Le mythique théâtre de Néron a été découvert

Les archéologues ont découvert en plein cœur de Rome, tout près de la basilique Saint Pierre, un monument longtemps évoqué dans les textes sans jamais pour autant refaire surface : le théâtre de Néron.

De Marie Zekri
Publication 3 nov. 2023, 16:13 CET
Le Grand Incendie de Rome, 18 juillet 64 apr. J.-C. Huile sur toile peinte en 1785 ...

Le Grand Incendie de Rome, 18 juillet 64 apr. J.-C. Huile sur toile peinte en 1785 par Hubert Robert, aujourd’hui conservée au Musée des Beaux-arts André Malraux. 
 

PHOTOGRAPHIE DE Hubert Robert

En juillet dernier, lors d’une conférence de presse, une découverte tout à fait hors du commun a été annoncée. Une équipe d'archéologues a mis au jour le théâtre de Néron, dernier empereur romain de la dynastie julio-claudienne, qui a régné de l’an 54 à l’an 68 de notre ère. 

Depuis plus de trois ans, les archéologues de la Surintendance Spéciale de Rome, rattachée au Ministère de la culture italien, fouillent dans la plus grande discrétion la terre du jardin clos du Palazzo della Rovere qui se trouve à deux pas du Vatican et de la place Saint Pierre, dans le cadre de la reconfiguration de ce monument en hôtel de luxe. Selon le récent communiqué, cette découverte archéologique est d’une « importance exceptionnelle ». 

 

SUR LES TRACES DE NÉRON

Ce théâtre mythique a été érigé au premier siècle de notre ère par l’empereur Néron. « Ce dernier avait une passion débridée pour tout ce qui avait trait à l’art », explique Marzia di Mento, directrice des fouilles. Passionné de musique et de chant, Néron donnait dans sa jeunesse quelques représentations privées, auxquelles certains amis proches et jeunes courtisans venaient assister. 

C’est une fois monté sur le trône que le jeune empereur s’affranchit des contrindications de son précepteur Sénèque, lequel « ne se prêtait guère à ces performances publiques », et commença à se donner en spectacle face à de larges foules qui ne tarissaient pas d’éloges à son égard, dans l’espoir de s’attirer ses faveurs. « On pense que Néron répétait les spectacles qui se donnaient alors au théâtre de Pompée ou au théâtre Horti d'Agrippine : il s'agissait de répétitions ouvertes, devant un public », précise Marzia di Mento.

Le théâtre a été rapidement abandonné à la mort de Néron, et progressivement pillé, avant de tomber dans l’oubli sous le règne des dirigeants de la dynastie des flaviens (69 à 96 de notre ère), lesquels souhaitaient faire table rase du passé. Recherché pendant plus de deux millénaires, sans succès, seuls les textes antiques témoignaient de son existence.

« C'est depuis ce théâtre que, selon Tacite [consul, historien et auteur romain, ndlr], Néron chantait la destruction de Troie alors qu'il était témoin de l'incendie dévastateur de 64 de notre ère », explique Marzia di Mento. Le feu a en effet épargné cette construction chère à l’empereur qui se situait sur la rive droite du Tibre, à proximité du fleuve, tandis qu’il dévorait la ville côté rive gauche. Les terres désolées après l’incendie ont d’ailleurs permis au souverain d’ériger par-dessus les cendres de Rome, en l’an 65 de notre ère, un palais monumental en son honneur : la très célèbre Domus Aurea, « maison dorée ».

Les archéologues qui ont récemment sorti de terre cette nouvelle pièce maîtresse du puzzle de l’histoire de l’empire romain, ont mis au jour, centimètre par centimètre, des ruines enfouies au cœur de Rome depuis deux millénaires. « La Surintendance a demandé que des investigations archéologiques soient menées dans la zone pour déterminer s'il existait des structures incompatibles avec la création du nouveau jardin », explique l’archéologue en chef. C’est en creusant que « les murs de la salle du théâtre ont émergé à une profondeur d'environ 4 mètres ».

Gauche: Supérieur:

C’est au sein de la cours intérieure du Palazzo della Rovere qui se situe juste à côté de la basilique Saint-Pierre, au Vatican, que le fameux théâtre de Néron a été retrouvé. 

Droite: Fond:

Objets découverts sur le site de fouilles qui se rapportent à la fonction de l'antique théâtre.

Photographies de Soprintendenza Speciale di Roma

« Nous avons retrouvé une partie de la décoration attribuable au théâtre : des colonnes en marbre précieux placées dans le déambulatoire soutenant la salle, qui devaient autrefois décorer la scène ; des stucs à la feuille d'or comparables à ceux qui décoraient à la fois la Domus Transitoria puis la Domus Aurea ; des stucs avec de faux pilastres qui recouvraient la façade du théâtre » décrit Marzia di Mento raconte. « En outre, nous avons trouvé d'autres fragments de marbres colorés qui devaient orner d'autres parties de l'édifice et d'autres en bronze doré serti de quelques pierres précieuses, qui faisaient partie de la décoration des voûtes. »

Long de 42 mètres de diamètre, ce joyau de raffinement architectural qui a été construit sous Néron dans les anciens jardins de sa mère Agrippine, pouvait potentiellement accueillir des milliers de spectateurs dans ses gradins. Les archéologues ont découvert un hémicycle, une fosse, des gradins ainsi qu’une série de petites pièces qui devaient servir d’entrepôt pour les spectacles.

