Voici pourquoi les États-Unis n’utilisent toujours pas le système métrique

À travers le monde, seulement trois pays utilisent encore le système d'unités impériales. Comment expliquer cette réticence face à la transition vers le système métrique ?

De Erin Blakemore
Publication 7 août 2025, 15:05 CEST
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Un garde forestier photographie un thermomètre dans le parc national de la Vallée de la mort, en Californie, en 2021. Le système métrique a été officiellement déclaré système de mesure préféré des États-Unis en 1975, mais le public américain a du mal à l'adopter.

PHOTOGRAPHIE DE Roger Kisby, Redux

Le Liberia, la Birmanie et les États-Unis partagent un point commun : les trois pays continuent d’utiliser le système de mesure impérial, soit les pieds, les livres et les miles, plutôt que les mètres, les grammes et les kilomètres, qui sont devenus la norme dans le reste du monde.

Cependant, la vérité est plus compliquée qu’il n’y paraît : en effet, si les unités impériales sont bel et bien les mesures les plus couramment utilisées aux États-Unis, officiellement, le système métrique est considéré le système de mesure préféré du pays.

Voici comment le système métrique a évolué et pourquoi il peine encore à s’imposer dans la vie quotidienne des Américains.

 

CACHÉ À LA VUE DE TOUS

« L’utilisation du système métrique est légale aux États-Unis depuis 1866 », explique Elizabeth Benham, responsable du programme métrique fédéral à l’Institut national des normes et de la technologie, l’organisme fédéral chargé des poids et mesures standard.

Depuis les années 1970, le système métrique, également connu sous le nom de système international d’unités (SI), est officiellement reconnu par le gouvernement des États-Unis comme le système de mesure de référence pour les échanges et le commerce. Cependant, le pays ayant opté pour une approche volontaire, en choisissant en effet d’encourager plutôt que d’imposer son utilisation auprès des industries et des particuliers, son adoption s’avère bien plus lente que dans le reste du monde.

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Un panneau de signalisation au Québec, photographié en 1970 près de la frontière américaine, indique « PENSEZ MÉTRIQUE, 1 mile = 1,6 kilomètre ». Ce panneau rappelle aux voyageurs américains que les mesures métriques sont utilisées au Canada.

PHOTOGRAPHIE DE Owen Franken, Corbis, Getty Images

 

LES ORIGINES CHAOTIQUES DU MÈTRE

L’histoire souvent chaotique du système métrique, dont les origines remontent à la Révolution française, illustre le défi que représente son adoption globale. En effet, jusqu’à la fin du 18e siècle, la France comptait à elle seule près de 250 000 unités de mesure différentes, tandis qu’ailleurs dans le monde, chaque nation, et parfois même chaque région, utilisait ses propres systèmes pour quantifier le monde qui l’entourait. Cette situation représentait un véritable cauchemar pour les scientifiques des Lumières, qui rêvaient de créer un système universel basé sur une constante fixe et invariable.

Chargée de définir un nouveau système, l’Académie des sciences décida que la nouvelle mesure de base correspondrait à la longueur d’un dix-millionième de la distance entre le pôle Nord et l’équateur, mesurée à partir de Paris. Cette mesure, baptisée le « mètre » et rigoureusement établie par un groupe d’éminents scientifiques, devint la pierre angulaire de toutes les unités métriques de masse et de mesure qui suivirent. Même les mesures de volume en furent dérivées : ainsi, 1 millilitre équivaut par exemple à 1 centimètre cube d’eau.

 

UNE LENTE TRANSITION

Si l’État français adopta rapidement le nouveau système, le grand public mit bien plus de temps à s’y habituer. La mise en œuvre prit du retard, alors même que le système métrique suscitait l’enthousiasme des scientifiques du monde entier, qui s’en servaient désormais pour définir des notions comme l’électricité ou le magnétisme. Peu à peu, l’idée commença à se répandre, et en 1866, les États-Unis adoptèrent une loi autorisant l’usage des unités métriques dans les échanges commerciaux.

Le système métrique se diffusa lentement à travers le pays, d’abord grâce à la distribution de mètres-étalons aux États afin de les aider à normaliser leurs poids et mesures, puis grâce à la convention du Mètre, un accord signé en 1875 par de nombreuses puissances comme les États-Unis, l’Allemagne, la Russie et la France. Ce traité donna naissance à un organisme international chargé de la réglementation des poids et mesures, ouvrant ainsi la voie à une adoption plus large du système métrique par les États-Unis.

