À la découverte des cités perdues d’Amérique

Des civilisations américaines oubliées revoient le jour après des siècles passés dans l’obscurité. Leur complexité et leur ampleur ne cessent d’étonner les archéologues.

De Patricia S. Daniels
Publication 9 déc. 2021, 16:06 CET
Mayan Temples of Caracol

Le Soleil se couche derrière les temples mayas de Caracol, dans l’ouest du Belize. Après 1 000 ans d’oubli, le site a été redécouvert en 1937 par un bûcheron et n’a pas tardé à être fouillé par des archéologues.

PHOTOGRAPHIE DE imageBROKER, Alamy Stock Photo

Qu’entend-on vraiment par cité « perdue » ? Nous savons où se trouvent les vestiges de la plupart des grandes cités des temps anciens. Et nous savons que de nombreux endroits fréquemment considérés comme perdus n’étaient pas inconnus des peuples qui habitaient les régions où ils se trouvaient.

En général, ce qui est perdu, ce n’est pas l’endroit où se trouve une ville tant que son histoire, sa façon d’exister dans le monde. Toute la culture des anciennes cités et petites villes se trouvait dans leurs rues bondées : maîtres et ouvriers, nourriture et bagarres, marchés et temples, enfants et animaux. Quand les cités ont disparu, ces traces humaines se sont évanouies avec elles.

Le travail d’un archéologue est de reconstituer ces histoires brique par brique. Dans le monde entier, les archéologues découvrent aujourd’hui encore des centres urbains importants qui témoignent du raffinement des cultures anciennes. De nouvelles découvertes réalisées grâce au lidar (détection et mesure de distance par onde lumineuse) ont mis au jour des centaines de centres cérémoniels olmèques et aztèques à travers le Mexique.

Mais la préservation de ces cités anciennes n’est pas de tout repos. L’exploitation minière et les forages pétroliers ou gaziers menacent les fragiles sites anasazis de Chaco Canyon, au Nouveau-Mexique. Cela a poussé Joe Biden à proposer une interdiction des forages pendant 20 ans dans un rayon de 16 kilomètres autour des maisons en grès élaborées et des kivas circulaires qui s’y trouvent.

En partant à la découverte de Chaco et d’autres terres anciennes des Amériques, les aventuriers s’offriront un gros plan sur le passé et comprendront pourquoi la sauvegarde de ces sites est importante. Avant de vous lancer, préparez bien votre voyage et étudiez les trois cités d’Amérique Centrale et du Nord dont parle cet article. Après une traversée du désert, elles sont désormais sur toutes les cartes des archéologues, des conservateurs et des voyageurs.

 

CHACO CANYON 

Du 9e siècle au 13e siècle de notre ère, les Anasazis pratiquaient l’agriculture, faisaient du commerce, et organisaient des cérémonies religieuses dans le haut désert, autour de Chaco Canyon, dans l’actuel Nouveau-Mexique. Pour arroser leurs cultures de maïs, de courges et de haricots, les habitants redirigeaient le flux intermittent des rivières de la région dans des canaux et des fossés. Les marchands rapportaient des produits exotiques tels que des aras rouges et de la graine de cacao échangés plus au sud auprès des peuples mésoaméricains.

La civilisation chacoane a commencé à se déliter vers 1140, possiblement à la suite d’une série de sécheresses graves. À la fin du siècle, la région était à l’abandon complet. Bien que des peuples amérindiens (notamment les Ute et les Shoshone) aient investi les lieux dans les siècles qui ont suivi, le premier voyage à Chaco Canyon dont on ait la trace est une expédition mexicaine de 1823 qui a mené à la découverte de ces anciennes ruines.

Pueblo Bonito est la plus célèbre des villes anasazies de Chaco Canyon, au Nouveau-Mexique.

PHOTOGRAPHIE DE Phil Schermeister, Nat Geo Image Collection

La société de Pueblo Bonito est la plus célèbre des villes chacoanes et c’est aussi le principal point d’intérêt du Chaco Culture National Historical Park. On en parle comme d’une « gigantesque maison » mais pour un esprit d’aujourd’hui c’est plutôt un complexe d’appartements en forme de « D ». Des bâtiments hauts de quatre étages ont pu y abriter environ 600 salles qui servaient à vivre, à entreposer, à organiser des cérémonies et des enterrements. Les murs étaient maintenus ensemble par de l’adobe, enduits de plâtre et badigeonnés de chaux à l’intérieur, et parfois ornés de motifs peints.

