Des réserves d’eau enfouies dans les profondeurs martiennes ?

Mars, autrefois recouverte d'eau, porte encore en surface les vestiges de cette époque. Mais il se pourrait bien qu'elle concerve en son cœur un lot de secrets surprenants.

De Marie Zekri
Publication 20 juil. 2025, 14:41 CEST
La planète rouge Mars avec ses lunes Phobos et Deimos - Rendu spatial 3D, à partir ...

La planète rouge Mars avec ses lunes Phobos et Deimos - Rendu spatial 3D, à partir d'éléments fournis par la NASA.

ILLUSTRATION DE dotted zebra, alamy banque d'images

Depuis les premiers temps de l’humanité, nous n’avons cessé de nous questionner sur la place que nous occupons dans l’univers. Sommes-nous seuls ? Ceux qui se posent cette question qui a traversé les âges se retrouvent toujours confrontés au même assourdissant silence

Mais à force de guetter les réponses parmi les astres, et avec les progrès phénoménaux de la science, notamment au cours du siècle passé, les indices se sont multipliés : détection de gaz potentiellement émis par des organismes vivants par-delà notre système solaire, des lunes et planètes recouvertes d’océans parfois encapsulés sous d’épaisses croûtes de glaces, des traces de molécules organiques retrouvées dans des météorites. Les scientifiques pointent leurs regards dans différentes directions, mais la quête d’eau demeure une piste privilégiée pour explorer la possibilité de trouver de la vie ailleurs.

Mars est un cas d’étude tout à fait fascinant. Depuis les années 1970, de nombreuses missions géologiques ont permis d’affirmer qu’il y a plus de 3,5 milliards d'années, la planète rouge présentait une atmosphère plus dense, avec un climat plus chaud et humide. On y trouvait de nombreuses rivières, des lacs, et probablement un vaste océan qui recouvrait alors une bonne partie de l’hémisphère nord de la planète, aujourd’hui aride et désertique. C’est du moins ce que l’on pensait jusque dans les années 2000. 

La mission Odyssey de la NASA détecte alors pour la première fois la présence de glace sur Mars. En 2011, l’étude d’images captées par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA, révélait alors la présence d’eau liquide salée ruisselant périodiquement le long des vertigineuses ravines de certaines régions de la planète rouge. La découverte de ces mystérieuses lignes sombres évanescentes, autrement qualifiées de « lignes de pente récurrentes », mais aussi de ces vastes étendues glacées au niveau des pôles, a bouleversé notre compréhension de Mars. L’eau est encore présente à sa surface. Cependant, aucune de ces découvertes n’a pour l’instant permis de détecter une quelconque forme de vie. 

mars

Autrefois, l'eau ruisselait à la surface de Mars, puis elle a disparu il y a des milliards d'années. Une nouvelle étude suggère qu'en plus de s'être évaporée dans l'espace, une grande partie de cette eau serait retenue dans les minéraux de la croûte martienne.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech

Or, fin 2024, deux scientifiques, Ikuo Katayama, spécialiste des systèmes planétaires à l’Université d’Hiroshima, et Yuya Akamatsu de l’Agence japonaise pour les sciences et technologies marines et terrestres, ont analysé des données sismiques particulièrement intrigantes, collectées dans le cadre de la mission InSight de la NASA. Elles pourraient bien marquer un tournant décisif dans la poursuite des recherches sur la planète rouge. 

 

DES ANOMALIES SISMIQUES DANS LA CROÛTE MARTIENNE 

La mission InSight (Interior Exploration using Seismic Investigations, Geodesy and Heat Transport), a atterri sur Mars le 26 novembre 2018 avec pour objectif d’étudier la structure géologique interne de la planète. Le sismomètre, dont est équipé l'atterrisseur, est capable d’utiliser les ondes sismiques générées naturellement par la planète, lors de tremblements de terre ou d’impacts de météorites par exemple, afin de scanner, à la manière d’un radar, l’intérieur de la planète. 

« Les ondes [obtenues par conversion de l’énergie produite lors de l’activité sismique, ndlr] se propagent dans toutes les directions, permettant d’obtenir un aperçu de ce qui se passe sous la croûte martienne », explique Ikuo Katayama. La vitesse de propagation de ces ondes de compression (ondes P) et de cisaillement (ondes S) fluctue en fonction du type de matériau rencontré, selon sa porosité, sa densité, et sa composition chimique. 

