Ces trois samouraïs ont unifié le Japon féodal

En conduisant à plusieurs reprises leurs armées à la victoire sur le champ de bataille, ces trois seigneurs de guerre firent de leur nation insulaire un pays plus uni après des décennies de tourmente politique.

De Patricia S. Daniels
Publication 16 juin 2023, 10:25 CEST

Trois samouraïs permirent d’unifier le Japon en tant que nation. On considère Oda Nobunaga, représenté ici, comme le plus éminent de ces guerriers.

ILLUSTRATION DE Science History Images, Alamy Stock Photo

À partir du 12e siècle, le Japon évolua vers un régime féodal. Si l’empereur était le chef d’État officiel, dans les faits, les shoguns, des commandants militaires, dirigeaient. Les daimyos, c’est-à-dire des seigneurs féodaux, administraient les provinces au nom de l’empereur. Chaque daimyo, en général issu de la classe des samouraïs, comptait sur d’autres samouraïs, ces célèbres combattants d’élite surentraînés, pour défendre ses biens et étendre son territoire, le tout en échange de propriétés.

Inévitablement, des daimyos rivaux en quête d’un règne sans partage finirent par se disputer le contrôle du royaume. Ces événements atteignirent leur apogée durant la époque Sengoku, également nommée « époque des provinces en guerre » (1467-1573). Avec le temps, le nombre de daimyos diminua, mais leurs armées terrestres comptaient parmi leurs rangs des dizaines de milliers de samouraïs.

Il fallut toutefois attendre que trois daimyos indomptables, avec le concours de leurs samouraïs, sortent tour à tour vainqueurs de la mêlée pour que le Japon commence à s’unifier. Voici l’histoire fascinante de Nobunaga, Hideyoshi et Ieyasu.

 

NUMÉRO UN : ODA NOBUNGA

Oda Nobunaga (1534-1582) était un seigneur de guerre relativement inconnu qui se fit une place sur le devant de la scène dans les années 1560. À la faveur d’un orage, il organisa un assaut audacieux contre Imagawa Yoshimoto, un daimyo rival dont les armées faisaient une halte dans une vallée étroite du nom d’Okehazama. Les soldats de Nobunaga fondirent sur leurs ennemis, bien plus nombreux, et s’en défirent en moins de quinze minutes. Sa réputation de chef de guerre redoutable était scellée.

Au moyen d’une série de mariages familiaux stratégiques et en remportant des batailles tout aussi stratégiques, Nobunaga consolida sa mainmise sur de nombreux territoires appartenant à ses ennemis. Ses armées, auparavant séparées en unités claniques diverses et variées, devinrent une force davantage centralisée avec des soldats répartis selon leur rôle. Parmi eux se trouvaient des guerriers maniant une arme nouvelle pour le Japon : l’arme à feu.

Détail d’une représentation du siège d’Osaka peinte sur un paravent.

PHOTOGRAPHIE DE Werner Forman, Universal Images Group, Getty Images

 

POUDRE À CANON

Les premières armes à feu à circuler au Japon, des arquebuses au canon allongé, étaient arrivées en même temps que des marins portugais ayant fait naufrage en 1543. Les habiles ferronniers japonais les élucidèrent rapidement et se mirent à produire des armes pour les daimyos en guerre. S’emparant rapidement de cette nouvelle invention, Oda Nobunaga fut le premier à mettre sur pied des unités équipées de mousquets. En 1575, lors de la bataille de Nagashino, ses tireurs, protégés par une palissade, prouvèrent leur valeur défensive en anéantissant la cavalerie ennemie qui progressait.

En 1582, Oda Nobunaga avait conquis le centre du Japon et était en train d’essayer d’asseoir son emprise sur l’ouest du Japon. En juin de cette année-là, il envoya des troupes au secours d’un allié, Toyotomi Hideyoshi. L’un des vassaux de Nobunaga, Akechi Mitsuhide, se rebella et l’attaqua dans l’enceinte d’un temple de Kyoto. Alors que le temple brûlait autour de lui, Nobunaga, blessé, mit fin à ses jours par seppuku (une éviscération rituelle auto-administrée).

Au moment de sa mort, Oda Nobunaga avait réussi à prendre le contrôle de près de la moitié du Japon.

 

NUMÉRO DEUX : TOYOTOMI HIDEYOSHI

L’assassin d’Oda Nobunaga resta approximativement deux semaines au pouvoir avant d’être à son tour anéanti par Toyotomi Hideyoshi (1537-1598), un allié de sa victime. Dans les années 1580, ce commandant talentueux, fils d’un bûcheron, agrandit les territoires déjà conquis par Nobunaga grâce à une série de batailles courageusement menées. Celui-ci était aussi malin en temps de paix qu’en temps de guerre. Lors de la Grande Chasse à l’épée de 1588, lors de laquelle il chercha à désarmer les paysans, il confisqua les épées de tous ceux qui n’étaient pas samouraïs, arguant qu’il avait besoin de faire fondre des armes afin de construire une statue de Bouddha. Par cette mesure, il consolida le pouvoir de la classe dirigeante et réduisit les chances de soulèvement. Il « récompensa » en outre les vassaux puissants pour leurs services en leur octroyant des terres éloignées de leurs centres traditionnels d’influence, ce qui lui permit de placer la majorité du pays sous son contrôle.

