Chine : cette épave vieille de 800 ans a été gardée secrète pendant des décennies

En 1987, l'épave d'un bateau datant du 12e siècle a été découverte au fond de la mer de Chine méridionale : un véritable aperçu du commerce maritime chinois mis en place sous la dynastie des Song du Sud.

De Kexin Zhong
Publication 15 juin 2022, 16:10 CEST
The wreck

L'épave du Nanhai 1 illustrée sur le fond marin avant sa récupération.

PHOTOGRAPHIE DE Maritime Silk Road Museum Guangdong

En 1987, la société britannique Maritime Exploration recherchait une épave de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales dans la mer de Chine méridionale lorsqu’elle tomba sur quelque chose de plus étonnant : un navire marchand intact datant du 12e siècle. Avec la société chinoise Guangzhou Salvage, l’équipe tentait de localiser un navire appartenant à la société commerciale qui avait coulé au 18e siècle. Au lieu de cela, dans les eaux entre Hong Kong et l’île d’Hailing, dans la province du Guangdong, ils trouvèrent une jonque de 30 mètres de long datant de la période de la dynastie des Song du Sud, au 12e siècle.

En 1125, la dynastie Song perdit le contrôle du nord de la Chine. L’empereur se replia vers le sud et établit rapidement une nouvelle capitale à Lin’an. Connu sous le nom de Song du Sud, cet État survécut et prospéra.

Les forces ennemies au nord empêchaient les Song du Sud d’emprunter les routes terrestres du commerce de la soie qui reliaient l’Asie centrale et l’Europe. Cette artère avait constitué la base de l’économie des Song pendant des siècles, mais leur nouvelle situation au sud leur donna accès aux vastes voies maritimes qui traversaient la mer de Chine méridionale. Les Song du Sud se tournèrent vers la construction navale et cherchèrent à faire fortune sur l’eau.

À la fin du 12e siècle, un navire marchand Song chargé de marchandises partit en voyage mais coula peu après avoir quitté le port. Huit siècles plus tard, sa découverte offre désormais un aperçu fascinant du moment où la Chine se fixa pour objectif de devenir une grande puissance navale.

 

RÉCUPÉRER UNE ÉPAVE VIEILLE DE 800 ANS

Les plongeurs constatèrent que le navire englouti devait être au début de son voyage, car une énorme cargaison se trouvait encore dans la cale. L’épave fut baptisé le Nanhai 1 car il s’agissait du premier navire de ce type à être découvert dans le Nanhai, le nom chinois de la mer de Chine méridionale.

Une couche de limon de 2 mètres d’épaisseur avait préservé sa coque en bois et sa cargaison, notamment de la porcelaine, des pièces de monnaie de l’ère des Song et des lingots d’argent. L’équipe constata qu’il y avait beaucoup plus de marchandises à bord du navire, mais qu’il serait presque impossible de sonder l’épave dans les eaux limoneuses. En raison du manque d’investissements et de technologies appropriées, le Nanhai 1 resta au fond de la mer pendant vingt ans. Le site était surveillé par la marine chinoise, qui tenait les pêcheurs locaux à l’écart en leur faisant croire que des bombes de la Seconde Guerre mondiale se trouvaient dans la région.

Un plan pour remonter le Nanhai 1 fut élaboré en 2002, et mis en œuvre cinq ans plus tard. Ouverte au fond, une cage en acier de 3 000 tonnes fabriquée sur mesure fut abaissée au-dessus du site de l’épave. Des capteurs avaient été placés le long du plancher océanique afin que la boîte puisse être soigneusement guidée pour être mise en place sans endommager tous les précieux matériaux situés en dessous.

De lourds blocs de béton furent ensuite placés sur le dessus du caisson pour enfoncer ses côtés dans la vase et sous le fond de l’épave. Les plongeurs enfilèrent ensuite des poutres solides dans les trous des côtés du caisson, créant ainsi un fond à la cage. Une fois les blocs de béton retirés, l’énorme cage d’acier, qui contenait désormais le Nanhai 1 et les sédiments environnants, fut lentement remontée à la surface.

Ce collier en or a été trouvé peu après la découverte de 1987.

