Les moustiques sont-ils attirés par les buveurs de bière ?
Des chercheurs se sont intéressés à la façon dont la bière, la crème solaire, l’alimentation et d’autres facteurs sont susceptibles d’attirer les moustiques.

Anopheles cherche des humains ou d’autres animaux dont il peut aspirer le sang. Des chercheurs souhaitent savoir pourquoi certaines personnes sont davantage piquées par les moustiques que d’autres.
Pour un moustique, un festival est un véritable buffet à volonté. Mais une étude qui vient de paraître indique que certains festivaliers pourraient être plus exposés aux piqûres que d’autres.
Cette nouvelle étude publiée le mois dernier sur le site de prépublication d’articles scientifiques bioRxiv parvient à la conclusion suivante : certains comportements, comme le fait de boire de la bière ou de ne pas mettre de crème solaire, peuvent faire de certains de nous des aimants à moustiques. Si l’article n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation par des pairs, il s’agit de la plus grande étude à ce jour à se pencher sur l’effet de facteurs tels que l’hygiène et l’ébriété sur les préférences alimentaires des moustiques.
Quand les moustiques se mettent en quête d’un repas, leur premier réflexe est de flairer le dioxyde de carbone expiré par les humains. La chaleur corporelle et l’odeur peuvent également attirer. Des études ont suggéré que les personnes les plus susceptibles d’être piquées pourraient avoir une communauté microbienne cutanée moins diverse ou bien une prédisposition génétique à être piquées. D’autres analyses portant sur le groupe sanguin ont produit des résultats mitigés. Mais l’exacte recette qui pousse ces buveurs de sang à cibler de malchanceux humains demeure encore mystérieuse.
Le fait de comprendre ce qui attire les moustiques n’est pas seulement important pour éviter leurs piqûres qui démangent. Les moustiques sont les animaux les plus meurtriers de la planète, selon les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC). Responsables de la propagation de maladies comme le paludisme, la dengue et le virus Zika, les moustiques représentent une menace considérable pour la santé humaine dans de nombreuses régions du monde.
« Quand vous dites que vous étudiez le paludisme et en particulier les moustiques, on vous demande parfois : “Ah, ouais, je me fais toujours piquer. Comment ça se fait ?” Donc c’est un sujet que nombreuses personnes ont à l’esprit, notamment l’été », illustre Sara Lynn Blanken, biologiste du Centre médical de l’Université Radboud de Nimègue, aux Pays-Bas, et co-autrice de la nouvelle étude.
QU’EST-CE QUI FAIT QU’ON DEVIENT UN AIMANT À MOUSTIQUES ?
Pour en savoir davantage sur ce qui attire les moustiques, les chercheurs se sont tournés vers l’un des environnements les moins hygiéniques et les plus chaotiques du monde : un festival de musique. Le Lowlands Festival, qui se tient dans une municipalité agricole des Pays-Bas, a un programme permettant à des chercheurs de venir y conduire une expérience pendant les trois jours que dure l’événement.
Ainsi, en août 2023, Sara Lynn Blanken et ses collègues ont installé un laboratoire de fortune dans des conteneurs maritimes et ont recruté des festivaliers. Chacun d’entre eux remplissait un questionnaire portant sur son sommeil, ses habitudes de douche, son alimentation, son groupe sanguin et sa consommation de substances pendant le festival. Les chercheurs mesuraient également leur alcoolémie à l’aide d’un éthylotest et effectuaient des prélèvements à l’aide d’écouvillons sur la peau des volontaires. Enfin, les participants devaient tendre les bras contre la paroi d’une cage contenant une femelle de l’espèce Anopheles stephensi tandis que des caméras enregistraient ses mouvements. Une grille percée de petits trous dans chaque cage en plastique permettait aux insectes de renifler les humains sans les piquer.
« Beaucoup de gens étaient là avec des amis ou bien peut-être un partenaire et certains avaient déjà cette idée préconçue du style “C’est toujours elle qui se fait piquer” ou quelque chose de ce genre-là. Donc les gens étaient vraiment enthousiastes à l’idée de pouvoir enfin tester ça », explique Felix Hol, biophysicien du Centre médical de l’Université de Radboud à Nimègue et co-auteur de l’étude.
