Elizabeth II : l'extraordinaire destin de celle que rien ne destinait à devenir reine

C’est à la faveur d’une série d’accidents de l’Histoire que la princesse Élizabeth, qui n’était que cinquième dans l’ordre de succession, devint la monarque la plus influente du monde.

De Erin Blakemore
Publication 9 sept. 2022, 18:00 CEST
Crowned Monarchs

Si rien ne prédestinait Élizabeth Alexandra Mary Windsor à devenir reine, son règne fut plus long que celui de tout autre monarque britannique. Ici, la princesse Élizabeth (au centre) et la famille royale saluent la foule après le couronnement de son père, le roi Georges VI, en mai 1937.

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Le décès de la reine Elizabeth II, survenu ce jeudi 8 septembre 2022, a mis fin au plus long règne qu’ait connu la monarchie britannique. Bien qu’elle fût issue d’une lignée royale, rien ne prédestinait Elizabeth Alexandra Mary Windsor à devenir reine, sinon les aléas de l’Histoire qui placèrent le trône de la monarchie la plus célèbre du monde sur son chemin.

 

GÉNÉALOGIE DE LA FAMILLE ROYALE

La reine Victoria régna pendant près de 64 ans sur l’Empire britannique. Il s’agissait du règne le plus long avant que son arrière-arrière-petite-fille Elizabeth II ne la dépasse en septembre 2015. La reine Elizabeth est morte après soixante-dix ans de règne.

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La reine Victoria, arrière-arrière-grand-mère d’Elizabeth II, régna sur l’Empire britannique durant 64 années, soit plus longtemps que tout autre monarque britannique avant elle. Victoria elle-même n’était pas première dans l’ordre de succession mais cinquième. Avant qu’une série de décès ne l’asseyent sur le trône à l’âge de 18 ans seulement.

Édouard VII, fils aîné de la reine Victoria et héritier désigné de longue date, dut attendre la fin du long règne de sa mère pour être couronné. Il avait alors 59 ans. Il ne régna que neuf années avant que la mort ne l’emporte. Son fils aîné, le prince Victor Albert, étant décédé à 28 ans seulement, c’est son fils cadet, Georges, qui monta sur le trône.

Georges V connut un règne de 25 années et, à sa mort, en 1936, Édouard VIII, oncle d’Elizabeth II, prit sa suite. Mais celui-ci, épris de Wallis Simpson, mondaine américaine deux fois divorcée, dut se résoudre à abdiquer.

 

LA MONARCHIE SOUDAIN À PORTÉE DE MAIN

Une crise constitutionnelle s’ensuivit et, de nouveau, la succession se déporta sur une autre branche de la famille royale. Si Édouard VIII avait eu des enfants, l’un d’eux aurait pu le remplacer. Mais en l’absence d’héritier direct, c’est Georges VI, frère du roi en disgrâce, qui monta sur le trône, non sans réticences.

La princesse Elizabeth (à gauche), future reine Elizabeth II, sur son tricycle dans un parc londonien vers 1935.

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Le système de primogéniture masculine alors en vigueur voulait que les héritiers masculins aient le pas sur les héritières potentielles (une tradition supprimée en 2013). Mais Georges VI n’avait pas de fils. C’est donc son aînée, la princesse Elizabeth, qui prit la première place dans l’ordre de succession.

Au moment de l’abdication, Elizabeth n’avait que dix ans. Elle avait grandi à Londres ainsi que dans la campagne voisine. Bien que son domicile londonien situé à l’orée de Hyde Park fût élégant et spacieux, il ne bénéficiait d’aucune sécurité digne de ce nom. La princesse fut scolarisée à domicile avec sa sœur cadette Margaret et bénéficia de l’enseignement d’une multitude de précepteurs.

 

LA VIE DE PRINCESSE

« Si la princesse Elizabeth était devenue cousine ou sœur de monarque, elle aurait tout de même dû accomplir certains offices royaux mais aurait également profité d’une vie plus calme à l’écart du regard insistant de la presse et aurait eu plus de temps pour s’adonner à ses propres passe-temps », déclare Carolyn Harris, historienne et commentatrice de la vie royale.

