Des épées romaines vieilles de 2 000 ans retrouvées dans une grotte de la mer Morte

Les quatre épées, encore rangées dans leurs fourreaux de bois et de cuir, dateraient du 2e ou 3e siècle de notre ère. Elles ont été retrouvées dans un état de conservation remarquable.

De Kristin Romey
Photographies de Paolo Verzone
Publication 7 sept. 2023, 17:06 CEST
Un restaurateur ajuste une cale en mousse installée pour protéger le manche en fer d'une épée ...

Un restaurateur ajuste une cale en mousse installée pour protéger le manche en fer d'une épée romaine présentant un pommeau en forme d'anneau. Cette épée, courante dans les armées de l'Empire à la fin du 2e siècle de notre ère, est l'une des quatre épées antiques découvertes récemment par des archéologues dans une grotte près de la mer Morte, dans la réserve naturelle d'Ein Gedi, en Israël. Les épées sont actuellement entreposées dans des conditions climatiques contrôlées au Campus national d’archéologie Jay et Jeanie Schottenstein de l'Autorité des antiquités d’Israël, à Jérusalem.

PHOTOGRAPHIE DE Paolo Verzone

L’Autorité des antiquités d’Israël a annoncé ce mercredi la découverte, dans une grotte proche de la mer Morte, de quatre épées de l’époque romaine remarquablement bien conservées et encore rangées dans leurs fourreaux de bois et de cuir.

Ces armes anciennes étaient dissimulées derrière un mur de stalactites au fond d’une grotte du désert de Judée, au sud-est de Jérusalem, au 2e ou 3e siècle de notre ère, à une époque où la région était à la fois un champ de bataille pour les troupes romaines et un refuge pour les rebelles juifs.

Il est rare que les artefacts en métal ou en matériaux organiques, tels que le bois et le cuir, parviennent à des siècles, et encore moins à des millénaires, d’exposition aux éléments. Ce n’est que grâce au microclimat unique de cette « grotte des épées » que les lames de fer purent rester intactes aux côtés de leurs fourreaux, leurs gardes et leurs manches.

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L'une des trois épées spatha avec les restes de son fourreau en bois découverts dans la « grotte des épées ». La spatha était une longue épée romaine, conçue à l'origine pour la cavalerie et adoptée plus tard par les troupes d'infanterie lourde.

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Deux exemples d'épées romaines spatha découvertes dans la grotte ; chaque spatha est dotée d'un manche et d'une garde en bois, et certaines sont enveloppées de cuir ou de corde. Les lames en fer mesurent environ 60 centimètres de long.

Photographies de Paolo Verzone

« Elles comptent parmi les épées romaines avec fourreau les mieux conservées jamais découvertes ; elles sont peut-être même les mieux conservées tout court », affirme Simon James, archéologue à l’Université de Leicester et auteur de l’ouvrage Rome and the Sword: How Warriors and Weapons Shaped Roman History.

 

UNE ANCIENNE CACHETTE

La découverte a été faite au mois de juin dans la réserve naturelle d’Ein Gedi, en Israël, dont les grottes, qui parsèment les falaises le long de la vallée du Jourdain, servent d’abri depuis plus de 10 000 ans.

Des chercheurs de l’Université d’Ariel et de l’Université hébraïque visitaient une grotte dans le but de documenter une inscription ancienne observée sur une stalactite lorsqu’ils ont repéré la pointe en fer d’un pilum (un javelot romain) enfoncée dans les rochers, ainsi que des morceaux de bois travaillés. Ils ont alors signalé la découverte au projet d’étude du désert de Judée de l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI), qui est retourné sur le site avec un détecteur de métaux et est parvenu à localiser les quatre épées coincées derrière un écran de stalactites dans un niveau supérieur de la grotte jusqu’alors inexploré.

