Pélerinage : Shikoku Henro et ses 88 temples

Ce chemin de pèlerinage exigeant permet de découvrir des temples bouddhistes, des montagnes enveloppées de brume, des bains de vapeur et des traditions culturelles ancestrales.

De Norie Quintos
Publication 11 avr. 2024, 19:16 CEST
Shikoku pilgrimage-Temple of Everlasting Happiness

Situé à l'extrême sud de l’île de Shikoku, Kongofukuji, le Temple du bonheur éternel, est le trente-huitième des quatre-vingt-huit temples que compte le Shikoku Henro.

PHOTOGRAPHIE DE David Madison, Getty Images

Inclinez-vous respectueusement à la porte du temple. Rincez vos mains et votre bouche à la fontaine. Sonnez la cloche. Dans le hall principal, laissez un bout de papier avec votre nom et votre souhait, allumez une bougie et trois bâtons d'encens, jetez des pièces de monnaie dans la boîte à offrandes et récitez des soûtras. Faites tamponner votre carnet de pèlerin. Sortez et inclinez-vous à nouveau. Suivez les marques rouges jusqu'au temple suivant.

Répétez ainsi l'opération quatre-vingt-sept fois… si votre souhait est de visiter tous les temples, bien entendu.

Sur le Shikoku Henro, l'un des plus longs chemins de pèlerinage du Japon, les coutumes ancestrales sont nombreuses mais il existe peu d’injonctions. Vous n'êtes même pas obligé de le sillonner à pied : de nombreux Japonais effectuent le circuit en voiture ou en bus ; d'autres prennent le train ou un vélo. Le chemin peut être parcouru dans un sens comme dans l’autre. Le circuit peut également être divisé en plusieurs segments. Il vous est possible de porter la traditionnelle veste en coton blanche ou d’afficher fièrement votre marque d'équipement outdoor de prédilection, comme la plupart d'entre nous l'ont fait lors de la visite en petit groupe à laquelle j'ai participé en septembre dernier pour parcourir une section de sept temples.

« Le bouddhisme est davantage un mode de vie qu'une religion qui vous dit ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire », explique David Moreton, un chercheur de Shikoku spécialisé dans le Henro. « Mais il est important de faire preuve de respect. »

L'intérêt pour les longues marches n'a jamais été aussi fort. Le célèbre chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, s’est vu parcourir par un nombre record de 446 000 pèlerins l'année dernière. Le Shikoku Henro n'en accueille qu'une fraction. Néanmoins, le nombre de visiteurs étrangers et de personnes venant le parcourir semble augmenter.

Dans chaque temple, les pèlerins peuvent recevoir des cachets rouges uniques et des calligraphies dessinées à la main dans leur carnet de pèlerinage.

PHOTOGRAPHIE DE David Madison, Getty Images

La route circulaire traverse les quatre préfectures de Shikoku, la quatrième plus grande île du Japon. Le Shikoku Henro constitue comme un assemblage de divers paysages et époques témoignant du millénaire qu’il a traversé. Ce chemin vers l'illumination passe par de petites fermes familiales, des axes routiers très fréquentés et des rues de banlieue ponctuées de distributeurs automatiques. Toutefois, la route révèle aussi de vastes panoramas côtiers et des paysages de l'époque d’Edo tout droit sortis d'une gravure sur bois d'Utagawa Hiroshige.

 

LES 88 TEMPLES DU SHIKOKU HENRO

L'endroit le plus évident où commencer est le premier temple, dans la préfecture de Tokushima, au nord-est de l'île. À côté d’une mare remplie de carpes, Jun Hashiba, guide pour le voyagiste Oku Japan, basé à Kyoto, a tenté de répondre aux questions sur la manière dont un moine japonais né au 8e siècle avait pu inspirer le développement d'un circuit de plus de 1 120 kilomètres reliant quatre-vingt-huit temples encore visités voici plus d'un millénaire de cela. « Tout le monde connaît Kūkai ; nous l'étudions à l'école », affirme Jun Hashiba.

Né sur cette île, Kūkai a fondé l'une des écoles bouddhistes les plus populaires du pays, appelée Shingon-shu. Il n’est pas uniquement révéré pour ses enseignements ésotériques, qui portent bien leur nom. « Nous l'admirons surtout pour ses talents de poète, d'érudit et d'artiste ; c'était un grand calligraphe », explique Jun Hashiba. Les exploits de Kūkai, péripatéticien et polymathe, se sont transformés en légende et ont finalement conduit au renom de l'itinéraire actuel. Jun Hashiba nous a indiqué que les vraies réponses nous viendraient une fois que nous aurions commencé à marcher.

