherche de planètes potentiellement habitables, les scientifiques concentrent habituellement leurs efforts sur la couleur verte. Après tout, le vert est la couleur fondamentale de la vie sur Terre. Et si la vie sur d'autres planètes n'était pas du tout verte ? Allons plus loin, et si elle était pourpre ?

Dans une étude publiée en avril par la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, une équipe de chercheurs s'intéresse aux bactéries pourpres, ces micro-organismes à la robe rouge violacé et magenta qui habitent certains des environnements les plus hostiles de notre planète. Les chercheurs ont recueilli et cultivé des échantillons de différentes espèces de ladite bactérie afin de mesurer les longueurs d'onde reflétées par les organismes. L'idée est d'enrichir la base de données des signatures possibles de la vie que les futurs astronomes pourraient tenter d'identifier sur d'autres planètes.

« Il existe une telle diversité de formes de vie », déclare Lisa Kaltenegger, coautrice de l'étude et astronome à l'université de Cornell. « Ce serait dommage de la rater juste parce qu'elle n'est pas verte », ajoute la scientifique, également autrice d'un nouveau livre sur les mondes extraterrestres.

 

POURQUOI POURPRE ?

Bien avant l'émergence des forêts verdoyantes et du vert éclatant de l'efflorescence algale qui colorent actuellement notre monde, la Terre était une planète inhospitalière. Elle était pauvre en oxygène et les températures y étaient extrêmes. 

Pourtant, c'est dans ces conditions redoutables que des organismes comme les bactéries pourpres s'épanouissent. 

Au lieu d'utiliser la chlorophylle, l'organite vert dont la plupart des végétaux sont équipés de nos jours pour réaliser la photosynthèse, les bactéries pourpres utilisent les bactériochlorophylles et les caroténoïdes, qui leur permettent d'effectuer la photosynthèse dans les environnements pauvres en oxygène et en lumière. 

À proximité de Sibbesse en Allemagne, l'eau de ce petit étang de la forêt de Hildesheim se pare de nuances pourpres, en janvier 2023. D'après les experts de l'Agence régionale de l'eau, de la protection du littoral et du milieu naturel de Basse-Saxe (NLWKN), les responsables de ces étranges reflets ne seraient autres que les micro-organismes qui habitent ces eaux, probablement des bactéries pourpres.

PHOTOGRAPHIE DE Julian Stratenschulte, picture alliance, Getty Images

« Donc on peut imaginer qu'une autre Terre, à une époque antérieure, aurait été pourpre si ces organismes étaient abondants, car les conditions auraient été idéales pour leur survie et leur prolifération », explique Ligia Fonseca Coelho, coautrice de l'étude et microbiologiste à l'université de Cornell. 

En d'autres termes, une exoplanète pourpre, c'est possible.

À vrai dire, les scientifiques ont déjà émis l'hypothèse que la Terre primitive ait pu être pourpre. Dans une étude parue en 2018, des chercheurs ont conclu que les archées pourpres, un autre type de micro-organisme qui utilise une molécule appelée rétinal pour effectuer la phosynthèse, auraient pu dominer notre planète lorsqu'elle était encore pauvre en oxygène. « Ce que fait cette nouvelle étude, c'est étendre les potentielles formes de vie capables de produire une signature pourpre », indique Shiladitya DasSarma, biologiste moléculaire à l'université du Maryland et auteure principale de l'article publié en 2018.

À présent, les scientifiques à l'origine de la nouvelle étude ont ajouté les données spectrales de 20 espèces de bactéries pourpres, recueillies dans des milieux comme des marais ou des lacs. Les chercheurs ont ensuite mesuré les longueurs d'onde de lumière réfléchies par les bactéries et modélisé l'apparence de ces caractéristiques si elles étaient observées sur une autre planète. 

Le résultat est une collection de signatures lumineuses que l'équipe s'applique à ajouter à une base de données en cours de construction. Ces données sont publiques, indique Kaltenegger, afin de permettre aux scientifiques du monde entier d'utiliser ces signatures dans leurs propres projets. 

 

SIGNATURES DES MONDES HABITABLES

Pour chercher la vie sur d'autres planètes, les astronomes utilisent des marqueurs appelés biosignatures. La couleur de la surface d'une planète peut être considérée comme une biosignature. Pour la voir, les astronomes utilisent une technique appelée spectroscopie de réflectance.

Malheureusement, « ce type d'observation n'est pas possible avec les télescopes dont nous disposons aujourd'hui », précise Edward Schwieterman, astronome à l'université de Californie à Riverside, non impliqué dans la nouvelle étude. Par exemple, le télescope spatial James Webb peut uniquement détecter les biosignatures dans l'atmosphère d'une exoplanète, en identifiant par exemple de l'oxygène, du méthane ou d'autres gaz. Le dernier-né des télescopes spatiaux est donc incapable de mesurer la lumière réfléchie par la surface d'une planète. 

« La difficulté, c'est de traduire ce que nous étudions au sein du laboratoire en mesures astronomiques », reconnaît DasSarma.

Cela dit, les chercheurs espèrent que la nouvelle étude offrira une source d'inspiration aux projets en cours de construction, comme le Télescope géant européen (Extremely Large Telescope, ELT), fruit de la collaboration entre l'Europe et le Chili, où sera implanté le télescope, et l'Habitable World Observatory mis au point par la NASA, deux projets d'envergure dont l'objectif est de capturer des images capables de fournir ces mesures de la surface. Les observatoires devraient entrer en service dès 2030. 

« Cela nous pousse à garantir que cette future mission possède la capacité de détecter de telles signatures », déclare Schwieterman, également membre d'un groupe de travail sur les biosignatures pour l'Habitable Worlds Observatory de la NASA.

 

BIODIVERSITÉ EXTRATERRESTRE

Comprendre la vie pourpre sur Terre permet également d'étendre la définition de la vie ailleurs dans l'univers. De nombreuses planètes rocheuses habitables sont en orbite autour d'étoiles appelées soleils rouges, une version plus petite et moins brillante que le Soleil jaune qui occupe le centre de notre système solaire. Les organismes pourpres sont capables d'exploiter les rayons à faible énergie émis par ces soleils rouges. 

« C'est en fait le type d'étoiles le plus répandu », indique Coelho. « C'est pourquoi le modèle pourpre est aussi important, car il comble le vide qui existe pour le type de vie capable de s'épanouir sur les planètes qui évoluent autour de ces étoiles abondantes », explique-t-elle.

En attendant, les scientifiques de Cornell continuent d'enrichir leurs bases de données de couleurs et de signatures, en s'intéressant à d'autres formes de vie capables de survivre dans différentes conditions extrêmes. 

« La Terre est pleine de vie. Et si on la compare à un puzzle, nous essayons en fait d'identifier les pièces qui ont le plus de chance d'exister sur les planètes que nous pouvons observer », illustre Kaltenegger.

« Toute cette incroyable biodiversité à notre portée, nous devons l'étudier afin de créer des outils qui nous aident à chercher la vie sur d'autres planètes », conclut Coelho. « Nous avons besoin de biodiversité en astronomie. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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