Les diamants synthétiques sont-ils vraiment meilleurs pour la planète ?

Ces diamants sont présentés comme une alternative plus socialement éthique et écologique aux diamants naturels. Mais qu’en est-il vraiment ?

De Robin George Andrews
Publication 29 mars 2024, 11:54 CET

Les diamants synthétiques, comme celui montré ci-dessus, ne proviennent pas de mines, mais sont cultivés en laboratoire.

PHOTOGRAPHIE DE Davide Monteleone, Nat Geo Image Collection

Les diamants présentent un attrait social manifeste dont presque aucune autre pierre précieuse ne jouit. Pour beaucoup, leur origine ancienne et leur incroyable robustesse sont le symbole de l’amour éternel. Cela n’a cependant pas toujours été le cas. Ce n’est que depuis la fin des années 1940, quand une agence de publicité travaillant pour le conglomérat diamantaire De Beers a trouvé le slogan « A Diamond Is Forever » (Un diamant est éternel), que cette pierre précieuse est devenue une ambassadrice presque immuable de l’amour sous toutes ses formes.

Mais depuis plus de vingt ans, le monopole des diamants naturels est remis en question par les diamants synthétiques.

Aussi appelés diamants de laboratoire, ces derniers sont, à bien des égards, semblables à ceux extraits du sol. Tous deux sont des prismes de carbone, si étroitement liés qu’ils forment une pierre précieuse extrêmement dure et brillante. C’est leur cristallisation qui diffère : alors que les diamants naturels se sont formés il y a des milliards d’années dans le manteau terrestre à de grandes profondeurs et à des températures extrêmes, les diamants de laboratoire sont cultivés en convoquant l’alchimie moderne. Ces pierres précieuses synthétiques sont aussi présentées comme une alternative plus socialement éthique et écologique aux diamants naturels, en plus d’afficher un prix au carat moins élevé que ces derniers.

Cette affirmation est cependant contestée, en particulier par les entreprises qui ne vendent que des diamants naturels et qui suggèrent que leur activité a davantage de retombées socio-économiques. Selon l’International Gem Society, qui cite un rapport de la Natural Diamond Council (anciennement la Diamond Producers Association) datant de 2019, la production d’un carat poli de diamant de synthèse émettrait trois fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent naturel.

Les diamants de laboratoire sont-ils plus éthiques et écologiques que les diamants issus de mines ou cette prouesse scientifique est-elle trop belle pour être vraie ? Pour l’heure, la réponse à cette question dépend de ce qui importe le plus aux consommateurs.

« Il ne fait aucun doute que les diamants de laboratoire s’en sortent mieux sur le plan environnemental », affirme Saleem Ali, spécialiste dans les domaines de l’énergie et de l’environnement à l’université du Delaware. « Mais on ne peut pas omettre l’aspect social. Et sur ce point, ce sont les diamants naturels qui ont l’avantage ».

 

DIAMANTS NATURELS OU SYNTHÉTIQUES ?

Les diamants sont des minéraux comme les autres, ce qui signifie qu’ils ont tendance à cristalliser dans une masse fondue de liquide extrêmement chaud et riche en carbone, à de grandes profondeurs dans le manteau terrestre. Souvent vieux de plusieurs milliards d’années, ils se sont pour la plupart formés au cours de « l’adolescence » géologique de la Terre.

Le manteau et la croûte terrestres regorgeraient de diamants, mais seuls quelques-uns, infiniment petits, sont remontés vers la surface. On peut trouver ces pierres précieuses dans des kimberlites, des formations volcaniques semblables à des cheminées qui ont été façonnées par de violentes éruptions probablement survenues il y a plusieurs centaines de millions d’années.

L’exploitation de mines à ciel ouvert ou souterraines est souvent nécessaire pour extraire ces pierres. Certains diamants proviennent aussi du lit des rivières, dont l’eau a érodé des dépôts de kimberlites en amont, ou encore des fonds marins.

