Comment Richard III, le roi disparu, s’est retrouvé sous un parking

C'est l'un des rois les plus connus. Richard III fut le dernier roi d’Angleterre à mourir au combat. Une tragédie shakespearienne porte son nom. Mais il aura fallu des siècles pour localiser les restes du dernier chef de la maison d’York.

De Erin Blakemore
Publication 3 avr. 2023, 16:36 CEST

Les historiens ont longtemps cru que la dépouille de Richard III avait été jetée dans une rivière à sa mort en 1485. Ses restes n’ont refait surface qu’en 2012 quand des archéologues ont exhumé ses restes sur un parking de Leicester, en Angleterre.

ILLUSTRATION DE Lebrecht History, Bridgeman Images

Que se passe-t-il lorsque vous associez un roi à la réputation despotique, une femme avec une obsession royale et… un parking ? Pour les réalisateurs du film The Lost King, tous les ingrédients étaient réunis pour faire fonctionner la magie du cinéma. Ce long métrage, qui retrace la découverte des restes du roi d’Angleterre Richard III sous un parking de Leicester en 2012, est inspiré de faits réels.

Comment le corps de ce roi a-t-il pu être mis au rebut et oublié pendant des siècles ? Et comment a-t-il été sauvé ? Retour sur la vie et la mort de Richard III, et sur les événements qui ont permis de le retrouver.

 

QUI ÉTAIT RICHARD III ?

La mort de Richard III, survenue en 1485 à l’âge de 32 ans lors de la bataille de Bosworth Field, le sursaut final de la Guerre des Deux-Roses, mit fin à l’hégémonie des Plantagenêt qui régnaient sur l’Angleterre depuis 300 ans. Il fut le dernier roi d’Angleterre à mourir au combat. Toutefois, on considéra pendant des siècles que la vie du monarque était plus intéressante que sa mort, en partie à cause du portrait de despote assoiffé de pouvoir qu’avait brossé William Shakespeare de ce roi maudit dans Richard III.

La mort de Richard III lors de la bataille de Bosworth Field telle qu’imaginée 405 ans plus tard dans une illustration de 1890. Henry VII lui mena une guerre au terme de laquelle il le tua et s’empara du trône pour devenir le premier monarque de la maison Tudor.

PHOTOGRAPHIE DE Painting via Look and Learn, Bridgeman Images

Richard était le frère du roi Édouard IV. À la mort de ce dernier en 1483, Richard destitua son successeur, Édouard V, qui, prétendait-il, était illégitime. Désormais roi d’Angleterre, Richard III fit emprisonner ses neveux Édouard V et Richard de Shrewsbury, respectivement âgés de 13 et 10 ans, dans la tour de Londres. Partout courait la rumeur qu’il les avait fait assassiner pour asseoir sa place sur le trône.

Richard dut bientôt faire face à une révolte menée par les partisans de son frère. Les membres de la maison Tudor firent front contre lui. La bataille de Bosworth Field signa la débâcle de Richard III, de la maison d’York (la famille de Richard) et la mort du roi.

 

UN MYSTÈRE ROYAL

Le roi fut tout d’abord enterré à Greyfriars Church, monastère de Leicester situé à 20 kilomètres environ de l’endroit où eut lieu la bataille. Les historiens crurent longtemps que lorsque cette confrérie avait été dissoute par Henry VIII dans le cadre des dissolutions de monastères opérées dans les années 1530, les restes du roi avaient été exhumés et jetés dans le Soar, une rivière voisine.

Pendant des siècles, la réputation de Richard III fut largement définie par la tragédie shakespearienne qui porte son nom. C’était sans compter sur les Ricardiens, un cénacle de férus d’Histoire déterminés à laver son honneur et à découvrir où le roi qu’ils révéraient était enterré.

L’archéologue Mathew Morris debout dans la tranchée où il a découvert des vestiges squelettiques lors de fouilles entreprises pour découvrir les restes du roi Richard III. Les Ricardiens, des personnes qui contestent la diabolisation posthume du roi, ont contribué au financement de ce projet.

PHOTOGRAPHIE DE Darren Staples, Reuters, Redux

 

À LA RECHERCHE DE RICHARD III

Entre Philippa Langley. Ricardienne dévouée travaillant à l’écriture d’un scénario sur le monarque maudit, Philippa Langley s’est rendue à Greyfriars Church en 2004. La section la plus septentrionale de cet ancien monastère était entre-temps devenue le parking d’un centre des services sociaux. Lorsqu’elle est entrée sur le parking, Philippa Langley a été prise d’une sensation étrange.

