Cette bataille ne dura qu'un jour, mais suffit à changer le destin de l’Angleterre

Après leur triomphe à la bataille de Hastings en 1066, les Normands laissèrent des traces durables sur l’aristocratie et l’architecture du pays, et même sur la langue anglaise.

De Patricia S. Daniels
Publication 3 mai 2023, 16:17 CEST
En 1066, Harold, roi des Anglais, dut combattre deux envahisseurs à la suite : les Vikings au ...

En 1066, Harold, roi des Anglais, dut combattre deux envahisseurs à la suite : les Vikings au nord et les Normands à l’est. Mais seul Guillaume Ier, duc de Normandie, représenta une menace pour les prétentions de Harold au trône d’Angleterre. Ce dernier, fort d’une victoire contre les Vikings, fut contraint de dépêcher ses troupes fatiguées sur les côtes du sud-est pour tenter de repousser les Normands lors de la bataille de Hastings, qui se tint le 14 octobre et eut pour enjeu l’identité anglaise.

PHOTOGRAPHIE DE Illustration Look and Learn, Bridgeman Images

Il est rare qu’un événement isolé transforme l’identité d’une nation tout entière, mais c’est bel et bien ce qui s’est produit avec la bataille de Hastings en 1066. À la fin de cette bataille sanglante qui n’aura duré qu’un seul jour, l’Angleterre anglo-saxonne devint normande, un événement qui allait restructurer le droit nobiliaire anglais, mais aussi l’Église et l’architecture. Même la langue anglaise fut affectée et se vit incorporer des racines françaises et latines. Voici le déroulé des événements de cette journée qui détermina l’histoire de l’Angleterre.

 

LE CONTEXTE

À cette période, de nombreux liens étroits existaient entre l’Angleterre et la Normandie, puissant duché situé juste de l’autre côté de la Manche. La Normandie avait été fondée par les Vikings, et ses ducs exerçaient un pouvoir quasiment indépendant de la couronne française. Les rois anglo-saxons étaient à la tête de l’Angleterre depuis le 5e siècle, date de la chute de la Bretagne romaine. Prêtres, nobles et marchands des deux pays effectuaient régulièrement des allers et retours entre les deux rives de la Manche.

 

LE PROBLÈME

Lorsque Édouard le Confesseur, roi d’Angleterre, meurt au début de l’année 1066, les Normands soutiennent que ce dernier, qui n’a pas produit d’héritier, a promis à son cousin, Guillaume II, duc de Normandie, de lui léguer la couronne.

Mais Harold Godwinson, influent membre de la noblesse anglo-danoise, général capable et ancien bras droit d’Édouard, revendique lui aussi le trône. Il est en outre le beau-frère du roi défunt. Mais cette revendication n’a rien d’évident pour ses adversaires. En effet, en 1064, son bateau s’est échoué en territoire normand et est tombé aux mains de Guillaume. Selon des récits normands, Harold aurait alors juré de soutenir l’accession de Guillaume au trône d’Angleterre, ce qui lui permis d’être reconduit sain et sauf en Angleterre. Pour les Normands, il ne fait aucun doute, la couronne doit revenir à Guillaume.

Mais à la mort d’Édouard, le witan, le conseil des chefs anglo-saxons, fait de Harold l’héritier légitime de la couronne d'Angleterre. Guillaume est furieux, c’est le moins que l’on puisse dire. Il planifie sans attendre une invasion de l’Angleterre pour s’emparer du trône. Il met sur pied une flotte de 400 navires et une armée de 7 000 soldats, parmi lesquels des archers et des cavaliers. Après avoir été retardés pendant plusieurs semaines par des intempéries, ils se mettent en route.

La vie du roi Édouard, et notamment ses funérailles représentées ici, fut immortalisée au milieu du 13e siècle dans un manuscrit enluminé intitulé Life of St. Edward the Confessor. Sa mort, survenue en 1066, donna lieu à une crise de succession.

PHOTOGRAPHIE DE Illustration via The Stapleton Collection, Bridgeman Images

 

LA DIVERSION DE HAROLD

Harold sait que Guillaume arrive et réunit une armée de 3 000 housecarls, des gardes d’élite équipés de haches qu’il faut tenir à deux mains, et 4 000 autres guerriers, pour la plupart soldats à temps partiel, fournis par ses seigneurs.

Mais la traversée de la Manche par les troupes de Guillaume n’est pas la seule menace pour Harold. Son frère et ennemi juré, Tostig, et Harald Hardrada, le roi de Norvège, ont uni leurs forces pour envahir le nord de l’Angleterre. Harold n’a d’autre choix que de dépêcher ses soldats à York pour aller au-devant de l’envahisseur. L’oppresseur viking se bat avec fougue. À un moment donné, un Viking repousse à lui seul l’avancée anglaise ; il tue, dit-on, quarante soldats anglais qui défendent Stamford Bridge avant qu’un des hommes de Harold ne se glisse sous ce pont et ne le poignarde à travers un jour entre les planches.

Harold finit par se défaire des forces ennemies et se hâte vers le sud avec ses troupes pour repousser Guillaume.