Avec ses 555,55 carats, Enigma est le plus gros diamant taillé du monde. Les carbonados comme celui-ci peuvent atteindre des tailles monumentales et sont encore plus durs que les diamants ordinaires, ce qui les rend particulièrement difficile à tailler. Les 55 facettes d’Enigma ont été inspirées par la Khamsa, célèbre symbole de protection oriental en forme de paume.

PHOTOGRAPHIE DE Sotheby's

Quant aux diamants synthétiques, il existe deux manières principales de les créer. La première méthode fait appel à la déposition chimique en phase vapeur (CVD). Elle consiste à exposer, à une température très élevée, une minuscule « graine » de diamant à un gaz riche en carbone. Les particules de carbone adhèrent ensuite sur la graine, qui grandit et devient une pierre précieuse de taille satisfaisante en quelques semaines.

La seconde méthode emploie un procédé de haute pression et de haute température (HPHT). Dans ce cas, la « graine » de carbone (généralement un autre diamant minuscule) est exposée à de hautes pressions et températures, ce qui entraîne la cristallisation de la graine et son développement en une pierre précieuse de plus grande taille. Les diamants obtenus à partir de ces deux méthodes sont taillés et polis, comme les diamants naturels.

 

DES « VRAIS » DIAMANTS ?

Si les entreprises d’extraction diamantaire voient les diamants de laboratoire comme des produits communs, produits à la hâte et sans valeur durable, la réalité est loin d’être aussi évidente.

Les personnes qui souhaitent posséder des diamants d’origine primitive auront toujours une préférence pour les diamants naturels, tout comme les géologues, qui apprécient énormément ces joyaux quasi indestructibles, en partie parce qu’ils renferment des indices chimiques sur la formation de la Terre. « Ce sont les inclusions qu’ils présentent qui les rendent si attrayants », explique Thomas Stachel, géologue spécialiste des diamants à l’université de l’Alberta.

Bien qu’ils soient cultivés à partir de carbone presque pur et qu’ils affichent une dureté et un lustre équivalents à ceux des diamants naturels, ceux obtenus en laboratoire présentent quelques particularités : leurs empreintes chimiques peuvent différer des pierres naturelles en fonction de la source de carbone utilisée pour les cultiver, par exemple. Des différences subtiles que les spécialistes peuvent détecter avec les bons outils.

« Est-ce quelque chose qui doit inquiéter le client final ? Absolument pas. Il n’en saura rien », poursuit le géologue. « Pour ce qui est de la structure du cristal, ce sont des diamants, des diamants absolument parfaits ».

Un « véritable » diamant est-il défini par ses origines ou par sa structure atomique ? Pour les producteurs de diamants de laboratoire, c’est la dernière option qui l’emporte. Mais en fin de compte, ce qui fait qu’un diamant est un diamant, et que cela vaut la peine de l’acheter, est assez subjectif. « Tout dépend de la perception du marché », indique Thomas Stachel.

Et si la durabilité est le principal critère, c’est le diamant de synthèse qui l’emporte.

 

UN IMPACT ENVIRONNEMENTAL NON NÉGLIGEABLE

Gbemi Oluleye, chercheuse au Centre de politique écologique de l’Imperial College London, a récemment publié un rapport mettant en évidence l’impact sur l’environnement des diamants naturels. Celui-ci varie en ampleur et en gravité d’une mine à l’autre, mais il est possible d’en atténuer les effets délétères en utilisant des énergies renouvelables pour certains processus et en recyclant l’eau utilisée lors de l’exploitation minière.

Il n’empêche que l’extraction de diamants naturels pose d’innombrables problèmes. Le drainage des lacs et la destruction des cours d’eau, ainsi que le déversement de polluants dans ceux-ci, peuvent causer des dommages irréversibles aux écosystèmes aquatiques. Les mines, qui sont souvent immenses, détruisent de vastes pans de forêts et de champs et peuvent faire des ravages parmi la faune terrestre.

