Coup de cœur pour le parc national de Canyonlands, aussi beau que méconnu

Malgré ses canyons aux roches écarlates, ses buttes, ses mesas et les deux grands cours d’eau majeurs qui le traversent, le parc national de Canyonlands reste peu connu des randonneurs.

De Jon Waterman
Publication 31 août 2021, 14:56 CEST
Van Life - Road Trips During The COVID-19 Pandemic

Le Soleil perce la Mesa Arch au parc national de Canyonlands aux États-Unis. Il est le plus grand parc national de l’Utah encore inexploité. Traversé par deux cours d’eau majeurs, il offre la possibilité d’y vivre de vraies aventures de campagne, révélant des paysages pittoresques.

PHOTOGRAPHIE DE Josh Brasted,Getty Images

Le parc national de Canyonlands aux États-Unis fait plus de deux fois la superficie du parc national du Mercantour en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il offre la possibilité de vivre des expériences en immersion dans la nature : vélo de montagne, randonnées, canyoning et balades en quad ou en bateau. Les visiteurs s’y rendent en quête de recueillement ou d’aventure.

Selon les archéologues, des peuples nomades ont traversé la région il y a de cela 9 000 ans. Auparavant, les Anasazis cultivaient les terres de la région. Leurs œuvres d’art rupestres sont encore visibles aujourd’hui. La géographie du site est accidentée et escarpée. Ces conditions ont permis de préserver la zone jusqu’au 19e siècle, lorsqu’une armée de prospecteurs d’uranium y a construit des kilomètres de routes en quête de minéraux de valeur. Même si les mineurs ont fini par quitter les lieux, les routes, elles, sont bien restées.

The Loop, un bras-mort double au parc national de Canyonlands. Ce type de façonnement témoigne de la puissance du fleuve, capable de se creuser sa propre voie. Les formations géologiques au milieu de ce méandre mesurent plus de 152 mètres, soit la hauteur d’un immeuble de 40 étages.

PHOTOGRAPHIE DE Pete McBride, Nat Geo Image Collection

La confluence entre la Green River, longue de 1 126 km, et du fleuve Colorado, qui s’étend sur plus de 2 300 km, forme un point d’ancrage orienté vers le nord-ouest qui divise le parc en trois parties. Au nord se dresse Island in the Sky, une mesa qui offre une vue d’ensemble sur le fleuve, situé 600 mètres plus bas. Au sud, The Needles, où les pinacles rouge et blanc, les grabens et les arches se comptent en nombre. À l’ouest de la confluence se trouve The Maze, l’endroit idéal pour se perdre dans l’étude des œuvres d’arts rupestres ancestrales.

En juillet 1869, après avoir ramé pendant deux mois depuis la source de la Green River, John Wesley Powell a rejoint la confluence au cours de sa légendaire première descente de rivière. Après avoir escaladé les parois, il a décrit la vue qui s’étendait devant ses yeux dans son livre Les Canyons du Colorado.

« Du nord-ouest descend la Green en une gorge étroite et sinueuse. Au nord-est, le Grand [Colorado] passe à travers un canyon qui paraît sans fond d’où l’on se tient. Plus loin à l’ouest s’enchaînent des rangées de falaises et de corniches rocheuses. »

En 1992, les représentants des régions bordant le fleuve Colorado ont signé le Colorado River Compact, un accord qui l’a réparti entre sept États et le Mexique. Ils ont estimé son débit à plus de 25 milliards de mètres cubes par an. Cette quantité d’eau suffit à approvisionner 35 millions de logements modernes, même si 80 % de l’eau du fleuve est utilisée pour l’agriculture. Seulement, ils ont établi leurs calculs lors de la période la plus humide de l’histoire.

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    Un explorateur se penche au-dessus d’un canyon traversé par le fleuve Colorado. Cette photo est issue d’un magazine National Geographic datant de 1914.

    PHOTOGRAPHIE DE Emery et Ellsworth Kolb, Nat Geo Image Collection

    En 2018, après des années bien plus sèches, le volume du fleuve a chuté à 15 milliards de mètres cubes, bien moins que ce qui avait été partagé entre la Californie, le Nevada et l’Arizona pour le bassin inférieur, le Nouveau-Mexique, l’Utah, le Colorado et le Wyoming pour le bassin supérieur ainsi que le Mexique.

    En août, pour la première fois depuis que le barrage a été érigé dans les années 1930, le gouvernement fédéral a déclaré une pénurie d’eau au lac Mead, l’un des principaux réservoirs du fleuve. Entre le changement climatique et la croissance démographique, cette méga-sécheresse illustre la crise durable que les experts décrivent dans le sud-ouest américain.

    Pourtant, au début de l’été, au cœur du parc national de Canyonlands, les plaisanciers peuvent se mesurer à des rapides coriaces. Il est ainsi difficile de se rendre compte de ladite pénurie pour le moment. Cela s’explique facilement : les deux barrages principaux du fleuve Colorado sont situés en aval.

     

    LA CRÉATION D’UN PARC NATIONAL

    La création du parc national de Canyonlands s’est déroulée à l’aube du mouvement écologiste moderne. En 1961, le sénateur Frank Moss a introduit la première règlementation pour le parc, soutenu par Stewart Udall, le secrétaire à l’Intérieur des États-Unis. Néanmoins, le gouverneur George Clyde et le sénateur Wallace Bennett se sont opposés à la proposition en stipulant qu’elle paralyserait les terres de l’Utah. Une vive controverse s’ensuivit.

