COVID-19 : des grands singes ont reçu le vaccin élaboré pour les animaux

Des orangs-outans et des bonobos du zoo de San Diego, aux États-Unis, ont reçu un vaccin contre le coronavirus après que certains gorilles ont été testés positifs en janvier.

De Natasha Daly
Photographies de Brent Stirton
Publication 5 mars 2021, 12:46 CET
San Diego Zoo gorilla troop

Frank, un gorille de douze ans résident du zoo de San Diego a été photographié après son rétablissement du coronavirus. Le personnel du zoo a reçu un vaccin expérimental contre la COVID-19 de la part du groupe pharmaceutique vétérinaire Zoetis après qu’un groupe de huit Gorilles des plaines de l'Ouest (Gorilla gorilla gorilla) est tombé malade en janvier. Ils pourront également l’administrer à d’autres grands singes dont ils s’occupent, comme des bonobos (Pan paniscus) ou des orangs-outans (Pongo).

PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton, Getty Images pour National Geographic

Un orang-outan nommé Karen, la première de son espèce à recevoir une chirurgie à cœur ouvert en 1944, a de nouveau marqué l’histoire : elle fait partie des premiers grands singes à recevoir un vaccin contre la COVID-19.

En février, Karen, trois autres orangs-outans et cinq bonobos du zoo de San Diego, ont chacun reçu deux doses d’un vaccin expérimental élaboré pour les animaux et développé par un groupe pharmaceutique vétérinaire, explique Nadine Lamberski, cheffe du département de la conservation et de la santé de la faune de la San Diego Zoo Wildlife Alliance.

« Ce n’est pas habituel. Au cours de ma carrière, je n’ai jamais eu accès à un vaccin expérimental aussi tôt dans le processus et je n’ai jamais eu autant envie d’y avoir accès », déclare Mme Lamberski.

Nadine Lamberski, directrice du département de la santé de la faune de la San Diego Zoo Wildlife Alliance, se tient à l’extérieur de l’enclos des gorilles. Après un mois de travail acharné à s’occuper des premiers primates non-humains à avoir été testés positifs au coronavirus, elle a pris la décision de vacciner les autres grands singes de l’établissement. « Au cours de ma carrière, je n’ai jamais eu accès à un vaccin expérimental aussi tôt dans le processus et je n’ai jamais eu autant envie d’y avoir accès », déclare-t-elle.

PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton, Getty Images pour National Geographic

Cet évènement majeur fait suite à une autre nouvelle : en janvier, huit gorilles du San Diego Zoo Safari Park ont été les premiers grands singes à être testés positifs au coronavirus. Winston, un gorille dos argenté de 49 ans, a également été frappé par une maladie cardiaque et une pneumonie. Après avoir reçu un traitement expérimental à base d’anticorps, il est sur la voie de la guérison, à l’instar de ses compagnons.

Au niveau mondial, des infections ont été également déclarées chez des tigres, des lions, des visons, des léopards des neiges, des couguars, des furets ainsi que chez des chiens et des chats domestiques. Toutefois, le fait que les grands singes puissent être porteurs du virus SARS-CoV-2 inquiète particulièrement les scientifiques. (À lire : Les primates présenteraient plus de risques de contracter la COVID-19)

Il reste moins de 5 000 gorilles dans la nature et puisqu’ils vivent en groupes, ce que les chercheurs redoutent, c’est que l’un d’entre eux attrape le virus, que l’infection se propage rapidement et menace ces populations déjà fragiles.

Plus d’un an après le début de la pandémie, on ne dispose que de très peu d’informations quant aux effets du virus sur les animaux. Dans de nombreux cas, la communauté vétérinaire ne peut s’appuyer que sur des données restreintes, en récupérant le plus d’informations possible à partir de cas et de foyers isolés au sein d’une poignée d’espèces.

Après qu’un premier chien a été testé positif au virus à Hong Kong en février 2020, le groupe pharmaceutique vétérinaire Zoetis s’est attelé à mettre au point un vaccin contre la COVID-19 pour les chiens et les chats. Dès octobre, le groupe était convaincu de son efficacité et de sa fiabilité pour les deux espèces. Lorsque le groupe de gorilles du parc animalier a été testé positif en janvier, Mme Lamberski était déjà en contact avec Zoetis et suivait de près le développement du vaccin.