Plus de trente kivas (des excavations circulaires) accueillaient les cérémonies religieuses des Anasazis. Au 13e siècle, pour des raisons qu’on ignore, les Chacoans se sont mis à abandonner leurs lieux de vie pour s’exiler dans d’autres régions du sud-ouest.

Le peuple chacoan n’avait pas de langage écrit. Les connaissances des spécialistes à leur sujet proviennent de leurs sépultures. Une chambre funéraire renfermait par exemple treize corps de notables entourés de perles turquoise, de coquilles, de bols et de cruches. Des analyses ADN ont montré que ces individus étaient pour la plupart liés par leur mère ou leurs grands-mères, ce qui tend à montrer que Pueblo Bonito était administrée par une dynastie matrilinéaire.

Les voyageurs peuvent découvrir ce site inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO grâce à des visites guidées, des circuits organisés par des rangers à travers la ville, des sentiers de randonnées et de vélo ou bien en y faisant du camping et en assistant à des interventions vespérales autour d’un feu de camp. Le canyon de Loop Drive, qui fait près de 15 kilomètres de long, comprend de multiples ruines, dont font partie Pueblo Bonito et Chetro Ketl, qui en sont les villages les plus grands et les plus raffinés. Quatre sentiers de randonnées mènent les visiteurs à des sites chacoans reculés et traversent des routes anciennes, des pétroglyphes, des descentes d’escaliers et offrent des panoramas spectaculaires sur la vallée.

Chaco fait également partie de l’association International Dark Sky et est donc protégé de la pollution lumineuse. La surface du parc est totalement dépourvue d’éclairage extérieur permanent, ce qui garantit une qualité d’observation supérieure pour les astronomes amateurs. De temps en temps, on y organise des événements en rapport avec l’espace et notamment des camps astronomiques et des observations des lueurs du ciel avec des télescopes.

 

CARACOL, LA MÉTROPOLE MAYA DU BELIZE

En 1937, un bûcheron est tombé par hasard sur des monuments de pierre sculptés et verticaux dans une forêt du Honduras britannique (actuel Belize). Des archéologues ont fini par mettre au jour d’autres monuments mais également des tombeaux, des terrasses et des lieux de vie situés aux confins du site. Le bûcheron avait redécouvert une ville qu’on appelle désormais de son nom espagnol : Caracol (ce qui signifie « escargot » ou « coquille » et fait référence à la route sinueuse qui y mène).

Des études ultérieures ont révélé que la ville avait une des métropoles les plus importantes de l’empire maya, qui s’étendait du Mexique jusqu’au Nicaragua, plus au sud. De nos jours, Caracol est un des sites les mieux préservés du Belize.

Centre urbain de près de 20 kilomètres de diamètre, Caracol a accueilli à son apogée (de 250 à 950 de notre ère) au moins 100 000 habitants. Les caracoleños vivaient en groupes résidentiels dispersés et nichés dans les terrasses. L’élite maya vivait au centre de la cité où se trouvait un palais royal surélevé et des places officielles. Comme dans de nombreuses cités mayas, on trouve à Caracol des terrains en pierre servant au jeu de balle, dans lequel les pratiquants faisaient tout pour maintenir une balle en caoutchouc en l’air.

La curiosité principale de Caracol est le « Caana », pyramide d’une quarantaine de mètres de hauteur qui semble sortir du sol de la jungle et qui renferme quatre palais et trois temples. Les salles du palais étaient à l’origine enduites de stuc blanc et décorée avec des pigments rouges.

Une des découvertes les plus intrigantes réalisées à Caracol est le fait que les femmes semblent y avoir occupé des rangs élevés dans la hiérarchie sociale. Bien que les femmes soient rarement représentées sur les monuments du site, on les honorait en les enterrant dans les mêmes tombeaux que l’élite à l’intérieur de la cité. Certains pictogrammes représentant des individus parés de jupes servant de costumes à l’effigie du dieu du maïs ont suscité le débat quant au sexe de ceux-ci.

Entre les années 880 et l’an 1000, Caracol a été abandonnée. À l’inverse d’autres cités, elle ne doit pas sa perte à une sécheresse. On a plutôt de bonnes raisons de penser que la société caracolienne s’est stratifiée à mesure que l’élite s’est accaparée ses biens. À la fin du neuvième siècle, le palais a brûlé. L’agitation sociale et de possibles assaillants venus de l’extérieur ont peut-être mis fin à la domination séculaire de la cité maya de Caracol.