Depuis 2017, l’équipe d’enquête, avec l’aide de l’unité de prévention du pillage des antiquités de l’AAI, a étudié méthodiquement des centaines de grottes du désert de Judée à la recherche d’artefacts avant que ces derniers ne tombent entre les mains de pilleurs. Parmi les découvertes récentes figurent notamment un panier vieux de 10 000 ans ainsi que de nouveaux fragments de manuscrits de la mer Morte, qui n’avaient plus été découverts depuis plus d’un demi-siècle.

 

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    CONFLITS ET CHAOS

    National Geographic a collecté des images exclusives des épées quelques jours après leur découverte, à leur arrivée à Jérusalem dans les laboratoires de conservation du Campus national d’archéologie Jay et Jeanie Schottenstein de l’AAI. Les photographies révèlent les détails de la remarquable préservation de ces armes millénaires.

    Le manche en bois de cette épée spatha est recouvert de cuir. Les chercheurs espèrent déterminer l'origine du bois, du cuir, du métal et des autres matériaux qui composent les épées, ce qui permettrait de révéler des informations essentielles sur la méthode de fabrication des armes à l'époque dans l'Empire romain.

    PHOTOGRAPHIE DE Paolo Verzone

    Trois des quatre épées en fer semblent être des spathas, de longues épées plates à double tranchant utilisées par la cavalerie romaine et, plus tard, par les troupes d’infanterie. D’une longueur d’environ 60 cm, chacune de ces épées est munie d’un manche et d’une garde en bois, bien que de style et de qualité de fabrication différents. Les chercheurs estiment que ces armes datent au plus tôt de la fin du 1er ou du 2e siècle de notre ère.

    La quatrième épée, d’une longueur d'environ 46 cm, est dotée d’un pommeau métallique distinctif en forme d’anneau, un modèle que l’armée romaine reprit largement plus tard, au cours des 2e et 3e siècles de notre ère, en s’inspirant des armes de leurs ennemis étrangers.

    Si l’on en croit les dates estimées des épées, elles furent probablement cachées dans la grotte du désert de Judée au cours du 2e ou du 3e siècle, à une époque où les troupes romaines mettaient un terme sanglant à une série de soulèvements juifs et où l’empire entrait dans une période de chaos politique.

    Il est très probable que la dernière insurrection juive, connue sous le nom de révolte de Bar Kokhba, de 132 à 135 de notre ère, soit l’événement à l’origine de la dissimulation de ces armes, affirme Eitan Klein, directeur du projet d’étude du désert de Judée de l’AAI et directeur adjoint de l’unité de prévention du pillage des antiquités. Klein révèle également que des preuves indiquent que les rebelles et leurs familles utilisèrent bel et bien plusieurs grottes dans la région au cours de cette révolte. Une fouille ultérieure de la grotte des épées, dirigée par Klein, a permis de révéler des objets datant du début de l’âge du cuivre (4 000 à 3 000 avant notre ère), ainsi qu’une pièce de monnaie en bronze datant de la période de la révolte de Bar Kokhba.

    « Selon nous, il est probable que les armes aient été ramassées sur le champ de bataille ou volées dans les unités romaines… Il se pourrait même que des rebelles aient collecté les armes et les aient cachées dans l’objectif de les utiliser lors de la révolte », note Klein ; la cachette pourrait également être le fruit d’événements historiques ultérieurs, comme les batailles entre les prétendants au trône romain à la fin du 2e siècle ou la crise du 3e siècle, une période d’instabilité violente durant laquelle plus de vingt empereurs se succédèrent en seulement cinquante ans, entre 235 et 284.

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    Les épées dotées d'un pommeau en forme d'anneau étaient des armes populaires chez les ennemis de Rome avant d'être adoptées par l'armée de l'Empire au 2e siècle de notre ère. Les découvertes de la grotte des épées seront radiographiées et scannées pour aider à déterminer comment elles furent fabriquées.