Au lieu de cela, la vie d’Elizabeth changea drastiquement en 1936 quand son oncle abdiqua et que son père devint Georges VI. Soudain, elle habitait le palais de Buckingham. On restreignit ses déplacements ; ses manières changèrent. Marion Crawford, sa gouvernante, eut beau essayer de rendre sa vie un peu plus normale en l’emmenant, avec sa sœur, en sortie ou en mettant sur pied un groupe de scouts avec les enfants des employés du palais et divers amis et cousins de l’aristocratie, l’enfance d’Elizabeth demeura tout sauf typique.

On attendait de la princesse qu’elle maîtrise l’art de se tenir en bonne société et qu’elle ait des notions de l’histoire, des protocoles et des lois du pays sur lequel elle règnerait un jour. Elle étudia l’Histoire auprès de l’archiviste royal, reçut des leçons religieuses de la part de l’archevêque de Canterbury et apprit à parler le français couramment.

Cependant, les spécialistes de la famille royale divergent quant à l’étendue de son éducation. Le fait d’accéder au trône « a dû être extraordinairement difficile pour elle, en particulier parce qu’elle n’avait jamais été à l’école et qu’elle n’avait pas cette éducation plus générale que nous tenons peut-être aujourd’hui pour acquise », expliquait Chris Shop, correspondant royal, dans les colonnes du Daily Express en 2019.

La princesse Elizabeth (à droite) et la princesse Margaret (1930-2002) font de la peinture dans la salle de classe du palais de Buckingham, à Londres, en juin 1940. Fille aînée du roi Georges VI, Elizabeth accéda au trône à la mort de celui-ci en 1952.

PHOTOGRAPHIE DE Lisa Sheridan, Studio Lisa, Getty

D’après Carolyn Harris, son père, figure nationale appréciée connue pour sa réserve timide et son bégaiement, l’aida également. « Elizabeth a appris son futur rôle de souveraine en marchant dans les pas de son père. Georges VI n’était pas destiné à devenir roi et était mal à l’aise lorsqu’il fallait s’exprimer en public, mais il s’est montré à la hauteur », explique-t-elle. Le monarque réticent régna jusqu’à sa mort en 1952 et Elizabeth lui succéda.

 

L’APPEL DU DEVOIR

En 2006, Sonia Berry, amie d’enfance de la reine, confiait au journaliste du Sunday Telegraph Andrew Alderson que la reine Elizabeth aurait vraisemblablement opté pour une trajectoire de vie différente si elle en avait eu l’occasion. « Je pense qu’elle aurait été plus heureuse si elle s’était mariée et avait vécu à la campagne avec ses chiens et ses chevaux, déclarait-elle. Je pense que c’est une tâche très solitaire, car même si elle connaît bien les gens, elle reste la reine, et cela constitue inévitablement une barrière. »

La reine Elizabeth II, assise sur un trône doré et portant la couronne d'État, ouvre le Parlement en 1960. La reine Elizabeth a ouvert le Parlement chaque année de son règne, sauf en 1959 et 1963, lorsqu'elle était enceinte, et en 2022 en raison de problèmes de mobilité.

PHOTOGRAPHIE DE Robert Goodman, Nat Geo Image Collection

Quant à la suite d’événements fortuits mais fatidiques qui menèrent Elizabeth II à la couronne, Carolyn Harris rappelle qu’en ce qui concerne la famille royale, l’exception a toujours constitué la règle. Elle fait également remarquer qu’il n’y a pas si longtemps encore, la succession prenait bien souvent des chemins détournés à cause d’une mort, d’une abdication ou de l’absence d’héritiers au sein de la branche principale de la famille royale.

« L’actuelle succession royale qui comprend trois générations d’héritiers masculins directs [le prince Charles, le prince William et le prince Georges] est relativement rare dans l’histoire royale britannique », analyse-t-elle.

Comme ceux qui vinrent avant elle, Elizabeth II fit savoir que son devoir était de servir. « Je déclare devant vous que ma vie, qu’elle soit longue ou brève, sera consacrée toute entière à votre service et au service de la grande famille impériale à laquelle nous appartenons tous », promettait-elle à ses futurs sujets lors d’un discours radiophonique prononcé lors de son vingt-et-unième anniversaire au mois d’avril 1947.

Soixante-quinze ans plus tard, cette promesse qu’elle ne voulait peut-être pas avoir à faire, est bel et bien tenue.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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