Le Louvre a une histoire mouvementée, ponctuée de plusieurs vols en plein jour
Le vol de la Joconde, en 1911, dont Pablo Picasso a été accusé, n’est que le plus célèbre d’une longue série de cambriolages ayant eu lieu au musée du Louvre.

Attroupement autour de la Joconde, à Paris, trois ans après qu’elle a été volée au Louvre par Vincenzo Peruggia en 1911. Il s’agit de l’un des plus célèbres cambriolages de l’histoire du musée.
Sept minutes, voilà tout ce qu’il aura fallu à un groupe de cambrioleurs pour commettre l’une des plus outrageantes atteintes à des biens culturels de ces dernières années : le vol en plein jour d’une partie des joyaux de la Couronne de France au musée du Louvre, le matin du 19 octobre.
Le cambriolage, survenu alors que le musée venait d’ouvrir ses portes au public, a visé plusieurs joyaux royaux et impériaux, dont une parure et des boucles d’oreilles serties d’émeraudes que Napoléon avait offertes à sa seconde épouse, Marie-Louise, à l’occasion de leur mariage. Au lendemain de ce casse spectaculaire, les interrogations fusent : comment des hommes masqués ont-ils pu se jouer de la sécurité et faire main basse sur des objets d’art à la valeur inestimable dans le plus grand musée du monde ?
C’est n’est pourtant pas une première. Le musée traîne une longue histoire d’effractions stupéfiantes et d’affaires de vols non résolues, et ce bien qu’il ait précisément été fondé pour protéger le patrimoine culturel du pays dans le sillage d’une révolution sanglante.


Une experte de la police scientifique examine la fenêtre fracturée et le balcon d’une galerie du Louvre, théâtre d’un cambriolage quelques heures plus tôt, le 19 octobre 2025.
Monte-charge utilisé par les cambrioleurs pour voler les joyaux de la Couronne, au Louvre, le 19 octobre 2025.
Bien que le palais du Louvre ait été construit au 13e siècle, le musée fut créé pendant la Révolution française, époque marquée par un enthousiasme certain pour les musées et les systèmes politiques égalitaires. En 1792, des insurgés prirent d’assaut les résidences royales de Louis XVI et de Marie-Antoinette et proclamèrent la République. Du jour au lendemain, la collection d’art de la monarchie tout entière devint la propriété du nouvel État tout en étant menacée par des pillards désireux de s’emparer des moindres vestiges de la monarchie française ou de les détruire.
Le musée du Louvre devait protéger les biens de l’État au milieu du chaos révolutionnaire tout en exposant les trésors les plus précieux d’une France désormais démocratique.
Mais ces témoins culturels attirent depuis bien longtemps la convoitise d’aspirants brigands et au fil des années, la liste des problèmes de sécurité et de vols au musée du Louvre n’a cessé de s’allonger.
Voici l’histoire des crimes les plus audacieux commis au musée du Louvre au cours du siècle dernier, la plupart du temps en plein jour.

La galerie d’Apollon, au Louvre, où les joyaux ont été dérobés.


Les voleurs seraient repartis avec des saphirs dimanche.
Les cambrioleurs ont également volé ce collier serti d’émeraudes et de diamants que Napoléon offrit à Marie-Louise à l’occasion de leur mariage.
1911 : LA JOCONDE S’ÉCLIPSE
Le spectaculaire enlèvement de Mona Lisa, qui n’était pas encore une célébrité, eut lieu le matin du 21 août 1911. Ce lundi-là, jour de fermeture du musée, Vincenzo Peruggia, immigré Italien que l’on avait brièvement affecté à la fabrication de cadres et de vitrines du musée, revêtit son ancien uniforme de travail et pénétra dans le Louvre sans éveiller le moindre soupçon.
En ce temps, le tableau était accroché sur un mur du Salon Carré et il était courant que l’on retire temporairement une œuvre pour des raisons de conservation ou pour en prendre des photographies. Ainsi, il fallut plus de vingt-quatre heures pour que l’on remarque la disparition du tableau que Vincenzo Peruggia avait exfiltré sous sa blouse.
Le méfait ne fut découvert que lorsqu’un riche mécène se présenta au Salon Carré pour examiner une œuvre de la galerie. Il ne restait de la Joconde que les crochets qui avaient servi à fixer sa vitrine spéciale, que Vincenzo Peruggia avait presque certainement construite lui-même.