Les chercheurs ont ensuite soumis les images enregistrées à un algorithme chargé d’analyse l’intérêt de chaque moustique en quantifiant le nombre de fois où ces suceurs de sang se posaient sur une personne. Des foules se massaient devant les conteneurs et applaudissaient quand s’affichait le score d’attractivité de chaque participant sur un écran à l’extérieur. « J’ai été vraiment, mais alors vraiment positivement surpris par l’enthousiasme général », confie Felix Hol.
L’équipe s’est rendu compte que les moustiques étaient plus susceptibles de se poser sur les participants (il y en avait 465 au total) qui disaient avoir bu de la bière ou du vin au cours des douze dernières heures, consommé du cannabis au cours des quarante-huit dernières heures, évité la crème solaire et avoir partagé leur lit avec quelqu’un d’autre. Les personnes qui n’avaient pas pris de douche récemment profitaient moins des effets protecteurs de la crème solaire et le parfum n’avait aucun effet.
Les bactéries du genre Streptococus, déjà associées par le passé à une plus grande attractivité pour les moustiques, étaient légèrement plus présentes sur la peau des personnes ayant obtenu des scores plus élevés.
LA BIÈRE ATTIRE-T-ELLE VRAIMENT LES MOUSTIQUES ?
Bien qu’il s’agisse de la plus vaste étude du genre et qu’elle s’intéresse à un large éventail de comportements, Felix Hol et Sara Lynn Blanken soulignent que le festival ne constituait pas un environnement contrôlé et que les moustiques pouvaient seulement sentir l’avant-bras des participants sans le piquer. Les festivaliers, jeunes pour la plupart, étaient possiblement plus habitués que la moyenne à consommer de l’alcool et à expérimenter diverses substances. Ils avaient aussi un côté un peu fantasque. Un participant est allé jusqu’à se présenter comme un « demi-dieu » et a dû être exclu en raison d’une faible activité de la part des moustiques.
Cette nouvelle étude corrobore néanmoins de précédentes études ayant suggéré que l’odeur, les microbes et la consommation d’alcool étaient susceptibles d’attirer les moustiques. Pour ce qui est de la crème solaire, l’huile ou l’odeur peuvent dissuader les moustiques, mais dans le cas de la bière, l’effet est moins tranché. Les personnes en consommant pourraient avoir une température corporelle plus élevée ou rejeter davantage de dioxyde de carbone, quoiqu’une précédente étude ait suggéré que cela pourrait ne pas être le cas.
Autre possibilité, la bière pourrait être corrélée avec des comportements particuliers qui attirent les moustiques. « Peut-être que plus d’alcool implique plus de danse, et donc un corps qui sent plus fort ou quelque chose de ce genre », avance Felix Hol.
Les tendances que les chercheurs n’ont pas constatées sont tout aussi intéressantes, remarque Wendy O’Meara, chercheuse en santé mondiale de l’Université Duke qui n’a pas pris part aux présentes recherches. Ni l’alimentation, ni le groupe sanguin, deux raisons régulièrement avancées pour expliquer la fréquence des piqûres, n’étaient corrélés à l’attractivité. Mais il est difficile d’associer un facteur spécifique aux piqûres dont est victime un individu donné et d’en extrapoler des conclusions valables pour les personnes vivant dans des régions où les moustiques transmettent des maladies.
L’espèce de moustiques utilisée dans l’étude, An. Stephensi, peut propager les parasites responsables du paludisme dans des zones urbaines d’Asie du Sud-Est, dans la péninsule arabique et dans des régions d’Afrique. Mais il existe probablement des variations liées aux espèces dans ce qui attire les moustiques ; ils peuvent notamment se spécialiser ou non dans les humains, ainsi que le fait remarquer Felix Hol.
À ce stade, éviter la bière ou d’avoir un partenaire dans son lit n’est pas une garantie contre les piqûres. Les manches longues ou les répulsifs anti-moustiques demeurent les options les plus fiables pour se protéger. « Si vous ne voulez pas être piqué par les moustiques, je pense que la meilleure chose à faire est de vous protéger et de vous rendre indisponible pour eux », préconise Sara Lynn Blanken.
L’étude confirme une chose toutefois : les moustiques gâchent la fête.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com.
