Maladie rénale chronique : cette maladie gagne du terrain mais reste largement sous-diagnostiquée

Neuf personnes sur dix atteintes de maladie rénale chronique ne le découvrent qu’à un stade avancé. Voici ce que l’on sait des facteurs de risque, et des recherches en cours pour des traitements plus efficaces.

De Rachel Fairbank
Publication 5 sept. 2025, 17:10 CEST
Plus de 600 millions de personnes dans le monde vivent avec une maladie rénale, ce qui ...

Plus de 600 millions de personnes dans le monde vivent avec une maladie rénale, ce qui représente une augmentation de 90 % depuis 1990. Les experts ne savent pas exactement ce qui explique cette hausse. Mais la bonne nouvelle, disent-ils, est que nous entrons dans une nouvelle ère d’innovation thérapeutique.

PHOTOGRAPHIE DE ALFRED PASIEKA, SCIENCE PHOTO LIBRARY, Getty Images

À seulement trente-sept ans, Alex Simmons s’est retrouvé aux urgences avec des crampes, une migraine tenace et une sensation de tension dans l’estomac. Le jeune homme, qui vit à Pittsburgh et travaille comme coach sportif, se sentait fatigué et même épuisé depuis déjà un mois. Il avait préféré ignorer ces symptômes, pensant avoir simplement contracté un virus.

Et puis l'état d'Alex s'est dégradé, au point de ne plus pouvoir ignorer ses symptômes. Quand les médecins ont mesuré sa tension artérielle, elle était de 260/150, un chiffre qui les a tous choqués, étant donné qu'Alex était jeune et en excellente forme physique.

Alex souffrait d’une maladie rénale chronique avancée, qui a rapidement évolué vers une insuffisance rénale. « Je suis resté à l’hôpital pendant deux semaines, et je suis sorti sous dialyse », raconte Alex.

On estime que 700 millions de personnes dans le monde souffrent de maladie rénale chronique. En France, on estime qu’environ 7 à 10% de la population française présente une atteinte rénale. Une partie va évoluer vers une maladie rénale nécessitant un traitement de suppléance (dialyse ou greffe). Cependant, neuf personnes sur dix ne savent pas qu’elles en sont atteintes, ne le découvrant souvent que lorsqu’elles en sont à un stade avancé. « Il n’y a pas de douleur rénale qui accompagne la maladie rénale, donc vous ne savez pas que vous êtes malade », explique Samir Parikh, néphrologue à l'UT Southwestern Medical Center.

La maladie rénale chronique est également en augmentation, une tendance qui laisse de nombreux chercheurs et médecins perplexes. Cela suscite également de l'inquiétude, étant donné le lien entre la maladie rénale et les maladies cardiaques, premières causes de mortalité dans le monde.

La bonne nouvelle, c'est qu’il y a de nouveaux traitements pour la plupart des formes de maladie rénale chronique, ce qui signifie que si elle est détectée tôt, il existe un certain nombre d’options. « C’est une période d’innovation extraordinaire, non seulement pour les formes courantes de maladie rénale chronique, mais aussi pour les maladies rénales d’origines moins fréquentes », explique Parikh.

 

MALADIE ET INSUFFISANCE RÉNALES CHRONIQUES

Le rôle des reins est de filtrer l'eau, les impuretés et les déchets du sang. Ils jouent aussi un rôle important dans la régulation de la quantité de liquide dans notre corps, garantissant la production suffisante de globules rouges et contrôlant la pression artérielle.

« Les reins sont composés de petits vaisseaux sanguins qui forment ces filtres microscopiques », explique Parikh. Le problème, dit-il, est que ces filtres ne peuvent pas être remplacés, ce qui signifie que « les filtres avec lesquels vous êtes né doivent durer toute une vie ». Si ces vaisseaux sanguins sont endommagés, les reins perdent alors leur capacité à fonctionner correctement.

Parmi les affections courantes pouvant causer des lésions rénales, on trouve le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité et les maladies auto-immunes comme le lupus ou la néphropathie à IgA, également connue sous le nom de maladie de Berger. Certains médicaments courants, comme les AINS et les antiacides, peuvent également endommager les reins s’ils sont pris sur une trop longue période. Les personnes ayant des antécédents familiaux de maladie rénale sont également plus à risque.

 

UNE INQUIÉTANTE AUGMENTATION

Un adulte sur dix souffre d'une affection rénale, soit près de 850 millions de personnes dans le monde, ce qui représente une augmentation de 90 % depuis 1990. La prévalence varie selon les régions, avec des taux plus élevés dans les pays où l’accès aux soins de santé est limité.

Cette hausse est attribuée à plusieurs facteurs :

  • l’augmentation des maladies chroniques comme l’hypertension et le diabète de type 2,
  • l’exposition aux toxines environnementales, comme la pollution de l’air et la contamination de l’eau (particulièrement préoccupante dans les pays en développement),
  • la surconsommation de médicaments tels que les antiacides et les AINS.