    Il fallait concilier les exigences de ce que M. Udall appelait les « puristes du paysage » et les « chasseurs de ressources ». En 1963, les sénateurs Frank Moss et Stewart Udall ont trouvé un compromis. La superficie proposée pour le parc a été réduite, excluant les portions réservées à la chasse, au pâturage ou à l’exploitation des minéraux. De nouveaux débats et de nouveaux compromis ont suivi. Un délai a permis au département de la Défense des États-Unis de lancer des missiles au-dessus du supposé parc.

    En 1963, les défenseurs de l’environnement ont dû faire face à un nouveau coup dur : la construction d’un barrage au-dessus du magnifique Glen Canyon, juste en aval de la frontière proposée pour le parc. Ils avaient pourtant réussi à empêcher la construction d’un barrage en amont du parc, dans l’Echo Park, aujourd’hui renommé Dinosaur National Monument.

    Les parois du canyon entourent ces randonneurs qui partagent leur dîner autour du feu au Lavender Canyon. Cette photo d’archive est tirée d’un magazine National Geographic daté de 1962.

    PHOTOGRAPHIE DE W. Robert Moore, Nat Geo Image Collection

    À mesure que l’eau s’accumulait dans le Glen Canyon et s’écoulait en amont vers Canyonlands, le président Lyndon B. Johnson a finalement inscrit la loi sur le nouveau parc dans la législation le 12 septembre 1964, quatre jours après avoir signé la Loi sur la protection de la nature.

    Canyonlands était le premier parc national à voir le jour en sept ans, depuis la création du parc national des îles Vierges

     

    UN HÉRITAGE ANCESTRAL

    La plupart des visiteurs se rendent à Island in the Sky. La zone The Needles, également accessible par la route, n’attire qu’un faible pourcentage de visiteurs. The Maze et ses labyrinthes de canyons pointus appelés The Doll House restent l’un des endroits les plus isolés et les moins fréquentés des États-Unis contigus.

    Horseshoe Canyon, une section détachée du parc au nord-ouest de la zone principale, est réputé pour ses artefacts datés de 9 000 ans. L’art rupestre y a été pratiqué par des nomades de la période archaïque, contrairement à la plupart des autres panneaux du parc. Certaines œuvres pourraient avoir jusqu’à 7 000 ans. Cette région est particulièrement célèbre pour la Great Gallery, où l’on peut admirer plus de quatre-vingts silhouettes anthropomorphes peintes à l’ocre. Certaines mesurent jusqu’à 2,40 m.

    Le peuple ancestral des Anasazis, nom signifiant « anciens ennemis » en navajo, a migré vers The Needles pour la première fois vers l’an 1200. On pense qu’ils ont quitté Mesa Verde, située à environ 150 km au sud-est, lorsque la région a commencé à devenir surpeuplée. Par la suite, ils ont érigé des habitations et des greniers pour conserver les courges, le maïs et les haricots. On en retrouve encore quelques-uns éparpillés dans le parc.

    La Great Gallery au Horseshoe Canyon renferme des peintures rupestres détaillées de silhouettes humaines esquissées par les Anasazis entre 2000 av. J.-C. et 500 apr. J.-C.

    PHOTOGRAPHIE DE Stephen Álvarez, Nat Geo Image Collection

    Les anneaux de croissance des arbres révèlent que ce peuple a vécu brièvement au sein de Canyonlands, au cours d’une période humide qui permettait à l’agriculture de prospérer. Ils portaient des robes en fourrure ou en plumes, des sandales en fibres végétales et des bijoux faits de coquillages, d’os ou de pierres. Outre les plantations, ils cueillaient des graines de pignons, des grains de riz sauvage, des graines de tournesol et des graines de moutarde. Ils les moulaient pour en faire de la farine. Ils élevaient des chiens et des dindes.

    Au 12e siècle, la pluie a cessé. Les Utes, adeptes de la guerre, sont arrivés. Selon certains archéologues, la combinaison de la sécheresse et de l’arrivée de nouveaux venus a obligé les Anasazis à se rendre plus au sud et à abandonner la région de Canyonlands. Encore aujourd’hui, on peut apercevoir des tessons de poterie pointant hors du sable, près des greniers qui ont subsisté. Les visiteurs sont priés de ne pas toucher à ces artefacts.

    La vie des Anasazis n’est pas difficile à imaginer au milieu de ces sites en ruines. Les représentations de mouflons canadiens ou de chasseurs se mêlent à celles des croissants de Lune, d’éclairs ou de serpents.

    Les grands espaces du parc national de Canyonlands offrent le décor idéal pour du camping en pleine nature.

    PHOTOGRAPHIE DE Emily Ogden, Nps

    Outre les formes anthropomorphes gardiennes des murs minutieusement tracées sur les parois, les artistes ont laissé des empreintes « en négatif » dans tout le parc. En crachant sur leurs mains apposées aux murs un mélange de gypse, d’urine et d’achillée millefeuille, ces anciens habitants ont inscrit leur signature accompagnée d’un soupçon de chair et de sang.

    En vous approchant des murs de Wingate, tout en prenant soin de ne pas toucher ou salir les œuvres qui y figurent, vous pouvez ressentir la chaleur dégagée par le grès, la même que ces artistes ancestraux ressentaient. C’est presque comme s’ils étaient passés par là la veille.

    Une version de cet article a initialement paru dans le National Geographic Atlas of the National Parks (Atlas des parcs nationaux de National Geographic). Cet ouvrage emporte ses lecteurs dans un voyage épique à travers les caractéristiques extraordinaires et singulières qui différencient ces régions sauvages.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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