Ces villes japonaises pourraient bien inspirer votre prochain haïku

Court poème de trois vers, le haïku moderne s'est développé au-delà des limites traditionnelles. Dans ces villes, tout est fait pour encourager votre créativité, avec des boîtes à haïkus jusque dans les tramways.

De Rob Goss
Publication 19 avr. 2024, 11:36 CEST

Un château féodal du 17e siècle surplombe Matsuyama, au Japon, la capitale autoproclamée du haïku. Les voyageurs ont l'occasion de s'informer sur cette forme de poésie courte et d'écrire eux-mêmes quelques vers sur les sites répartis dans tout le pays.

PHOTOGRAPHIE DE SEONJAE KANG

Sur le chemin qui sépare notre domicile de notre travail, certains d'entre nous dorment, tandis que d'autres consultent frénétiquement leur portable. Mais dans les tramways de la ville japonaise de Matsuyama, les passagers ont une autre option : écrire un haïku.

Matsuyama est la capitale autoproclamée de cette forme de poésie courte, vieille de plusieurs siècles, traditionnellement mais pas exclusivement composée de trois vers de cinq, sept et cinq syllabes. Montez dans les tramways de la ville et vous trouverez les boîtes à haïkus rectangulaires. Les passagers sont encouragés à rédiger un haïku sur une feuille de papier prévue à cet effet. Il suffit ensuite de la glisser dans la boîte pour le concours d'haïkus organisé par la ville. Si l'expérience vous a plu, vous pouvez, dans la soirée, vous arrêter dans l'un des bars à haïku de Matsuyama, pour rédiger un poème tout en sirotant une boisson.

Ce que nous appelons aujourd'hui haïku était à l'origine une strophe d'ouverture de poèmes plus longs. Du moins, jusqu'à ce que des poètes du 17e siècle tels que Matsuo Basho (1644-1694) popularisent leur existence propre en tant que poèmes courts, appelés alors hokku, ou comme accompagnement à la prose, un style connu sous le nom de haibun. Dans le cas de Basho, il intégrait souvent des haïkus dans ses carnets de voyage.

Plusieurs siècles plus tard, les haïkus sont étudiés dans les écoles japonaises, célébrés lors de compétitions nationales et promus à la télévision dans des émissions hebdomadaires.

Ce passe-temps traditionnel japonais a gagné en popularité dans le monde entier, et l'on trouve aujourd'hui des associations de haïku, en Europe (notamment en France, où existe l'Association francophone du Haïku) en Afrique et en Amérique du Nord. Il existe même une Journée internationale du haïku, célébrée le 17 avril, organisée par la Haïku Foundation, une organisation internationale.

Voici comment suivre la piste du haïku dans le pays qui l'a vu naître.

 

QU'EST-CE QU'UN HAÏKU ?

Comme l'écrit Julie Bloss Kelsey dans la rubrique New to Haiku de la Haiku Foundation, le haïku moderne s'est développé au-delà des limites traditionnelles.

Cette illustration de Matsuo Basho, le maître du haïku au 17e siècle, a été réalisée par l'artiste renommé Katsushika Hokusai (1760-1849). Au Japon, beaucoup de poèmes courts de Basho sont reproduits sur des monuments et bâtiments historiques.

ILLUSTRATION DE Katsushika Hokusai, via History, Bridgeman Images

« En Japonais, un haïku s'écrit en dix-sept on, ou unités de sons. Les On ne se traduisent pas directement en syllabes dans les autres langues, notamment en anglais. Certains érudits spécialistes du haïku avancent que cette fausse idée a conduit les haïkus anglais à être trop verbeux », explique-t-elle. « C'est pourquoi on voit souvent des haïku modernes avec moins de dix-sept syllabes. Les Haïku peuvent être écrits avec un, deux, trois ou quatre vers, voire plus. Bien que les haïkus de trois vers en anglais soient les plus courants, les haïkus composés d'un vers, aussi appelés monoku, deviennent de plus en plus populaires. »

Ce n'est pas la seule évolution depuis l'époque de Basho. Même si les haïkus contiennent habituellement des mots se rapportant aux saisons, ou kigo en japonais, ils ne doivent pas forcément parler des fleurs de cerisiers éphémères ou bien des feuilles d'automne. Les émotions humaines, les instants de vie, ou un chihuahua bien-aimé font de tout aussi bons sujets. De la même façon, un haïku peut canaliser de la mélancolie, de l'humour, et tous les sentiments que l'on souhaitera y mettre.