« Une grande partie peut s’expliquer par l’augmentation des facteurs de risque, mais pas seulement », dit Joachim Jankowski, chercheur à l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas. « Certaines choses restent inconnues. » Parmi les autres facteurs soupçonnés : le changement climatique, car les vagues de chaleur extrême peuvent endommager les reins, et les inégalités en matière de soins, car l’absence de suivi médical peut causer ou aggraver la maladie rénale.

 

L'IMPORTANCE DU DIAGNOSTIC

Le plus grand risque associé à la maladie rénale chronique est de mourir d’une maladie cardiaque. « Les patients atteints de MRC ont un risque accru pour toutes les formes de maladies cardiovasculaires », dit Brad Rovin, néphrologue au Ohio State University Wexner Medical Campus. « L’épidémiologie du lien est très, très claire. »

Bien que la mortalité liée aux maladies cardiaques ait diminué ces dernières décennies grâce aux progrès médicaux, les maladies cardiaques restent la première cause de décès dans le monde. Les experts soupçonnent que cela pourrait être dû à la maladie rénale chronique non diagnostiquée, qui augmente fortement le risque de décès d’une maladie cardiaque.

« La mortalité cardiovasculaire globale de la population ne diminue pas, elle est plutôt stable », souligne Jankowski. « Pour le moment, nous croyons que les maladies cardiovasculaires sont causées par les maladies rénales, et que les maladies cardiovasculaires en sont une conséquence. »

La MRC s’accompagne aussi de nombreux autres problèmes de santé qui ne semblent pas liés aux reins, mais le sont — comme l’hypertension, le cholestérol élevé ou les lésions nerveuses. « C’est beaucoup de symptômes qui accompagnent la maladie », explique Stephanie Corona, atteinte de polykystose rénale et actuellement en insuffisance rénale terminale. « On se sent constamment malade. »

Ces problèmes surviennent car le rein maintient de nombreuses fonctions corporelles, comme le contrôle de la tension artérielle et du niveau de liquide. Quand ce processus échoue, beaucoup d’autres problèmes apparaissent. « Le rein est le centre de l’équilibre homéostatique », explique Katherine Tuttle, néphrologue au University of Washington Providence Medical Research Center. « Quand vos reins lâchent, tout part de travers. »

 

LES SYMPTÔMES

Pour les personnes présentant des facteurs de risque, il est important de se faire tester régulièrement et de surveiller toute affection pouvant endommager les reins.

Les deux principaux tests sont un test urinaire, qui recherche la protéine albumine (indiquant des vaisseaux sanguins « fuyants »), et un test sanguin, qui mesure la créatinine, permettant d’estimer l’efficacité de la filtration rénale.

« N’ayez pas peur de faire des bilans », rassure Parikh. « Nous sommes très bons pour détecter la maladie rénale si nous avons l’occasion de la chercher. »

La détection précoce est essentielle pour ralentir la progression des lésions rénales, surtout avec les nouveaux traitements, très prometteurs.

 

OÙ EN EST LA RECHERCHE ?

Jusqu’à récemment, les options de traitement étaient limitées : essentiellement la dialyse ou la greffe de rein. Mais il y a eu une explosion de nouvelles thérapies ces dernières décennies, notamment des traitements pour la polykystose rénale et des traitements ciblant les maladies auto-immunes qui endommagent les reins.

Pour les patients dont la MRC résulte de l’hypertension ou du diabète de type 2, deux nouvelles classes de médicaments contre le diabète se sont révélées efficaces pour préserver la fonction rénale et réduire le risque cardiovasculaire : les agonistes du récepteur GLP-1 (comme Ozempic et Wegovy) et les inhibiteurs de SGLT2.

Un essai clinique récent sur l’Ozempic pour la MRC diabétique a même été arrêté prématurément, car le taux de mortalité dans le groupe Ozempic était bien plus bas que dans le groupe placebo, au point qu’il n’était plus éthique de continuer à donner le placebo.

Ces traitements peuvent même avoir un effet additif lorsqu’ils sont combinés.

« On peut vraiment ralentir considérablement la progression », avance Parikh. « On parle d’une différence en décennies. » Cela signifie éviter l’insuffisance rénale terminale (dialyse ou greffe) et réduire le risque de mourir d’une crise cardiaque ou d’un AVC.

Alex sait d’expérience l’importance du dépistage. Il a survécu à une insuffisance rénale après avoir reçu un rein de sa sœur, ce qui l’a inspiré à sensibiliser le grand public à la maladie. Son conseil principal ? Être à jour dans ses soins médicaux, y compris les bilans annuels, même si vous pensez être en parfaite santé. « Faites vos analyses », insiste-t-il.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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