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    Les épées, comme cette spatha dont la garde en bois est encore recouverte d'excréments d'animaux (très probablement des damans), ont été transportées au laboratoire de l'AAI à Jérusalem au moment de leur découverte. Les armes seront soigneusement nettoyées et examinées dans des conditions climatiques similaires à celles de la grotte dans laquelle elles ont été découvertes.

    Photographies de Paolo Verzone

    Cependant, les archéologues ne seront peut-être jamais en mesure d’expliquer complètement qui cacha les épées, et pourquoi elles furents cachées dans cette petite grotte du lointain désert de Judée. Des rebelles fuyant les forces romaines ? Des bandits utilisant la grotte comme un repaire ? Un soldat auxiliaire romain qui aurait déserté ?

    Les résultats de la datation au radiocarbone des épées sont attendus dans les prochaines semaines. Selon Klein, une chose est certaine : « De toute évidence, les personnes qui gardèrent ces armes ne revinrent jamais les chercher. »

     

    UNE PORTE VERS DE NOUVELLES DÉCOUVERTES

    La remarquable conservation des épées offre aux chercheurs une occasion sans précédent de mieux comprendre les capacités technologiques de l’époque.

    Une analyse du bois et du cuir peut par exemple indiquer si une épée fut fabriquée localement ou à l’étranger, explique Naama Sukenik, conservatrice de la collection de matériaux organiques du laboratoire de conservation de l’AAI. Les tomodensitogrammes et radiographies à venir révéleront les détails intérieurs relatifs à la construction des épées, et des analyses plus poussées pourront révéler la composition des lames de fer, qui semblent toutes en excellent état, détaille Helena Kupershmidt, qui supervise l’unité de conservation des métaux du laboratoire.

    Eitan Klein, directeur du projet d'étude du désert de Judée de l'AAI et directeur adjoint de l'unité de prévention du pillage des antiquités, examine la tête d'un pilum (javelot) en fer au Campus national d’archéologie Jay et Jeanie Schottenstein d'Israël, à Jérusalem.

    PHOTOGRAPHIE DE Paolo Verzone

    Les archéologues sont particulièrement intrigués par la possibilité d’étudier des armes romaines provenant de cette région, reprend James, qui a effectué des fouilles sur le site de Doura Europos, en Syrie. L’archéologue ajoute que la plupart des épées romaines les mieux conservées proviennent de sites d’Europe occidentale, tels que les marais danois et les champs de bataille britanniques. « Nous ne savons vraiment rien des techniques de fabrication des épées dans l’est de l’Empire romain », ajoute-t-il.

    Pour les chercheurs israéliens, la découverte de la grotte des épées n’est que le début d’une étude pluriannuelle qui visera à en révéler les mystères. « Nous commençons à peine les recherches sur la grotte et sur la cache d’armes qui y a été découverte ; notre objectif est de parvenir à savoir à qui appartenaient ces épées, et où, quand et par qui elles furent fabriquées », affirme Klein.

    Amir Ganor, directeur du Judean Desert Survey Project et de l’unité de prévention du pillage d’antiquités de l’AAI, estime que cette découverte rappelle les enjeux qui pèsent sur les sites archéologiques de la région. « Le désert de Judée ne cesse de nous surprendre. Après six ans d’études et de fouilles, nous découvrons encore de nouveaux trésors dans ses grottes… Je frémis quand je pense à toutes les connaissances historiques qui auraient été perdues si les pilleurs avaient trouvé les étonnants artefacts de cette grotte avant les archéologues. »

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    Denier en argent datant du règne de l'empereur romain Trajan (qui régna de 98 à 117), découvert dans l'une des grottes du désert de Judée étudiées par l'Autorité des antiquités d'Israël.

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    Ces pièces de monnaie romaines en bronze et en argent datant de la période des insurrections juives (66-136), trouvées par l'équipe d'experts de l'AAI, témoignent d'une activité humaine dans les grottes de la région à cette époque.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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