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    L'un des plus vieux établissements thermaux japonais, Dogo Onsen Honkan à Matsuyama, possède une boîte à haïkus où l'on peut déposer ses poèmes.

    PHOTOGRAPHIE DE SEONJAE KANG

     

    LES MEILLEURS ENDROITS POUR DECOUVRIR LE HAÏKU

    Lorsque l'on voyage au Japon, il n'est pas rare de trouver des haïkus sous diverses formes. Plusieurs sites se vantent d'une connexion avec l'un des « quatre grands » poètes du monde des haïkus : Yosa Buson (1716-1784), Kobayashi Issa (1763-1828), Masaoka Shiki (1867-1902) et, le plus célèbre de tous, Basho.

    Basho a parcouru la région de Tohoku, au nord de l'île principale du Japon, au cours d'un périple de cinq mois documenté dans le récit de voyage classique rédigé en haïku Oku no Hosomichi (La Sente étroite du Bout-du-Monde)On peut y suivre ses pas jusqu'au temple de Yamadera, situé à flanc de montagne, où le paisible sentier boisé inspira à Basho l'un de ses poèmes les plus célèbres :

    immobilité
    le chant des cigales
    pénètre dans la roche

    À Tohoku, il est également possible de visiter la ville de Hiraizumi, inspiration du poème morose de Basho, « herbes d'été / tout ce qui reste / des rêves des guerriers. » À Hiraizumi, on trouve cependant bien plus que des champs verts, notamment le temple Chusonji, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, et sa salle dorée de Konjikido.

    Un éventail peint par l'artiste du 18e siècle Yosa Buson illustre un épisode du récit de voyage du maître des haïkus, Basho, Oku no Hosomichi (La Sente étroite du Bout-du-Monde).

    PHOTOGRAPHIE DE Yosa Buson, Mary Griggs Burke Collection, The Metropolitan Museum of Art

    Dans l'est de Tokyo, dans une ancienne région rurale dont Basho était originaire, on trouve aujourd'hui le musée Basho au sein d'une zone d'expansion urbaine des vingt-trois quartiers. Il existe au Japon d'autres musées Basho : l'un se trouve sur son lieu de naissance, à Iga Ueno, dans la préfecture de Mie ; et les autres dans plusieurs villes sur son itinéraire d'Oku no Hosomichi. 

    Et puis, il y a Matsuyama, la capitale d'haïku du Japon. Située sur la plus petite des quatre îles principales du pays, Matsuyama est la ville natale de Masaoka Shiki, qui, avant de mourir de tuberculose à trente-quatre ans en 1902, a inventé le terme haïku (qui signifie « jeu de mots ») et insufflé un nouveau souffle à cet art en encourageant une plus grande diversité de sujets et l'utilisation d'un langage non traditionnel. Il a même écrit le premier haiku sur le baseball :

    herbes d'été
    des joueurs de baseball
    au loin

    Vous ne pouvez pas passer un jour à Matsuyama sans voir la connexion avec les haïkus. Comme dans les tramways, vous trouverez des boîtes à haïkus dans le château de Matsuyama, perché sur une colline et au Dogo Onsen Honkan, l'un des plus vieux établissements thermaux du Japon, au cas où un haïku vous vienne à l'esprit pendant la baignade. La municipalité de Matsuyama a également fait installer des boîtes à haïkus dans des villes jumelles à l'étranger, notamment à Bruxelles, en Belgique, à Fribourg, en Allemagne et à Taipei, à Taïwan. 

    L'établissement thermal Dogo Onsen est l'un des quelques endroits à Matsuyama au Japon liés aux haïkus.

    PHOTOGRAPHIE DE Seonjae, Kang

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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