Où est la vraie tête de Jean le Baptiste ?

Quatre sites religieux au moins affirment être en possession des restes de ce prédicateur biblique. Mais existe-t-il des preuves pour authentifier la vraie tête de Jean le Baptiste ?

De Melissa Sartore
Publication 13 sept. 2023, 16:09 CEST
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Salomé reçoit la tête de Jean le Baptiste sur ce tableau du début du 17e siècle peint par le Caravage. Dans la Bible, Hérode Antipas ordonne la décapitation du prédicateur chrétien pour avoir critiqué son mariage avec la mère de Salomé. La localisation précise de son crâne demeure une énigme.

PHOTOGRAPHIE DE DeAgostini, Getty Images

Comme tout un chacun, Jean le Baptiste n’avait probablement qu’une seule tête. Pourtant, au moins quatre sites religieux disséminés dans le monde entier affirment être en possession du crâne de cet influent personnage chrétien.

Jean le Baptiste était plus qu’un prédicateur, il fut l’homme qui baptisa Jésus. Souvent considéré comme précurseur du Christ, il aurait été, selon la Bible, le cousin de Jésus. Et à l’instar de son parent prophétique, Jean le Baptiste mourut pour ses croyances.

Les récits de la mort de Jean le Baptiste varient, mais un aspect de sa fin est enraciné dans la tradition chrétienne : sa décapitation. Mais qu’est-il advenu de sa tête ? Cela dépend à qui on pose la question, car au Moyen Âge, les reliques religieuses ont fait l’objet d’un important commerce.

Le chef de Jean le Baptiste illustre un vitrail de la basilique San Silvestro in Capite, à Rome. Il s’agit de l’un des quatre sites prétendant être en possession des restes du prédicateur.

PHOTOGRAPHIE DE Panther Media GmbH, Alamy Stock Photo

 

LA MORT DE JEAN LE BAPTISTE ET L’ESSOR DU COMMERCE DES RELIQUES

Les trois évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) s’accordent à dire que Jean le Baptiste fut décapité sur ordre d’Hérode Antipas, dirigeant de la Galilée. D’après le chapitre 14 de l’Évangile selon Matthieu, Hérode emprisonna Jean le Baptiste, car ce dernier avait critiqué son mariage avec l’ancienne femme de son frère, Hérodiade. Lorsque cette dernière poussa sa fille Salomé à demander à Hérode la tête du prédicateur sur un plateau, le tétrarque accéda à sa demande.

Après la décapitation de Jean le Baptiste, son corps aurait été enterré à Sebaste, en actuelle Palestine. Mais sa tête fut découverte puis enterrée de nouveau à de multiples reprises au cours des siècles qui suivirent et fit son chemin à travers la région sans qu’on ne puisse toutefois s’accorder sur les dates, les endroits et les façons dont cela s’était fait.

Durant l’Antiquité et le haut Moyen Âge, alors que le christianisme se propageait, le commerce de reliques s’est développé : des objets tangibles et sacrés du passé servant de rappels et de symboles de la dévotion chrétienne. Le commerce médiéval de ces objets très demandés était lucratif, comme l’était le simple fait d’en posséder une, car l’on voyait alors les dons affluer.

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    Des hommes prient à l’intérieur de la mosquée des Omeyyades lors de la dernière semaine du Ramadan, à Damas, en Syrie. La mosquée est construite sur une église chrétienne où, selon les traditions chrétienne et islamique, la tête de Jean le Baptiste serait enterrée.

    PHOTOGRAPHIE DE Omar Sanadiki, Reuters, Redux

    Un système de classification des reliques chrétiennes organisé selon leur importance vit alors le jour. Parmi les reliques de l’ordre le plus élevé se trouvait la tête de Jean le Baptiste. Il s’agissait d’un membre d’une figure vénérée, ayant eu un lien avec le plus saint des hommes. L’ambiguïté quant à ce qui est arrivé à la tête de Jean le Baptiste a donné lieu à d’innombrables histoires et traditions concernant son sort. Celles-ci ont à leur tour fait prétendre à de nombreuses personnes qu’elles se trouvaient en sa possession.

    Au Moyen Âge, templierscroisés et fidèles dévots ont tous affirmé être en possession de la tête de Jean le Baptiste. Par la suite, plusieurs têtes ne tardèrent pas à exister simultanément. C’est encore le cas de nos jours où l’on ne dénombre pas moins de quatre revendications principales se disputant l’hégémonie.

