George III, le dernier roi d’Amérique

Dans le récit fondateur américain, le monarque britannique est dépeint comme l’antagoniste principal, mais quel rôle a-t-il vraiment joué dans la Révolution américaine ?

De Parissa DJangi
Publication 4 juil. 2023, 14:57 CEST

Le monarque britannique George III hérita du trône en 1760, juste à temps pour voir les tensions croissantes au sein des colonies américaines conduire à une révolution qui remodela son empire et le monde.

PHOTOGRAPHIE DE Bird, Edward, Bristol Museums, Galleries & Archives, Civic painting, Bridgeman Images

Le 4 juillet 1776, le Congrès continental adopta la Déclaration d’indépendance. Le document proclamait non seulement la souveraineté des États-Unis, mais faisait du roi George III l’antagoniste principal du récit fondateur américain.

À la tête d’une monarchie constitutionnelle, George III ne fut pas à l’origine des mesures qui donnèrent lieu à des conflits dans les colonies ; c’était là le travail du Parlement. Alors pourquoi la Déclaration d’indépendance vouait-elle ainsi le roi aux gémonies ? Et quel rôle joua-t-il dans la Révolution américaine ?

Bien que le roi n’ait pas en personne tiré « le coup de feu qu’on entendit dans le monde entier », selon l’expression consacrée, il n’en contribua pas moins à la survenue de la guerre d’Indépendance. 

 

À LA TÊTE D'UN EMPIRE

En 1760, en héritant du trône de son grand-père, le roi George III, alors âgé de 22 ans, hérita également d’un empire qui s’étendait de l’Amérique du Nord à l’Asie. George ne se considérait pas strictement comme chef d’État. Ses sujets, qu’ils se trouvent à York ou à New York, étaient, croyait-il, ses enfants et étaient liés à lui par l’obéissance et l’affection qu’ils lui vouaient.

George III avait beau, en tant que roi d’une monarchie constitutionnelle, n’être investi que de peu de prérogatives législatives, il s’impliquait néanmoins dans les affaires politiques et comprenait qu’il était de son devoir de donner son assentiment royal aux lois votées par le Parlement.

Ce tableau de William Walcutt peint en 1857 représente des colons américains faisant tomber une statue de George III à New York durant la guerre d’Indépendance.

PHOTOGRAPHIE DE Bettmann, Getty Images

George III se consacra également à son rôle de pater familias de la Grande-Bretagne. Dans les affaires familiales comme dans les affaires nationales, ordre, devoir et intégrité étaient ses maîtres mots. Dans le monde de George III, un roi avait le devoir de s’ériger en exemple de vertu vis-à-vis de ses sujets. Ces derniers avaient quant à eux le devoir d’obéir.

Que pensaient les sujets de George III de leur roi ? Tout au long des années 1760, les colons d’Amérique du Nord épousèrent sa cause. Même Benjamin Franklin, futur Père fondateur des États-Unis, débordait de fierté monarchique lorsqu’il assista au couronnement de George III en 1761. Deux ans plus tard, Benjamin Franklin louerait même le jeune roi pour « sa vertu et ses intentions délibérées et sincères de rendre son peuple heureux ».

 

DES TENSIONS CROISSANTES

Alors même que George III fantasmait la stabilité d’une famille impériale bien rangée, le paysage politique britannique s’agitait, et le fossé entre colons d’Amérique du Nord et membres du Parlement à Londres se creusait.

Le règne de George III avait débuté en pleine guerre de Sept Ans, conflit qui opposa le royaume britannique à la France et à ses alliés. À la fin de la guerre, en 1763, la Grande-Bretagne était plus forte d’un empire nouvellement agrandi et ses territoires nord-américains s’étendaient jusqu’aux rives du Mississippi.

Mais cette expansion fut obtenue au prix fort. La Grande-Bretagne avait accumulé une importante dette de guerre. Pour la compenser, le Parlement assujettit les colonies américaines à une kyrielle d’impôts. Son raisonnement était le suivant : puisque des troupes britanniques devaient être stationnées sur le sol américain, les colons devaient en assumer les frais.

Ces impôts indignèrent les colons qui dirigèrent initialement leur colère vers les politiciens qui les gouvernaient et non vers le roi qui régnaient sur eux. Comment des membres du Parlement, des hommes vivant de l’autre côté de l’océan, osaient-ils les assujettir à de nouveaux impôts sans leur consentement ?

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    Illustration de William Charles montrant le roi George III le nez en sang après s’être vu asséner un coup de poing par le président des États-Unis James Madison durant la guerre anglo-américaine de 1812. Les Américains ne se privèrent pas de caricaturer « John Bull », personnage typiquement anglais, pour se moquer de leur ancien roi.

