L’architecture gothique a vu le jour en France, à Saint-Denis

La basilique de Saint-Denis, sépulture des rois et des reines de France et leurs nombreuses icônes, a inspiré une véritable révolution architecturale.

De Editors of National Geographic
Publication 6 oct. 2023, 15:29 CEST
Panneau gothique médiéval représentant le Christ et la Croix de la Basilique Cathédrale de Saint Denis, ...

Panneau gothique médiéval représentant le Christ et la Croix de la Basilique Cathédrale de Saint Denis, en Île-de-France.

PHOTOGRAPHIE DE funkyfood London - Paul Williams / Alamy Banque D'Images

Les cathédrales gothiques, qu’il s’agisse de celle de Saint-Denis, de Notre-Dame de Paris, de Chartres, de Reims ou d’Amiens, se distinguent pour une bonne raison. Leurs arcs-boutants, leurs tours aériennes et leurs vitraux qui donnent l’impression d’être sous l’eau servent de vitrine à un harmonieux mélange d’inspiration divine et d’artisanat humain qui captive les âmes depuis des siècles. Celles-ci virent le jour au Moyen Âge et sont le résultat d’une quête de hauteur et de luminosité maximales qui révolutionna la façon dont on conçut et construisit par la suite d’autres cathédrales et grands édifices religieux.

L’histoire de leur naissance, due à la convergence de plusieurs éléments architecturaux cruciaux, commence avec Suger, un puissant et industrieux abbé de Saint-Denis. 

L’ABBAYE

Tout commença lorsque le roi Dagobert fonda l’abbaye de Saint-Denis au 7e siècle. Il fit construire l’édifice en périphérie de Paris, au nord, sur le tombeau de Saint-Denis, saint patron du royaume de France à qui l’on devrait l’introduction du christianisme en Gaule. L’église devint le lieu de sépulture des reines et rois de France (dont Dagobert) ainsi que le reliquaire des couronnes, des sceptres, des joyaux et d’autres insignes servant lors des couronnements.

Vers 1122, l’abbé Suger, proche conseiller des rois de France Louis VI et Louis VII, fut nommé abbé de Saint-Denis. Immédiatement, deux problèmes se présentèrent à lui. Tout d’abord, l’abbaye n’était pas assez grande pour accueillir les foules de pèlerins qui venaient lors des jours de fête, « car l’étroitesse du lieu obligeait les femmes à se précipiter vers l’autel en piétinant la tête des hommes comme on piétine la chaussée, animées d’une grande angoisse et dans une confusion bruyante », écrivait-il. À cette époque, les églises étaient de style roman, avec des voûtes en berceau, des murs épais et de petites fenêtres qui en assombrissaient l’intérieur et les rendaient exiguës et structurellement impossibles à modifier.

Suger s’intéressait également à la doctrine de Jean Scot Érigène, qui traduisit et commenta l’œuvre du Pseudo-Denys l’Aréopagite, qui associait la lumière à la puissance de Dieu. Suger vit comment on pouvait se servir de la lumière pour élever la conscience humaine du royaume terrestre vers celui des cieux. Et il comprit que les fenêtres, et en particulier les vitraux, qui inondaient l’intérieur de lumière, était le moyen idéal d’y parvenir. Mais personne ne savait comment incorporer des vitraux lourds dans l’édifice roman sans faire s’effondrer les murs qui les entouraient.

Ainsi, Suger eut besoin de créer davantage d’espace intérieur et de trouver un moyen d’étayer l’édifice. Il opta pour un trio d’innovations architecturales, dont certaines avaient été mises en œuvre ailleurs et d’autres lui sont attribuées, et il trouva une façon de les réunir en un « tout unifié », ainsi qu’il le décrivait. En conservant l’abbaye originelle de Saint-Denis, il employa ces éléments pour construire une nouvelle basilique qui transforma l’architecture occidentale. 

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    À Saint-Denis, ce détail du vitrail de l’Arbre de Jessé représente l’abbé Suger, qui était persuadé que ce style de fenêtre allait transformer le royaume terrestre en un royaume céleste rempli de lumière.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman Images

    La croisée d’ogives : Suger parvint à faire construire une nef bien plus élevée en ayant recours à des croisées d’ogives pour le plafond. Cette nouvelle méthode d’étayage structurelle s’appuyant sur un réseau complexe de petits arcs diagonaux, permit de distribuer le poids du toit et des murs supérieurs plus efficacement, ce qui permit d’obtenir un espace intérieur plus haut et plus ouvert.