Pour se rendre à Caracol, la route est longue et difficile, il faut conduire sur des routes en terre qui filent vers le sud et traversent San Ignacio, Santa Elena ou Georgeville, des villes situées le long de la Western Highway. Un projet visant à goudronner les routes menant à Caracol a été lancé en 2020.

Mais ce long voyage est récompensé par plus de 10 000 hectares de miracles : une acropole centrale entourée de trois places, deux arènes de sport et une multitude de structures plus petites. Au centre d’accueil des visiteurs, près de l’entrée, sont exposés des artéfacts retrouvés sur le site ainsi que des diagrammes et des photos revenant sur des décennies de fouilles archéologiques. Il est recommandé de réserver une visite du site à l’avance à San Ignacio ou à San Elena.

 

LES MISSISSIPPIENS DE CAHOKIA

À environ six kilomètres de l’actuelle Saint-Louis, dans le Missouri, la présence cahokienne a émergé de plaines inondables riches situées au confluent du Mississippi, du Missouri et de l’Illinois. Des agriculteurs se sont installés sur ces terres fertiles dès l’an 600. Ils y cultivaient de la courge, des tournesols et du maïs. À cette époque, Cahokia était la plus grande cité au nord du Mexique. Elle comptait entre 10 000 et 20 000 habitants et n’avait donc rien à envier aux villes européennes d’alors.

Le déclin de la société cahokienne a commencé au 13e siècle, et en 1350 il n’y avait plus personne sur le site. Plusieurs centaines d’années se sont écoulées avant qu’elle ne soit redécouverte par des explorateurs français au 17e siècle.

Le tertre des Moines est la pièce maîtresse du site historique des Cahokia Mounds, vestige d’une cité mississippienne près de Saint-Louis, dans le Missouri.

PHOTOGRAPHIE DE Ira Block, Nat Geo Image Collection

De nos jours, ce que les visiteurs peuvent voir au Cahokia Mounds State Historic Site s’apparente à de simples buttes recouvertes de végétation, mais il faut s’imaginer qu’elles ont un jour formé plus de cent structures surélevées. On y trouvait d’ailleurs une place centrale immense faisant la taille de 45 terrains de football.

Le plus grand édifice est une structure haute de 30 mètres qu’on appelle Monks Mounds, le tertre des Moines, et qui tire son nom des trappistes qui habitaient là au 19e siècle. Sa base, qui s’étend sur plus de cinq hectares, est plus large que celle de la pyramide de Khéops, en Égypte. Plus de 200 millions de mètres cubes de terre extraite de fosses encore visibles ont été nécessaires à sa construction. Ce type d’effort organisé exige une société centralisée et hiérarchisée.

Les historiens savent peu de choses au sujet des maîtres de la cité ou de son histoire sinon qu’elle formait un centre marchand, artisanal et agricole cosmopolite. Elle était habitée par les Mississippiens, qui échangeait des produits avec des peuples septentrionaux de l’actuel Wisconsin et avec des civilisations mésoaméricaines. À l’instar des Mésoaméricains, les Cahokiens étaient friands de jeux comme le « chunkey », qui consistait à lancer des bâtons sur une pierre après l’avoir fait rouler.

Les rites funéraires cahokiens, semblables à ceux de civilisations méridionales comme les Aztèques, incluaient parfois des sacrifices humains. Sur le site, le « monticule 72 » renferme des dizaines de corps, d’hommes et de femmes, dont certains ont été décapités.

Vers l175, à en juger par les murs d’enceinte en bois qu’ils ont érigés tout autour du centre de la cité, quelque chose ou quelqu’un a commencé à embêter les Cahokiens. La cité était peut-être aussi moins vivable à cause d’un refroidissement du climat et d’un stress environnemental local. En 1350, la population s’était complètement dispersée. De l’herbe a poussé sur les monticules, des agriculteurs en ont aplani d’autres, et le gouvernement américain a fait passer une autoroute en plein milieu de la cité au milieu du 20e siècle.

Aujourd’hui, les vestiges de Cahokia sont inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO et forment un exemple éminent de ce qu’a pu être la civilisation mississippienne. Les touristes peuvent explorer le parc grâce à un circuit de randonnée d’une quinzaine de kilomètres qui fait le tour du site ou bien en se hissant sur le tertre des Moines, plus grand terrassement d’Amérique du Nord (environ 30 mètres sur 300). Un centre d’interprétation y propose cartes de randonnée, audioguides, mais aussi une maquette grandeur nature d’un village typique.

Cet article a été adapté de National Geographic Lost Cities of the Ancient World, qui embarque les lecteurs pour un voyage épique dans le monde des civilisations antiques et de leur merveilles archéologiques.

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