Comment Marie-Antoinette a révolutionné la mode

À la veille de la Révolution française, les dames de Versailles s'efforçaient de se conformer aux normes de mode établies par la reine, ce qui ne contribua pas à calmer l'agitation sociale croissante à Paris.

De María Pilar Queralt del Hierro
Publication 30 nov. 2023, 10:17 CET
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Dans ce tableau de 1775 de Jean-Baptiste-André Gautier-Dagoty, Marie-Antoinette donne un concert.  Musée de Versailles

PHOTOGRAPHIE DE Erich Lessing, Album

Versailles n’était pas seulement le centre du pouvoir politique français, mais aussi de la mode française. Depuis le règne de Louis XIV, les aristocrates français se tournaient vers la royauté pour savoir ce qu'il ne fallait pas porter. La cour de France était régie par des règles strictes qui déterminaient le type de robes, de tissus et d'accessoires à revêtir en fonction de la saison, de l'heure de la journée et de l'occasion. Au début des années 1700, le règne de Louis XIV était dominé par le style baroque dans les domaines de l'art, de la musique, de l'architecture et de la haute couture. Sous le Roi-Soleil, les ornements, les tissus riches et sombres et les motifs lourds et élaborés étaient ce que l’on voyait le plus à la cour.

Après la mort de Louis XIV en 1715, les styles vestimentaires commencèrent à évoluer. La mode s'orienta vers un style plus léger et frivole, passant du baroque au rococo. Ce dernier se caractérisait par des couleurs pastel, des robes plus décolletées et beaucoup de froufrous, de volants, de nœuds et de dentelle. Ce style se répandit, d’abord en France avant d’être copié par l'élite dans d'autres capitales européennes.

 

CHANGEMENTS DE COSTUMES

Avant d'épouser Louis XVI en 1770, Marie-Antoinette était une princesse autrichienne. Le vêtement ayant toujours été un puissant indicateur de nationalité, lorsque la jeune princesse quitta l'Autriche pour se rendre en France afin de se marier, son entourage s’arrêta à la frontière entre les deux pays pour lui retirer tous ses vêtements autrichiens et l’habiller avec des vêtements fabriqués en France. Ce rituel marquait sa transformation de princesse autrichienne en future reine française.

Une fois devenue reine en 1774, Marie-Antoinette adopta la passion pour la mode de sa nouvelle nation. Ce centre d'intérêt se fondait dans la culture plus large du vêtement qui règnait à Versailles. Au 18e siècle, toute dame bien née avait l'ambition d'impressionner la cour par ses vêtements, ce qui n'était pas mince affaire. La pression de la consommation ostentatoire à Versailles et les règles complexes de l'étiquette imposaient aux femmes de ne pas porter deux fois la même tenue, du moins sans y apporter des modifications minutieusement choisies et onéreuses.

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    PLUS IL Y A DE VOLUME, MIEUX C'EST

    Le goût pour les vêtements féminins spectaculaires se traduisit par un retour à des jupes particulièrement larges, soutenues par une armature. Connue sous le nom de guardainfante, élément caractéristique de la mode espagnole plus tôt, au 17e siècle, la jupe était initialement conçue pour cacher les grossesses. Dans la première moitié du 18e siècle, elle fut réimaginée et prit le nom de panier, en allusion à la forme de panier inversé de la jupe. Les paniers pouvaient atteindre des tailles gigantesques, jusqu'à quatre mètres de diamètre. Ce type de vêtement n'avait donc pas pour objectif d’être confortable ou pratique. Par exemple, deux femmes ne pouvaient pas se croiser dans l'embrasure d'une porte ou s'asseoir l'une à côté de l'autre dans un carrosse.

    Contrairement à la guardainfante du 17e siècle, le panier français déplaçait le volume de la jupe vers les hanches et le corset accentuait cet effet en relevant le buste et en rétrécissant la taille. Il était attaché dans le dos par des bretelles, de sorte qu'une femme noble devait demander l'aide de servantes pour s'habiller. Ses sous-vêtements se composaient d'une longue camisole qui lui arrivait aux genoux et d'un jupon qui s'étendait de la taille aux chevilles.

    La variante la plus connue de cette mode de cour était la robe à la française, qui s’imposa dans les années 1740 en France, popularisée par Madame de Pompadour, la maîtresse de Louis XV. Elle avait une forme moins exagérée que les robes précédentes, offrant ainsi une plus grande mobilité. Madame de Pompadour privilégiait les volants et la dentelle et aimait mettre son cou en valeur avec du velours orné d'une fleur ou d'un bijou.