 

LE RÈGNE DE NÉRON

Qualis artifex pereo, formule latine qui peut se traduire par « Quel artiste le monde va perdre ! », serait selon Suétone la dernière phrase prononcée par le tristement célèbre empereur, dont le goût pour les arts n’avait d’égal que son ambiguïté. Déclaré ennemi public en 68 par le Sénat, Néron s’enfonça une dague au travers de la gorge, aidé d’un serviteur. Le court règne de cet empereur marqua l’histoire de Rome de l’an 54 à 68 de notre ère, laissant derrière lui une trainée de murmures dans les textes historiques, la démesure de ses constructions largement contestées par les sénateurs, qui l’accusaient de piller le trésor romain, la froideur des assassinats fomentés contre sa propre famille, ou encore son rôle ambigüe dans le grand incendie qui a ravagé Rome dans la nuit du 18 juillet 64 qu’il imputa aux premiers Chrétiens.

« Rien n'est si faible ou instable que le renom d'une puissance qui ne s'appuie pas sur une force à elle », écrivait Tacite. L’arrivée au pouvoir de cet empereur complexe résultait en effet des manigances de sa mère Agrippine, cruelle descendante de l’empereur Auguste et jeune sœur de Caligula, qu’elle tenta de faire assassiner. Pour se rapprocher du pouvoir, elle séduisit son oncle, Claude, et attendit les dix-sept ans de son fils Néron pour empoisonner l'empereur vieillissant. Néron monta sur le trône, accompagné de sa mère, alors au plus près de la réalité du pouvoir. Les pièces de monnaie de l’époque sont d’ailleurs frappées de leurs deux visages. 

Le jeune empereur, marié à la fille de Claude, Octavie, pour légitimer son ascension au pouvoir, était très attentif aux conseils de ses précepteurs qui l’éloignaient volontairement de sa mère. Pourvu d’une grande sensibilité au sort du peuple et des exilés, il mena une série d’entreprises qui visaient à supprimer l’impôt et rapatrier ceux qui avaient été injustement bannis. Plus tard détesté par les hautes classes de la société romaine, il fut probablement au début de son règne l’empereur romain le plus aimé du peuple. Il se dédia de plus en plus à sa passion pour les arts, et céda à son amour pour Poppée, sa seconde épouse.

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    Perdant le contrôle sur celui qui devait lui servir de marionnette, Agrippine tenta de faire assassiner son fils. Exilée, puis refusant le divorce avec Octavie et l’union avec Poppée que réclamait Néron, ce dernier finit par faire assassiner sa mère. L’empereur, ayant désormais les pleins pouvoir, épousa Poppée (qu’il tua en 65 d’un coup de pied dans le ventre, avant de l'élever au rang de déesse), offrit des jeux, de nouvelles arènes, de nouveaux théâtres, ainsi que de la nourriture à coût réduit au peuple afin d’accroître sa popularité. Il limita les pouvoirs du Sénat, ainsi que les pressions sur la pratique de l’esclavage, se refusa aux batailles ainsi qu’aux conquêtes vouées à étendre l’empire. Les textes anciens l’accusent d’avoir causé la ruine du trésor romain, pour assouvir son obsession de la scène et du luxe, notamment après l’incendie de Rome en 64.

    Cet évènement marqua le tournant qui conduisit l’empereur à sa chute tragique. Supposé se trouver, contrairement à la légende, non pas dans son fameux théâtre lors de l’incendie, mais dans la ville d’Antium, l’empereur revint à Rome en apportant un soutien aux plus démunis suite à la catastrophe. Le lien entre l’incendie et l’empereur qui se trouvait ailleurs au moment des départs de feu, interroge néanmoins toujours les historiens. 

    Cherchant un responsable, l’empereur Néron accusa les chrétiens de la ville. Les empereurs Claude et Caligula s’étaient déjà montrés, avant lui, hostiles aux pratiquants de cette nouvelle religion. Mais Néron fut le premier empereur à les persécuter. Il est notamment tristement célèbre pour avoir condamné au bûcher et aux lions de nombreux chrétiens qui servirent notamment lors de l’un de ses banquets de véritables torches vivantes, qui ornaient son jardin. L’histoire chrétienne se souvient notamment de lui, associé à la figure de « l’antéchrist », pour avoir fait exécuter les apôtres Pierre et Paul. 

    D’autre part, suite à l’incendie, l’empereur utilisa 50 hectares de terrain brûlé pour se faire construire un palais dont la superficie équivalait à vingt-cinq fois celle du Colisée, entre le mont Palatin et la colline de l’Esquilin. Il puisa dans les richesses de l’empire. Face aux coûts engendrés par la construction de cette Domus Aurea et par les difficultés rencontrées suite à l’incendie, l’empereur remit de très lourds impôts sur la population qui finit par le haïr. 

    De nombreux soulèvements éclatèrent à travers l’empire, notamment dans les provinces, où certains gouverneurs fomentèrent sa fin. Disparu en l’an 68, l’empereur Néron reste l’un des personnages historiques les plus complexes et les plus mystérieux de l’histoire.

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