Pourtant, alors que les scientifiques poursuivaient leur travail d’amélioration et élargissaient son usage à de nouveaux domaines, l’adoption du système métrique continua à traîner dans le pays. En 1960, le système métrique fut étendu et modernisé afin de recouvrir un plus grand nombre d’unités fondamentales de notre planète, de la tension à la vitesse, en passant par la capacité thermique au rayonnement. Cette année-là, le système métrique prit le nom de Système international d’unités (SI), et fut défini et adopté officiellement à l’échelle mondiale.

La majorité des pays suivirent le mouvement, mettant en place des réformes concrètes : panneaux routiers, emballages, programmes scolaires, tout fut progressivement converti au système métrique. Même le Royaume-Uni, longtemps à la traîne, finit par s’aligner sur ses voisins européens. (À noter toutefois que, depuis le Brexit, certains opposants réclament un retour aux unités impériales, une proposition controversée encore non adoptée à ce jour.)

Aux États-Unis, malgré une politique fédérale encourageant l’usage du système métrique, la transition resta laborieuse. Cette résistance au changement fut alimentée en partie par des industriels craignant la complexité et le coût de la conversion, par des législateurs méfiants vis-à-vis d’une influence jugée « étrangère », et par les débats persistants sur l’impact potentiel d’une adoption fédérale sur les droits individuels des États.

Résultat : une confusion généralisée relative aux unités métriques. En 1975, le Metric Conversion Act désigna officiellement le SI comme système de mesure privilégié du pays : pourtant, même les agences fédérales tardèrent à l’adopter dans des domaines comme l’industrie, l’éducation, le commerce et la vie quotidienne. L’exemple de la signalisation routière est particulièrement parlant : après l’adoption de la loi, les autorités fédérales tentèrent de faire d’une nouvelle autoroute en Arizona une vitrine du système métrique, en y installant des bornes en kilomètres plutôt qu’en miles. Cette expérimentation resta cependant isolée, et le reste du réseau conserva les panneaux en unités impériales.

Aujourd’hui encore, les deux systèmes coexistent largement aux États-Unis. « Nous évoluons dans un environnement de mesure hybride, ce qui n’est pas sans risque », note-t-elle. Il n’est pas rare de voir des doubles signalisations, et les mesures métriques sont parfois reléguées au second plan sur les règles graduées, les panneaux ou les outils, ce qui peut provoquer des erreurs coûteuses et désorienter le public.

« Les grandes organisations, qui disposaient des ressources et du personnel technique nécessaires, ont rapidement saisi l’intérêt stratégique du système métrique », explique Benham. « Elles ont adopté les meilleures pratiques et sont allées de l’avant. » En revanche, les petites entreprises et les particuliers ont encore besoin d’un accompagnement, tout comme les enseignants qui forment les générations futures qui, elles, n’auront toujours connu que le système métrique.

 

PASSER AU SYSTÈME MÉTRIQUE

Benham reste convaincue qu’une transition volontaire vers le système métrique est possible aux États-Unis, et encourage les individus à prêter attention aux mesures métriques déjà présentes dans leur quotidien. « Je compare ça à un iceberg », dit-elle : si les unités impériales dominent en surface, de nombreux secteurs utilisent en réalité les mesures métriques en coulisses — que ce soit sur les étiquettes alimentaires, les compteurs de vitesse ou encore les thermomètres.

En fin de compte, selon l'experte, un véritable basculement ne pourra se faire que lorsque les individus choisiront d’eux-mêmes d’adopter le système métrique dans leur vie de tous les jours. C’est pourquoi Benham mise sur l’éducation dans son travail et applique elle-même ces principes au quotidien : elle a par exemple paramétré son téléphone pour mesurer les distances en kilomètres plutôt qu’en miles, et utilise les degrés Celsius au lieu des Fahrenheit.

« La technologie est là. Le changement viendra. Il est simplement plus lent que s’il était imposé. »

Pour les lecteurs américains curieux de réaliser la transition, Benham recommande de jeter un coup d’œil aux outils virtuels de l’Institut national américain des normes et de la technologie (NIST), qui proposent des conseils sur l’intégration des mesures métriques dans tous les domaines, de la cuisine au jardinage, en passant par la santé. « Une fois que vous avez surmonté l’obstacle d’apprendre un nombre plus important d’unités différentes, c’est facile », explique-t-elle.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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