    L’arc brisé : la croisée d’ogive permit quant à elle la création de l’arc brisé. Ce dernier n’était en fait pas une nouveauté ; il venait du monde arabe où on l’utilisait depuis des siècles déjà. Mais en ce qui concerne Saint-Denis et la construction d’églises en général, ce fut révolutionnaire. Si l’architecture romane avait recours à des arcades (que les Romains perfectionnèrent pour construire leurs aqueducs, leurs ponts et leurs cirques), les arcs brisés servaient quant à eux à distribuer le poids des voûtes de manière verticale plutôt qu’horizontale, ce qui permettait d’avoir des colonnes élancées et des arches ouvertes hautes et larges.

    L’arc-boutant : fruit de l’évolution de supports plus simples et cachés trouvant leur origine chez les Grecs et les Romains, l’arc-boutant soutenait l’extérieur de l’édifice grâce à sa nature arquée ou inclinée, comme un bras tendu. Plus exactement, il permettait de transférer le poids du toit loin des murs et sur les éléments extérieurs. Cette invention, combinée avec l’arc brisé, permit aux murs de continuer à s’élever et à d’imposants vitraux d’y être insérés.

    Le plafond de la cathédrale Saint-André de Wells, en Angleterre, arbore des croisées d’ogives.

    PHOTOGRAPHIE DE Chris Dorney, Getty Images

     

    NOUVEAUX SOMMETS

    Grâce à l’intégration de ces éléments architecturaux, Saint-Denis vit le jour en 1144. Dans cet édifice gracieux et léger aux murs fins et élancés, les vitraux géants laissaient pénétrer une lumière colorée dans le vaste espace intérieur. Auparavant, aucun autre édifice n’avait atteint une telle transparence aérienne laissant tant la place à la lumière.

    Mais ce n’est pas tout. Suger ajouta des chapelles rayonnantes autour du déambulatoire du chœur, créant ainsi un arrangement visuellement éblouissant et fonctionnel qui devint une caractéristique distinctive des cathédrales gothiques. Il recruta en outre des artisans et des ouvriers habiles pour créer des statues, notamment des gargouilles et des chimères, ainsi que d’autres formes de décorations, à la fois à l’intérieur et sur la façade de l’édifice, qui procurèrent non seulement un plaisir visuel mais qui offrirent également aux masses de croyants illettrés un moyen de s’éduquer. Statues et vitraux mettaient en images des passages de la Bible, des symboles et des signes destinés à quiconque passait devant ces églises ou y entrait, servant en quelque sorte de Bible du pauvre.

     

    INFLUENCE DURABLE

    Première cathédrale gothique de la France du Moyen Âge, Saint-Denis servit de modèle à d’autres cathédrales et églises de style gothique de France et d’ailleurs, et notamment à Notre-Dame de Paris, dont la construction débuta en 1163 et s’acheva pour l’essentiel en 1260. Le style ne tarda pas à se propager à l’Angleterre (on pense notamment à la célèbre cathédrale de Canterbury et à l’abbaye de Westminster), à l’Allemagne, à l’Espagne, à l’Italie et à d’autres pays.

    La basilique de Saint-Denis est la nécropole où furent enterrés la quasi-totalité des rois et reines de France du 10e au 19e siècle.

    PHOTOGRAPHIE DE Emile Luider, Rea, Redux

    Il fallut bien souvent des décennies, voire des siècles, pour construire ces beautés gothiques, et des générations d’architectes, de bâtisseurs et d’artisans contribuèrent à leur édification. Ces bâtiments majestueux devinrent immanquablement les pièces maîtresses des villes et contribuèrent à la vie culturelle et religieuse de l’Europe médiévale. Ils furent également des symboles du pouvoir et de l’influence de l’Église catholique. En surplomb des villes, tendues vers le ciel, elles devinrent des expressions tangibles de la vision du monde médiéval. Elles reflétèrent une foi en l’importance du culte divin et en l’intrication du religieux, du politique et du social.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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