 

LA BATAILLE DE HASTINGS

Le 28 septembre 1066, Guillaume débarque à Pevensey, dans le sud-est de l’Angleterre. Il s’empare du village, puis avance en direction de Hastings.

Quand il apprend l’arrivée de Guillaume, Harold est en train de marcher vers le sud avec ses troupes fatiguées. En arrivant à Hastings le 13 octobre, ces derniers se campent sur la colline de Senlac et forment un mur avec leurs boucliers. Le lendemain, à l’aube, avant que Harold n’ait le temps d’organiser ses troupes, Guillaume attaque, il envoie cavalerie et infanterie. Les archers normands font pleuvoir les flèches sur les Anglais ; le redoutable mur de bouclier des troupes de Harold les arrête. La cavalerie de Guillaume charge alors vers le sommet de la colline mais, de nouveau, ne parvient pas à percer la ligne de défense adverse.

Guillaume ordonne alors à ses troupes de faire semblant de battre en retraite. Les troupes de Harold se lancent à leur poursuite, et abandonnent leur position défensive. Harold compte parmi les lourdes pertes qui s’ensuivent, une flèche lui aurait vraisemblablement transpercé l’œil. À la nouvelle de sa mort, la plupart des soldats anglais encore en vie s’enfuient. À la fin de la journée, les Normands ont remporté la bataille.

Guillaume ne rencontre que peu d’opposition après Hastings. Le jour de Noël 1066, il est couronné en l’abbaye de Westminster et devient Guillaume Ier d’Angleterre. La période anglo-saxonne de l’histoire d’Angleterre vient de s’achever. La conquête normande a porté ses fruits.

 

DES CONSÉQUENCES DURABLES

La conquête normande, qui fit de l’Angleterre et de la Normandie une entité régie par un même et unique roi pendant quatre-vingt-huit ans (durant lesquels quatre monarques normands se succédèrent), eut des effets durables.

Guillaume introduisit le féodalisme en Angleterre, un système médiéval consistant notamment à offrir des terres à ses plus proches partisans et à ses conseillers de confiance (clergé, seigneurs et barons) en échange de leur soutien militaire. Le célèbre Domesday Book, plus ancienne archive publique répertoriant l’impact de cet ambitieux programme, révèle que 5 % des richesses à peine restèrent dans les mains des nobles anglais ; l’aristocratie normande avait remplacé la vieille aristocratie anglaise. De nos jours encore, nombreuses sont les familles de propriétaires terriens dont les origines remontent à des ancêtres normands. Le pouvoir et les richesses ainsi concentrés dans les mains de quelques familles normandes, le gouvernement se centralisa davantage.

Les armées anglaises portaient vraisemblablement un casque anglo-saxon avant l’avènement des Normands.

PHOTOGRAPHIE DE Photo 12, Universal Images Group, Getty Images

En plaçant des Normands parlant le français à presque tous les postes de pouvoir du pays, Guillaume faillit bien faire disparaître la langue anglaise. L’anglais ne réapparut qu’au 14e siècle, lors du règne d’Édouard III ; et il fallut attendre le 17e siècle pour qu’il soit utilisé de nouveau dans les comptes rendus légaux. Toutefois, des mots français et latins se sont frayé un chemin dans l’anglais contemporain ; des mots comme « judge », « jury » et « evidence » en sont des exemples.

Les Normands ont également introduit en Angleterre le style architectural roman, inspiré par les Romains, et ce dans le but de créer un empire puissant. Au nombre de leurs imposants édifices, tout en arches arrondies et en énormes piliers cylindriques, on comptait 500 à 1000 châteaux, un type de bâtiment qui n’existait pas, ou presque pas, avant la conquête normande et qui fut un élément vital dans la mainmise des Normands sur ce territoire. Certains édifices frappants de cette période sont d’ailleurs encore visibles. C’est le cas des cathédrales de Durham et de Winchester, de l’abbaye St. John à Colchester, des châteaux de Rochester, de Norwich et de Colchester, et des fortifications de la tour de Londres

 

LA FIN D’UNE ÉPOQUE

À la mort de Guillaume en 1087, ses enfants se disputèrent au sujet de la division du royaume. Un de ses fils, Henri Ier, parvint à accaparer le pouvoir et à préserver l’unification du royaume. Il désigna son fils, Guillaume Adelin, comme héritier. Mais en 1120, ce dernier trouva la mort en mer lors d’un naufrage. Il avait nommé sa fille Mathilde comme successeuse, une décision impopulaire. En 1135, la mort d’Henri Ier déclencha une crise de succession et Étienne de Blois s’empara du trône et se fit couronner roi. Mathilde résista et l’ordre public s’écroula en Angleterre, ouvrant une période que l’on appelle « l’Anarchie ».

En 1154, l’installation sur le trône d’un nouveau monarque, Henri II, marqua la fin du règne normand.

Des passages de cet article ont initialement paru en langue anglaise dans Atlas of War de Patricia Daniels ©2020 National Geographic Partners, LLC.

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