    PHOTOGRAPHIE DE MPI , Getty Images

    En mai 1773, le Parlement aggrava les choses en votant le Tea Act qui, selon les griefs des colons, donnait à la Compagnie britannique des Indes orientales un avantage concurrentiel considérable sur le marché du thé. En décembre de cette année-là, bien décidés à prendre les choses en main, des révolutionnaires prirent d’assaut le port de Boston, se hissèrent sur des navires marchands britanniques et jetèrent le thé qu’ils transportaient à la mer.

     

    UNE MAIN DE FER

    La nouvelle de la Boston Tea Party, un acte de chahut et d’insubordination, scandalisa George III. Ferme dans sa foi en l’autorité du Parlement et en son rôle de père impérial, il appuya d’une main de fer la réaction des législateurs à l’encontre des colons. Début 1774, quand le Parlement fit voter quatre lois sapant la capacité du Massachussetts à se gouverner lui-même, il les approuva.

    Les colons affublèrent ces nouvelles lois d’un sobriquet : les « Lois intolérables » (« Intolerable Acts »). Même si ces dernières ciblaient le Massachussetts, théâtre de la Boston Tea Party, les colons de toute l’Amérique du Nord s’unirent dans leur indignation. Quels droits le Parlement britannique allait-il leur retirer ensuite ?

    Les tensions s’aggravant, la plupart des colonies américaines envoyèrent des délégués au Congrès continental en septembre 1774 afin de riposter face aux « restrictions tyranniques » du Parlement, ainsi qu’ils les nommaient. 

    Dans leur pétition, les délégués en appelèrent à l’aide de George III. « Nous, sujets fidèles de votre majesté, [vous supplions] de porter nos doléances devant le trône », peut-on y lire. Les délégués comparèrent les Lois intolérables à « une relégation à un état de servitude » et exprimèrent leurs doléances parce que « le silence aurait été déloyal ».

    George III se rangea du côté du Parlement.

     

    LE FEU AUX POUDRES

    Par une matinée fraîche et humide d’avril 1775, les tensions entre les sujets américains et la Couronne dégénérèrent lorsque des miliciens coloniaux et des soldats britanniques s’affrontèrent à Lexington et à Concord, des villages situés non loin de Boston. La guerre d’Indépendance venait d’éclater.

    George III vit dans ce conflit une aubaine. « Je ne puis m’empêcher de penser qu’avec fermeté et persévérance, l’Amérique se soumettra », confia-t-il à Lord Dartmouth, son Secrétaire d’État aux Colonies. « L’Angleterre […] saura faire regretter à ces enfants rebelles l’heure où ils cessèrent d’obéir », lui assura-t-il.

    La Proclamation royale de 1763 du roi George III officialisa la domination coloniale sur les anciennes possessions françaises et espagnoles en Amérique du Nord après la guerre de Sept Ans, et interdit aux colons de s’installer sur ces terres peuplées par les Amérindiens. Cette proclamation marqua un tournant dans l’attitude des colons américains à l’égard du gouvernement britannique, et ouvrit la voie à la révolution qui devait éclater.

    PHOTOGRAPHIE DE Gilder Lehrman Institute of American History, Bridgeman Images

    Le Congrès continental fit parvenir une ultime pétition à George en juillet 1775. Refusant de la recevoir, ce dernier fit à la place publier une proclamation royale qualifiant cette guerre de « rébellion » et condamnant les révolutionnaires qui avaient « en traîtres, conspiré et levé des troupes pour Nous faire la Guerre ».

    La dernière once de loyauté que les colons pouvaient avoir pour leur roi, s’il en restait la moindre, venait de se dissiper. Son hostilité intransigeante à l’égard des révolutionnaires inspira cette remarque à Thomas Paine en 1776 : « Même les brutes ne dévorent pas leurs enfants, ni les sauvages ne font la guerre à leur propre famille ». 

    La famille impériale de George III était brisée ; la séparation était brutale et irréversible.

     

    LE DERNIER ROI D’AMÉRIQUE

    Pour le Congrès continental, George III n’était plus roi d’Amérique. La Déclaration d’indépendance énumère d’ailleurs vingt-sept griefs contre George III et le qualifie de « Tyran […] impropre à gouverner un peuple libre ».

    George III ne reprit jamais le contrôle sur les colonies américaines. Ses anciens sujets brûlèrent son effigie et déboulonnèrent sa statue à New York.

    En 1785, deux ans après que les dernières fumées de la guerre d’Indépendance se furent dissipées, George III reçut le nouvel ambassadeur des États-Unis d’Amérique : John Adams, un de ses anciens sujets. John Adams affirma plus tard que George lui avait dévoilé le raisonnement qui avait sous-tendu ses actes dans les années qui avaient mené à la guerre : « Je n’ai rien fait lors du récent Conflit sinon ce que le Devoir que j’ai envers mon Peuple voue indispensablement ma Personne à faire. »

    Le devoir de George III de préserver l’empire, de se tenir aux côtés du Parlement et de rétablir l’ordre au sein de la famille impériale conduisit fatalement à une rupture qui fit de George III le dernier roi d’Amérique.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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