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    « Hideyoshi et ses troupes quittant le camp de Nagoya », Tsukioka Yoshitoshi, 19e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE Image By Tsukioka Yoshitoshi, Bequest of William S. Lieberman, The Met

    Après avoir détruit les châteaux de ses rivaux de moindre importance, il fit construire plusieurs forteresses à travers le Japon, et notamment le château d’Osaka. Cet édifice splendide servit de siège du pouvoir et de symbole d’autorité. Ses projets de construction de châteaux contribuèrent par ailleurs au développement de techniques d’architecture et d’ingénierie avancées.

     

    UN POUVOIR VACANT

    Après deux infructueuses tentatives d’invasion de la Corée dans les années 1590 (la guerre d’Imjin), Toyotomi Hideyoshi mourut en 1598, laissant derrière lui un jeune fils et un pouvoir vacant. Des forces rivales s’affrontèrent afin de s’en emparer. Les armées de l’ouest, commandées par Ishida Mitsunari, se rassemblèrent afin d’attaquer les forces de l’est, commandées par Tokugawa Ieyasu, autrefois l’un des plus puissants vassaux de Toyotomi Hideyoshi.

    Les deux armées se firent face dans le village de Sekigahara, au nord-est de Kyoto. Par une matinée brumeuse et pluvieuse d’octobre 1600, celles-ci prirent part à une bataille hors normes : les hommes de Tokugawa Ieyasu étaient 89 000 et ceux d’Ishida Mitsunari 82 000. La loyauté ou plutôt l’absence de loyauté détermina l’issue du conflit. Deux daimyos de Mitsunari, mécontents, avaient fait savoir en secret à Ieyasu qu’ils n’obéiraient pas aux ordres de leur commandant. Quand ses troupes refusèrent d’obtempérer, Mitsunari fut contraint de battre en retraite, et Ieyasu pu revendiquer la victoire.

     

    NUMÉRO TROIS : TOKUGAWA IEYASU

    Fort de ce triomphe, Tokugawa Ieyasu (1543-1616) pris le contrôle du Japon et, en 1603, l’impuissante cour impériale le nomma shogun (dictateur militaire), ce qui mit officiellement un terme à la période des Royaumes combattants. Il entreprit des chantiers, et notamment la construction d’un vaste château à Edo (actuelle Tokyo).

    La bataille de Sekigahara, communément nommée Tenka Wakeme no Tatakai ou « Bataille du royaume scindé », est une bataille décisive qui eut lieu le 21 octobre 1600 et qui ouvrit la voie du shogunat à Tokugawa Ieyasu.

    PHOTOGRAPHIE DE Pictures from History, Bridgeman Images

    En 1605, Tokugawa Ieyasu « prit sa retraite » et transmit le flambeau du shogunat à son fils, Hidetada ; indiquant par-là que si le shogun était en théorie le serviteur de l’empereur japonais, la maison Tokugawa était bel et bien la vraie dynastie du Japon et ce dernier un homme de paille.

     

    UNE DERNIÈRE OFFENSIVE

    Une menace demeurait malgré tout. L’héritier de Hideyoshi, Toyotomi Hideyori, désormais jeune homme, était retranché dans le château d’Osaka, entouré de vassaux et de ronins. En quête d’un prétexte pour l’attaquer, Tokugawa Ieyasu prétendit que Hideyori avait fait offense à sa famille en inscrivant un message sur la cloche d’un temple.

    Lors de l’hiver 1614-1615, un Ieyasu vieillissant assiégea le robuste château. Comme à Sekigahara, il surpassa ses ennemis par la ruse, aussi bien que par la force. Lors d’une trêve, ses hommes comblèrent les douves du château d’Osaka qui, privé de cette défense, tomba aux mains de l’ennemi. Le château, forteresse la plus inébranlable du pays, avait été capable de repousser des assauts inlassables, mais pas de supporter les ruses déterminées d’un vieux samouraï. Hideyori et sa famille mirent fin à leurs jours par suicide rituel.

    Ieyasu mourut l’année suivante, mais son héritage se perpétua jusqu’à la fin du shogunat Tokugawa (ou époque d’Edo), en 1867. Ses héritiers surent tenir d’une main ferme les seigneurs de guerre autrefois contestataires, et le pays connut stabilité et croissance économique.

    Des parties de cet ouvrage ont déjà été publiées dans Atlas of War de Patricia Daniels. Copyright ©2020 National Geographic Partners LLC.

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