« J’ai tout simplement eu l’impression que je marchais sur la tombe de Richard III, confiait-elle au Guardian en 2013. Je ne me l’explique pas. » Un an plus tard, elle est retournée sur le parking et s’est aperçue qu’on avait peint la lettre R sur l’un des emplacements pour se garer. La lettre indiquait que la place était « réservée », mais elle y a vu un signe.

Philippa Langley s’est alors rapprochée d’archéologues de l’Université de Leicester et les a encouragés à organiser des fouilles le site. Elle n’était pas la première : selon la Richard III Society, d’autres personnes étaient déjà entrées en contact avec des élus de la ville de Leicester pour préconiser des fouilles. Mais entre-temps, en 2005, on avait découvert l’existence d’un descendant vivant de Richard III ; le projet était plus faisable que jamais. Si des restes venaient à être découverts, l’ADN de ce descendant pourraient théoriquement permettre de confirmer l’identité du roi.

Bien que sceptiques quant à la possibilité de découvrir Richard III lors de fouilles à Greyfriars, les archéologues de l’Université de Leicester étaient curieux d’en apprendre davantage sur ce monastère démantelé voilà bien longtemps. La volonté de Philippa Langley a également été déterminante. C’est en effet elle qui a recueilli la plupart des fonds pour que le projet voie le jour.

En février 2013, Jo Appleby, professeure d’archéologie à l’Université de Leicester, confirmait que les restes découverts à Leicester quelques mois auparavant étaient bien ceux de Richard III. Des spécialistes ont exploité des traces d’ADN, des analyses des sols et des tests dentaires pour identifier les restes.

PHOTOGRAPHIE DE ANDREW COWIE, AFP, Getty Images

Les fouilles ont démarré en août 2012 et, au bout de quelques heures à peine, les archéologues ont eu la certitude qu’ils allaient mettre au jour des restes humains. Étonnamment, Philippa Langley avait raison : un des squelettes retrouvés avait une colonne vertébrale courbée, un fait concordant avec la scoliose qu’on connaissait à Richard III. Celle-ci montrait en outre des signes de lésions subies au combat. Une enquête rigoureuse s’en est suivie et, en février 2013, l’équipe a formellement pu annoncer que l’on pouvait attribuer ce squelette presque complet à Richard III. Pour parachever cette découverte, un article a paru dans la revue Nature concluant à l’« irréfutabilité » des preuves indiquant que les ossements étaient bien ceux du roi controversé.

 

LE SECOND ENTERREMENT DE RICHARD III

En 2015, comme pour mettre un point final à l’histoire, on a de nouveau enterré le squelette de Richard III, cette fois-ci de l’autre côté de la rue, en la cathédrale de Leicester. Lors du service funèbre, on a d’ailleurs pu entendre l’acteur Benedict Cumberbatch lire un poème de Carol Ann Duffy, poète laurée du Royaume-Uni, et admirer un drap mortuaire commandé pour l’occasion à l’artiste textile Jacqui Binns ainsi qu’une couronne imaginée par John Ashdown-Hill, le chercheur qui a localisé la femme canadienne dont l’ADN a permis d’identifier le roi disparu.

Bien que le film ait gratifié Philippa Langley et l’équipe de fouilles d’un plus grand plébiscite encore, et bien que celui-ci se soit vu décerner plusieurs récompenses, l’histoire qu’il raconte a fait sourciller de nombreux archéologues. À la sortie du film The Lost King fin 2022, l’Université de Leicester a tenu une conférence de presse pour rectifier certaines « inexactitudes dans le film » ; et notamment le portrait qui est fait des archéologues de l’université, présentés comme des pessimistes qui auraient tout fait pour entraver l’action de Philippa Langley.

La représentation du projet dans le film « est très éloignée du travail minutieux qui a eu lieu », déplore un porte-parole de l’université. « Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Philippa Langley tout au long du projet, et l’Université ne l’a pas mise sur la touche. » Si l’université reconnaît que Philippa Langley a été « la force motrice positive à l’origine de la décision d’entreprendre des fouilles pour découvrir Richard III », elle dément l’affirmation selon laquelle celle-ci aurait été bridée par ses membres.

Quant à l’intéressée, elle maintient que « nous étions très peu à penser que c’était davantage qu’un rêve impossible et fou », un rêve qui a mené Ricardiens et archéologues d’un parking quelconque aux funérailles d’un roi. Désormais, l’ancienne demeure finale du « roi disparu » n’est plus un parking. Un bâtiment au sol en verre accueille aujourd’hui les visiteurs qui peuvent examiner cette ancienne tombe et contempler la saga pluriséculaire des restes de Richard III.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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