En outre, les mines à ciel ouvert se transforment souvent en décharges polluées une fois fermées. Les poussières et les gaz dangereux et parfois cancérigènes générés par les activités d’extraction présentent un risque pour les animaux, mais également pour les personnes travaillant dans les mines. Quant au diesel consommé par les camions et autres équipements, il émet de grandes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

« Ce n’est pas négligeable », remarque Gbemi Oluleye. Contrairement à ce qu’affirment les acteurs du secteur, elle estime que les diamants naturels sont bien plus polluants que ceux cultivés en laboratoire. La chercheuse a ainsi calculé que leur extraction rejetait en moyenne près de 160 kg de CO² par carat, contre 20 kg par carat pour les diamants synthétiques produits dans l’Union européenne (ce chiffre est tout aussi faible en Chine).

Certains producteurs de diamants synthétiques aspirent à cultiver ces pierres précieuses en utilisant uniquement des énergies renouvelables, tandis que d’autres misent sur les titres compensatoires de carbone. Dans les deux cas, l’empreinte carbone des diamants de laboratoire peut être fortement réduite, voire être négative.

 

L’IMPACT SOCIAL PÈSE AUSSI DANS LA BALANCE

Il convient de souligner qu’il est parfois aussi difficile d’obtenir ce type de données auprès de sociétés d’extraction de diamants (qui ne sont pas réputées pour leur transparence) que de producteurs de diamants synthétiques ou leurs revendeurs. Ils refusent parfois de divulguer des informations sur leurs processus ou leur empreinte carbone, sous prétexte qu’ils n’ont pas les chiffres ou qu’ils ne peuvent les dévoiler pour des raisons de confidentialité.

L’aspect socioéconomique de la création et de l’extraction de diamants entre aussi en considération. « L’exploitation minière est bien plus génératrice d’emplois », observe Saleem Ali. Certains chercheurs avancent, assez logiquement, que l’extraction diamantaire a transformé l’économie des pays abritant d’importantes quantités de kimberlite, comme le Botswana. Bien que le secteur de la production de diamants en laboratoire crée de plus en plus d’emplois à mesure qu’il se développe, il ne pourra jamais en générer autant que l’industrie de l’extraction diamantaire.

Sur ce point, les diamants synthétiques « ne rivaliseront jamais avec les diamants naturels », ajoute le spécialiste.

Le débat est toutefois loin d’être clos. Les retombées économiques à l’échelle nationale des diamants naturels sont immenses, sauf si elles bénéficient à une « élite corrompue. Dans ce cas, tout va de travers », remarque Thomas Stachel. L’industrie diamantaire est marquée par des épisodes sombres. Des diamants naturels ont notamment été vendus par des groupes armés, notamment en Afrique centrale et de l’Ouest, pour financer des actes de guerre, d’insurrection, de crime organisé, de terrorisme et d’oppression.

Le processus de Kimberley, un cadre international créé en 2003, a permis d’apporter une rigueur et une transparence nécessaires à la chaîne d’approvisionnement diamantaire, en rendant plus difficile la commercialisation des diamants de conflits, aussi appelés « diamants de sang ».

Décrit par certains comme un système parfait, le processus de Kimberley présenterait de sérieuses lacunes pour d’autres. Aujourd’hui encore, il peut être très difficile, voire impossible, de savoir si un diamant naturel acheté auprès d’un vendeur légal n’alimente pas un conflit. Quelques mois après l’invasion russe de l’Ukraine par exemple, des diamants russes étaient toujours en circulation sur le marché mondial. De quoi faire tiquer certains consommateurs.

Il est à l’inverse certain qu’un diamant cultivé en laboratoire se conforme aux exigences éthiques.

Pour résumer, s’il est possible d’affirmer que les diamants naturels constituent la meilleure option sur le plan socioéconomique, cet argument peut être difficile à faire valoir. Pour ce qui est de la durabilité, la balance penche en faveur des diamants de synthèse. « Pour le moment, les diamants de laboratoire l’emportent sur le plan environnemental », conclut Gbemi Oluleye.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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