Cette reconstitution montre comment Vincenzo Peruggia perpétra ce que l’on décrivit comme le plus grand vol d’œuvre du 20e siècle. Cet ancien employé du Louvre entra dans le musée et, remarquant que la salle abritant la Joconde n’était ni gardée, ni visitée, ôta le tableau de ses crochets, le retira de son cadre et ressortit du musée en le cachant sous sa blouse.
La chasse à l’homme qui s’ensuivit fut d’une ampleur extraordinaire et « fantastiquement infructueuse », pour reprendre les mots employés par l’historien Aaron Freundschuh dans article publié en 2006 dans la revue universitaire Urban Journal.
L’un des rebondissements les plus étranges de l’enquête impliqua un jeune Pablo Picasso, que l’on interrogea brièvement à propos du vol. Bien qu’il n’eût pas dérobé la Joconde, on apprit qu’il était tout de même lié à un précédent vol commis au Louvre : il avait acheté une paire de têtes de statues ibériques antiques soustraites au musée quelques années auparavant ; il les remit à la police de crainte d’être poursuivi dans l’affaire de la Joconde.
On ne retrouva Mona Lisa qu’en 1913 alors que Vincenzo Peruggia tentait de la vendre à un autre musée. Il s’avéra que le cambrioleur avait tout ce temps caché l’œuvre dans son appartement parisien. Durant son procès, Vincenzo Peruggia soutint qu’il avait volé le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci par patriotisme en vue de le restituer à l’Italie ; le tableau avait en fait été achevé en France et acquis en 1518 par François Ier. Entre-temps, le vol avait conféré à l’œuvre une notoriété nouvelle et fait de Mona Lisa un nom connu de tous.
LES NAZIS TENTENT DE PILLER LE LOUVRE
L’occupation de la France par les Allemands en 1940 fit craindre une perte culturelle sans précédent : une partie de la collection du Louvre risquait d’être pillée par les nazis.
Mais le directeur du Louvre avait un plan : avant que Paris ne tombe aux mains de l’occupant, Jacques Jaujard sauva le plus clair de la collection du musée en faisant transporter à la campagne plus de 1 800 caisses en bois contenant des trésors artistiques. La plupart des œuvres du musée furent mises en lieu sûr et sortirent indemnes de la guerre. Lorsque les nazis marchèrent sur Paris en 1940, ils découvrirent un musée presque vide.
Toutefois, certains dignitaires nazis s’emparèrent bel et bien de plusieurs chefs-d’œuvre du musée, comme L’Immaculée Conception de Bartolomé Esteban Murillo, donnée à l’Espagne fasciste en 1941 dans le cadre d’un échange.
Ils pillèrent également de nombreuses œuvres appartenant à des citoyens français qu’ils exposèrent dans le Louvre vide.

Le maréchal nazi Gerd von Rundstedt et le conservateur Alfred Merlin se tiennent devant la Vénus de Milo à l’occasion d’une visite du musée en 1940. Bien que les nazis aient mis la main sur certains chefs-d’œuvre du musée, plus de 1 800 caisses en bois contenant des œuvres précieuses furent exfiltrées et mises à l’abri avant l’occupation nazie.
SÉRIE DE VOLS D’ŒUVRES EN PLEIN JOUR
Les problèmes de sécurité continuèrent à tourmenter le musée après sa réouverture à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 1966, on déroba des bijoux antiques alors qu’ils revenaient en France après avoir été prêtés à un musée de Virginie. On finit par les retrouver dans un sac de courses à New York.
En janvier 1976, des cambrioleurs dérobèrent un tableau flamand dans le musée et, en décembre de la même année, des hommes masqués repartirent avec une épée ornée de bijoux ayant appartenu au roi Charles X en accédant au musée par le deuxième étage grâce à un échafaudage. L’épée n’a à ce jour pas été retrouvée.
Une autre série de cambriolages eut lieu un peu plus de dix ans plus tard. En 1990, des voleurs y raflèrent un Renoir, découpé dans son cadre en plein jour, ainsi que douze parures romaines et quelques autres peintures. Cinq ans plus tard, deux objets furent volés en l’espace d’une semaine. Et en 1998, un Corot, à ce jour introuvable, se volatilisa après avoir été découpé dans son cadre.
Depuis lors, le musée a tenté de renforcer sa sécurité face aux critiques récurrentes et a même récemment eu un audit de sécurité, selon Reuters.
Ces bijoux inestimables seront-ils jamais rétrouvés ? Selon l’Associated Press, un seul de ces objets a pour l’instant été retrouvé : un diadème étincelant tout en émeraudes et diamants, mais brisé, offert par Napoléon à son épouse Eugénie. Le sort des autres œuvres, parmi lesquelles des joyaux portés par plusieurs reines et impératrices françaises, demeure incertain.
Cependant, même si on ne les retrouve pas tout de suite, l’histoire montre que l’on peut raisonnablement espérer qu’ils réintègrent le musée un jour : en 2021, une armure italienne de la Renaissance volée en 1983 a été retrouvée dans une collection familiale privée dans l’ouest de la France.
En attendant, la longue histoire du Louvre et de ses audacieux dévaliseurs et autres monte-en-l’air semble destinée à se poursuivre, ainsi que le débat sur la protection des trésors nationaux français.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