Le tronçon d'un peu moins de 6,5 kilomètres entre les temples 20 et 21 est bordé de cyprès, de cèdres et de bambous gigantesques. Des rochers recouverts de colliers de fleurs, incarnations de divinités, nous tiennent compagnie, de même que des statuettes de moines en pierre, à la poitrine vermillon, appelées Jizō, gardiennes des enfants et des voyageurs. Kūkai, de son titre posthume Kobo Daishi, était également présent, personnifié par le bâton de pèlerin sur lequel sont inscrits des mots signifiant « voyager ensemble ».

« Quand je marche, je pense parfois trop, mais je continue à marcher, et alors je ne pense plus à rien, dans le bon sens du terme », révèle Tomoko Imaizumi, une guide qui a effectué le pèlerinage quatre fois.

Au Temple du Grand Dragon (21e), dont une partie date du 12e siècle, il est facile de comprendre pourquoi tant de religions construisent leurs autels au sommet des montagnes. Dans ses écrits, Kūkai affirme avoir grimpé jusqu'au nid d’aigle situé au sommet du mont Tairyuji et avoir récité des mantras un million de fois. Malgré les mystères qui entourent le bouddhisme de l’école Shingon-shu, nous avons connaissance de son fondement : toute chose fait partie d'un tout cosmique et l'illumination peut être atteinte par tout un chacun. « J'ai reçu tant de bénédictions de la part des Henro », déclare Kizumi, une femme que j'ai rencontrée au Anrakuji (6e), Temple de la joie éternelle. Elle ne m'a pas donné son nom de famille mais a pressé dans ma main un bracelet vert pâle fait de ficelle.

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    La veste de coton blanche, le chapeau conique et le bâton de marche traditionnels permettent d'identifier les pèlerins, connus sous le nom de o-henro-san, parmi les randonneurs.

    PHOTOGRAPHIE DE John Lander, Alamy Stock Photo

     

    UN CHEMIN PAVÉ DE BONNES INTENTIONS

    Les pèlerins qui parcourent le chemin parlent invariablement de la gentillesse des habitants. C'est la culture de l'osettai, une caractéristique unique du pèlerinage de Shikoku. « J'en fais l'expérience presque tous les jours en tant que pèlerin », témoigne Tomoko Imaizumi. « D'habitude, c'est une mandarine ou des sucreries, [mais] une fois, une femme a arrêté sa voiture et en a bondi pour me donner 300 yens (1.83 €). »

    Près de Ryozenji, le Temple du pic du vautour (1er), notre groupe a rencontré Ranshu Yano, maître de l’aizome, un art en perdition. La région de Tokushima produit de l'indigo naturel pour la teinture. Les textiles indigo étaient autrefois utilisés pour les vêtements des samouraïs.

    Ranshu Yano nous a invités à entrer dans son atelier pour assister à une partie de ce processus minutieux. Il fait glisser le couvercle d'une grande cuve. Le mélange bleu doit être inspecté, remué et laissé à fermenter.

    « C'est une chose vivante », indique-il en levant en permanence ses mains bleues. « Je dois le sentir ». Les textiles finis sont transformés en magnifiques kimonos.

    Sur le Shikoku Henro, les cadeaux se présentent sous toutes les formes, le plus important d’entre eux étant la chance d'entrer en contact avec des personnes encore liées à la terre, à l'art et aux traditions abandonnées depuis longtemps dans d'autres endroits. « Les gens font ce que je fais depuis un millier d'années », explique Ranshu Yano. « Je me situe au milieu, entre le passé et l'avenir. »

    CE QU'IL FAUT SAVOIR

    L’île de Shikoku est accessible depuis Tokyo par voie aérienne, ferroviaire ou routière. Il faut compter en moyenne six semaines pour parcourir le Shikoku Henro. Aucun entraînement particulier n'est requis mais il vous faudra avoir l'esprit d'aventure et une bonne condition physique. Vous trouverez davantage d’informations ici. Pour célébrer le 1 250ᵉ anniversaire de la naissance de Kūkai, les temples offriront des cachets et des carnets de pèlerins spéciaux jusqu'en décembre 2024.

    Les principaux temples

    Awa Kokubunji (15e) est l'un des trois seuls temples zen. Les temples Kakurinji (20e) et Tairyuji (21e), quant à eux, sont connus pour les superbes randonnées qui les relient. Enfin, le Kongofukuji (38e), au cap Ashizuri, constitue un site follement pittoresque.

    Les voyagistes
    Divers voyagistes, dont National Geographic ExpeditionsOku Japan et Shikoku Tours, proposent des circuits guidés et autoguidés allant d'une journée à plus de dix jours.

    À quel moment partir

    Les meilleures périodes pour visiter la région vont de mars à mai, saison des cerisiers en fleur, et d'octobre à novembre, pour admirer le feuillage d'automne.

    Ce qu'il faut voir à Shikoku

    Ne manquez pas les ponts en lianes de vignes de la vallée de l'Iya, le sanctuaire shinto Kotohira-gu, situé sur le flanc du mont Zôzu, et le célèbre jardin Ritsurin-koen.

    Cet article a été réalisé avec le soutien d'Oku Japan. Il a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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