PHOTOGRAPHIE DE Maritime Silk Road Museum Guangdong

En décembre 2007, le Nanhai 1 et son précieux contenu (pesant au total 15 600 tonnes) furent transférés au Musée de la route maritime de la soie du Guangdong sur l’île d’Hailing, qui avait été spécialement construit pour accueillir l’épave. Le Nanhai 1 fut placé dans un réservoir d’eau salée fabriqué sur mesure. Une grande partie de la cargaison ne fut pas retirée de la cale de la jonque. Pour éviter toute détérioration, de la vase et de l’eau recouvrent l’embarcation et son contenu, et le réservoir est maintenu à la même température que les eaux dans lesquelles l’épave fut découverte. Dans ces conditions soigneusement contrôlées, les archéologues continuent de l’étudier.

 

LE COMMERCE MARITIME

Les archéologues récupérèrent des dizaines de milliers d’objets sur le Nanhai 1, dont 100 artéfacts en or et des milliers de pièces de monnaie. Cependant, la plupart des 60 000 à 80 000 objets trouvés dans l’épave sont des céramiques datant de l’époque des Song du Sud.

Les voies maritimes sur lesquelles s’appuyaient les Song du Sud sont connues des historiens sous le nom de Route maritime de la soie. Apparue à peu près à la même époque que l’essor de Rome en Occident, la route maritime de la soie reliait l’Indonésie et les îles Moluques, l’Inde, le monde arabe et le monde gréco-romain de la Méditerranée.

Il est probable que le Nanhai 1 ait pris la mer depuis le port de Canton (également connu sous le nom de Guangzhou) sur le Delta de la Rivière des Perles qui, avec Quanzhou et Xiamen, était l’un des principaux ports de la Chine du Sud.

Pour les historiens, le Nanhai 1 révèle le type d’objets qui étaient transportés par les flottes du 12e siècle. Son énorme stock de céramiques comprenait de la céramique noire Jian, étroitement associée à la période des Song, ainsi que du céladon vert Longquan, célèbre pour ses lotus et ses autres motifs floraux sculptés. Des objets en céladon furent retrouvés dans toute l’Asie du Sud-Est, ce qui laisse penser que c’est vers cette région que se dirigeait le Nanhai 1.

Des découvertes archéologiques montrèrent que la poterie en grès chinois de Cizao à glaçure brune était également très demandée en Asie du Sud-Est. Cependant, toutes les marchandises du Nanhai 1 ne sont pas considérées comme des articles de luxe. Sa porcelaine blanche de Fujian était produite en masse et vendue à des prix plus bas.

La cargaison contenait également environ 10 000 pièces de monnaie. Beaucoup portent des symboles liés au règne de Xiaozong, le onzième empereur Song qui régna des années 1160 à la fin des années 1180, et qui était un fervent partisan du commerce des océans.

Une découverte faite en 2018 permit de fixer la date à laquelle le voyage eut lieu. Une jarre en céramique parmi les marchandises de la cargaison portait une inscription à l’encre noire sur sa face inférieure indiquant une fabrication en 1183, plaçant ainsi le voyage au début des années 1180 ou après.

Le Nanhai 1, avec une grande partie de sa cargaison d'origine encore en place, est exposé dans un grand réservoir au Musée de la route maritime de la soie du Guangdong sur l'île d'Hailing, en Chine. Le navire et ses marchandises sont maintenus partiellement immergés dans de l'eau de mer et de la vase pour assurer leur conservation.

PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI

GLOIRES DU PASSÉ ET PROJETS D’AVENIR

Au-delà de son importance historique, le Nanhai 1 fut également un moyen pour le gouvernement chinois de projeter la vénérable histoire du pays en tant que puissance navale et commerciale. Sa découverte en 1987 eut lieu au moment où la guerre froide prenait fin et où la Chine commençait à jouer un nouveau rôle sur la scène mondiale. Lorsque le Nanhai 1 fut remonté du fond de la mer en 2007, l’importance économique mondiale de la Chine ne faisait plus aucun doute.

L’initiative « Belt and Road », un programme massif financé par la Chine et lancé en 2013 pour investir dans les infrastructures de dizaines de pays, est une actualisation consciente de la Route de la soie et de la Route maritime de la soie. Pour de nombreux Chinois, le Nanhai 1 reflète à la fois les gloires du passé commercial de la Chine et ses ambitieux projets pour l’avenir.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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