     

    QUATRE TÊTES À TRAVERS LA CHRÉTIENTÉ

    La première des quatre « têtes » de Jean le Baptiste se trouve à Damas, en Syrie, dans la mosquée des Omeyyades, construite sur une église chrétienne qui portait autrefois le nom du martyr. Selon les traditions chrétienne et islamique, sa tête aurait été enterrée dans l’église originelle dont la construction remonte à la fin du 4e siècle. Quand Al-Walid Ier, un calife omeyyade, fonda la mosquée au même endroit au début du 8e siècle, le chef aurait été incorporé dans une de ses colonnes.

    À Munich, au Musée de la Résidence, un reliquaire abriterait lui aussi la tête de Jean le Baptiste. Cette relique fait partie d’une vaste collection autrefois détenue par Guillaume V de Bavière et par son fils Maximilien Ier. Selon le musée, le pape aurait donné à Guillaume V la permission d’acquérir des reliques en 1577, mais on ignore si cette tête sainte en particulier est véritablement entrée en sa possession.

    San Silvestro in Capite, basilique catholique de Rome, prétend détenir le haut du crâne de Jean le Baptiste, sans la mâchoire. Au 9e siècle, l’église devint un lieu de conservation de reliques de saints et de martyrs des catacombes romaines et la tête de Jean le Baptiste serait l’une des nombreuses reliques présentes sur le site depuis la fin du 12e siècle au moins.

    La prétendue tête de Jean le Baptiste exposée au Musée de la Résidence, Munich.

    PHOTOGRAPHIE DE Zhanna Tretiakova, Alamy Stock Photo

    La quatrième tête de Jean le Baptiste est l’une des pierres angulaires de la cathédrale d’Amiens. Elle est arrivée par une route relativement empruntée au Moyen Âge : quand Walon de Sarton, prêtre officiant dans une église de Picardie, revint de croisade en 1206, il rapporta avec lui plusieurs reliques saintes, et notamment la tête de Jean le Baptiste qu’il aurait trouvée à Constantinople.

    Une balafre au-dessus du sourcil droit du crâne donna du crédit aux affirmations de Walon de Sarton, car Hérodiade avait infligé une blessure comparable au visage du martyr.

    En 1206, Walon de Sarton remit la tête à l’évêque Richard de Gerberoy. Quand la cathédrale telle que nous la connaissons fut achevée bien des années plus tard, le chef de Jean le Baptiste servit de pièce centrale dans le nouvel édifice ; une nécessité étant donné que dès 787, l’Église avait décrété que « tout évêque surpris à consacrer une église sans reliques devait être déposé comme quelqu’un qui a bafoué les traditions ecclésiastiques ».

    La présence du chef de Jean le Baptiste à Amiens était non seulement essentielle, mais ce fut également une aubaine pour l’église locale. En possession d’une relique aussi estimée, Amiens devint un important lieu de pèlerinage ainsi qu’un endroit visité par des membres de l’élite sociale.

     

    AUTRES REVENDICATIONS

    Il existe encore d’autres revendications, plus récentes, concernant certaines parties de la tête et du corps de Jean le Baptiste. Le palais de Topkapi, à Istanbul, affirme détenir le bras droit de Jean le Baptiste, dont il se serait servi pour baptiser Jésus, et possiblement une partie de son crâne. La chapelle dédiée à Jean le Baptiste à la cathédrale de Sienne affirme également être en possession du bras droit de l’homme vénéré.

    Les revendications contestées concernant le chef de Jean le Baptiste ne sont qu’un exemple de la façon dont la foi et les mythes entourant les vestiges sacrés se développèrent au Moyen Âge. Sans données génétiques issues d’une figure biblique ou sainte, il est vraisemblablement impossible de jamais authentifier avec certitude une relique, quelle qu’elle soit, et donc celles de Jean le Baptiste. Dans son cas, la difficulté de retracer l’itinéraire emprunté par sa tête à partir du moment où elle fut détachée de son corps ajoute une nouvelle couche d’incertitude ; et il est tout à fait possible qu’aucune des prétendues têtes de Jean le Baptiste ne soit celle d’un homme saint.

    Vue de l’antiquarium du Musée de la Résidence, à Munich, qui était autrefois la résidence royale de Guillaume V de Bavière qui collectionnait de nombreuses reliques, dont la prétendue tête de Jean le Baptiste.

    PHOTOGRAPHIE DE TAYLOR KENNEDY, SITKA PRODUCTIONS, Nat Geo Image Collection

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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