    Une série de robes féminines légèrement moins formelles fut introduite aux alentours des années 1760. L'une d'entre elles, appelée la polonaise, s'inspirait des styles vestimentaires polonais. Elle était moulante et froncée par un cordon dans le dos, ce qui lui donnait un effet volumineux. Plus courte que la robe française, elle laissait voir le jupon et les chevilles et permettait de se déplacer plus facilement.

    Polonaise de 1775, Victoria and Albert Museum, Londres

    PHOTOGRAPHIE DE Vanda Images, Photoaisa

    Une autre robe à la mode en France était la robe à l'anglaise, qui illustrait l’attrait de plus en plus prononcé des Français aisés pour tout ce qui était anglais. Cette robe comportait des éléments inspirés de la mode masculine, comme les vestes courtes, les revers larges et les manches longues. La redingote, par exemple, dérivée de « riding coat » (manteau d’équitation), était à mi-chemin entre la cape et le pardessus.

    Les accessoires étaient tout aussi importants pour l'apparence d'une femme que sa robe. Toute cérémonie officielle requérait que les dames se couvrent les mains et les bras avec des gants si leurs vêtements étaient sans manches. Selon les règles de la mode, elles pouvaient porter des gants laissant apparaître la moitié de la longueur de leurs doigts seulement en été. 

    L'un des accessoires les plus importants était l'éventail. La culture de Versailles mêlait le badinage amoureux à la dissimulation, et les éventails étaient utilisés pour faire des avances et séduire par un langage gestuel complexe. 

     

    LA MODE ET LES AFFAIRES

    La frivolité de la mode française du 18e siècle était sous-tendue par des considérations économiques concrètes. Le goût des classes supérieures françaises pour les vêtements donna naissance à une industrie textile dynamique, qui avait été soigneusement protégée par les politiques protectionnistes de Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV. Les manufactures dites royales contribuèrent un l'essor de l'industrie de la soie à Lyon. Les progrès techniques et les avancées en matière de teinture favorisèrent d’autant plus les entreprises privées et les manufactures de bas, de chapeaux et de lingerie prospérèrent. L'usine textile de Christophe-Philippe Oberkampf à Jouy-en-Josas, par exemple, employa environ 900 ouvriers en 1774.

    Le Petit Trianon, salon de Versailles où Marie-Antoinette pouvait s'isoler de l'agitation de la cour.

    PHOTOGRAPHIE DE Dagli Orti, Age Fotostock

    Parmi les créateurs de mode français notables du 18e siècle, Marie-Jeanne Bertin, également connue sous le nom de Rose, fut la pionnière de la haute couture française à la fin du siècle. Elle ouvrit son propre magasin de mode à Paris en 1777 et devint rapidement la couturière de prédilection. Ses talents furent notamment reconnus par la duchesse de Chartres, qui la présenta à Marie-Antoinette elle-même. La reine fut si séduite par ses créations qu'elle se fit construire un atelier à Versailles où Rose, sa « ministre de la Mode », pouvait créer des modèles toujours plus extravagants pour la reine. Ses créations furent copiées dans les cours de Londres, de Venise, de Vienne, de Lisbonne et de bien d'autres capitales.

    Rose créa également des poupées portant des vêtements spécialement confectionnés pour elles. Elles étaient achetées par des collectionneurs ou envoyées en cadeau à d'autres cours européennes. Ces figurines permettaient également aux dames étrangères de suivre la mode française et de se commander les robes les plus récentes et les plus élégantes. Marie-Antoinette contribua donc à faire de la France la capitale de la mode européenne tout au long du 19e siècle et au début du 20e siècle.

    À une occasion, Joseph II d'Autriche fit remarquer que la perruque élaborée portée par sa sœur Marie-Antoinette était « trop légère pour supporter une couronne ». Il était compréhensible que l'empereur autrichien établisse un parallèle entre le style vestimentaire de sa sœur et son rôle de reine car la garde-robe somptueuse de Marie-Antoinette ne faisait qu'accroître son image de dépensière frivole, l'une des principales raisons pour lesquelles le peuple français finit par la mépriser. Cette antipathie entraîna la chute de la monarchie et conduisit la reine à la guillotine en 1793.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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