Katayama et Akamatsu ont ainsi observé des discontinuités sismiques dans la croûte martienne. Les brusques changements de vélocité dans la propagation des ondes, suggèrent la présence d’un élément inattendu à une certaine profondeur. « Sur Terre, la discontinuité sismique de Mohorovičić qui marque la transition entre le basalte de la croûte et la péridotite du manteau, est la plus célèbre », explique le scientifique. 

Trois couches d’anomalies, situées entre 10 et 20 km de profondeur ont été repérées dans la zone d’étude d’InSight. « Notons que la vitesse des ondes sismiques peut être influencée par des espaces interstitiels (ou pores) dans les roches : celles dont les pores sont remplis d’eau permettent une propagation des ondes beaucoup plus rapide que celles dont les pores sont remplis de gaz, » reprend-t-il. Les deux spécialistes suggèrent que ces discontinuités pourraient être causées par la présence d’eau liquide dans la croûte martienne. 

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    « Il est possible d’envisager la présence de fissures remplies d’eau à environ dix kilomètres de profondeur », reprend Katayama. Pour confirmer leur hypothèse, Katayama et Akamatsu ont alors tenté de reproduire l’anomalie observée, ici, sur Terre. 

    « Nous avons utilisé des échantillons de diabase de Rydaholm collectés en Suède, comme roche analogue à la croûte martienne, car sa composition chimique et sa microstructure ressemblent à celles des météorites martiennes, » explique le chercheur. En comparant les vitesses de propagation des ondes sismiques de la diabase dans un environnement sec, puis saturé en eau, ils ont obtenu des variations très marquées. « Nous avons constaté que la vitesse sismique varie fortement selon que les espaces interstitiels sont remplis de gaz ou d’eau liquide. » Cette réaction indique probablement la transition entre une fissure sèche et une fissure inondée, sans pour autant changer de type de roche. 

     

    DE POTENTIELLES FORMES DE VIE SOUTERRAINES SUR MARS 

    « La mission InSight ne dispose que d’un seul sismomètre, nuance Katayama. Donc la structure sismique obtenue correspond uniquement à la zone située sous le site d’atterrissage, dans l’ouest d’Elysium Planitia. Il pourrait s’agir d’une caractéristique locale, d’autant plus que le site doit être fortement fracturé, comme l’indiquent les cratères d’impacts de la région. » Si cette zone présente bien de l’eau liquide en profondeur, ce n’est pas nécessairement le cas partout sur Mars.

    Cependant, si cette hypothèse se confirme, il y a des chances pour que des formes de vie microbiennes aient pu s’y développer.

    « En raison de la faible pression atmosphérique et des basses températures, l’eau liquide n’est pas stable à la surface de Mars, fait remarquer Ikuo Katayama. Cependant, le modèle thermique de la croûte martienne indique que la température augmente avec la profondeur, atteignant 0°C à environ 10 km sous la surface. Cela permet à l’eau liquide de rester stable. »

    Katayama soutient que la vie pourrait avoir émergé il y a environ 4,5 à 3,7 milliards d'années, pendant l'ère du Noachien, la première des trois époques géologiques martiennes caractérisée par une intense activité volcanique. La planète rouge possédait alors alors une surface aqueuse dans certaines régions. 

    « Il est possible que certains microbes aient survécu dans le sous-sol grâce à de l’eau interstitielle résiduelle. »

    Comprendre : Mars

    Sur Terre, il existe une vie microbienne, bactérienne et unicellulaire riche, parfois dans des couches sédimentaires situées à des kilomètres sous la surface. Selon de nombreux géophysiciens du Deep Carbon Observatory, la vie profonde, aussi appelée « vie intraterrestre », représenterait une masse de 15 à 23 milliards de tonnes de carbone, soit 245 à 385 fois plus que la totalité de l'humanité actuelle. 

    À partir de ce constat, « si de l’eau liquide existe à l’intérieur de Mars, une vie microbienne pourrait encore y subsister », ajoute le chercheur. 

    Les similitudes troublantes entre Mars et notre planète fascinent et nous poussent à chercher encore et toujours des indices d’une vie passée ou présente, lesquels se trouveraient gravés dans la mémoire géologique de cette terre de rouille aux secrets endormis depuis des temps immémoriaux. 

    La vie, si elle devait se développer ailleurs que sur Terre, pourrait bien se trouver dans notre plus proche voisinage cosmique. Mais, à ce jour, le silence que nous rencontrons encore nous dit quelque chose d’essentiel : notre planète bleue occupe une place véritablement singulière dans l’univers. Un unique vaisseau de vie, dans un océan qui nous apparaît encore immensément silencieux. 

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