Bien que le vaccin n’ait été testé que sur les chats et les chiens, elle a décidé que le risque valait la peine d’être pris. Entre le parc safari et le zoo, son équipe et elle-même s’occupent de treize gorilles, huit bonobos et cinq orangs-outans. Tous sont potentiellement vulnérables et passent de nombreuses heures dans des enclos intérieurs, là où la propagation de la maladie est la plus probable. En février, alors qu’ils étaient distraits grâce à des friandises, neuf grands singes du zoo de San Diego sont devenus les premiers primates non-humains à recevoir un vaccin contre la COVID-19 aux États-Unis.

Les singes vaccinés n’ont souffert d’aucun effet indésirable et se portent bien selon Mme Lamberski. Le sang prélevé sur l’orang-outan Karen et sur un des bonobos révélera bientôt s’ils ont développé des anticorps ou non. La présence de ces derniers indiquerait que le vaccin fonctionne. Trois doses restantes seront bientôt administrées à des bonobos et à un gorille, qui eux, n’avaient pas contracté le virus (le groupe des huit grands singes infectés est logé séparément au sein du parc safari).

 

MESURER LES RISQUES

Personne ne savait si le vaccin allait être efficace sur les singes et il n’était pas possible d’être sûr qu’il ne provoquerait aucune réaction indésirable. Bien que tout vaccin puisse présenter des risques, et ce, chez toutes les espèces, « ce n’est pas comme si l’on prenait le premier vaccin venu et qu’on le donnait à une nouvelle espèce. Derrière ce vaccin, il y a de nombreuses recherches et beaucoup de réflexion. [On pèse le] risque de l’administrer mais aussi celui de ne pas l’administrer. Notre devise, c’est avant tout de ne pas faire de mal », affirme Nadine Lambersky.

Il est courant de prescrire un vaccin testé et développé pour une certaine espèce à une autre, assurent Mme Lamberski ainsi que Mahesh Kumar, vice-président du département des produits biologiques pour Zoetis. Cette pratique est rendue possible car les vaccins sont élaborés pour un agent pathogène spécifique, et non pour une espèce en particulier. « Nous utilisons régulièrement des vaccins conçus pour les chats et les chiens sur des lions et des tigres », témoigne Mme Lamberski. Les singes du zoo sont également vaccinés contre la grippe et contre la rougeole.

Ce qui rend un vaccin adapté à une espèce en particulier, ce sont uniquement des tests de sécurité et les adjuvants sont les produits qui activent le vaccin. Ces derniers, qui ne sont autres que des substances qui aident l’organisme à produire des anticorps dirigés contre un virus, sont essentiels pour favoriser l’acceptation du vaccin et ils varient d’une espèce à l’autre.

Ce vaccin expérimental fonctionne de la même manière que le vaccin Novavax élaboré pour les humains et qui est en cours de phase finale d’essais, explique M. Kumar. Plutôt que de recourir à un virus vivant, il fonctionne grâce à une protéine artificielle dénommée Spike qui permet d’activer les mêmes anticorps que ceux dirigés contre le virus vivant.

Les données obtenues par Zoetis révèlent que les chats et les chiens qui ont participé aux essais cliniques ont tous montré une réponse immunitaire notable après l’administration du vaccin, bien qu’on ne sache pas encore si celui-ci suffit pour prévenir l’infection. Selon M. Kumar, d’autres études sont encore nécessaires.

Selon Christina Lood, porte-parole du groupe Zoetis, d’autres zoos aux États-Unis ont également fait la demande de vaccin pour leurs grands singes. L’entreprise espère recevoir de nouvelles doses d’ici juin. Notre compréhension de l’efficacité du vaccin sera meilleure à mesure que les grands singes se feront vacciner et que de nouvelles données seront disponibles, affirme Mme Lamberski. Son équipe partage toutes les données récoltées jusqu’à présent avec d’autres vétérinaires de zoo aux États-Unis, mais aussi avec l’équipe vétérinaire du zoo de Prague, où un gorille et deux lions se sont révélés être positifs à la COVID-19 début mars.

Zoetis mène également des essais cliniques pour son vaccin sur les visons et prévoit de faire une demande d’autorisation de mise sur le marché une fois les essais achevés. Des millions de visons sont morts depuis le début de la pandémie et il est probable qu’ils aient transmis le virus aux Hommes dans certains cas.

 

DES GORILLES EN VOIE DE GUÉRISON

Après avoir attendu les soixante à quatre-vingt-dix jours recommandés post-infection, la San Diego Zoo Wildlife Alliance espère pouvoir vacciner à son tour le groupe de gorilles du parc safari au printemps. À terme, l’équipe envisage de vacciner leurs félins également, explique Mme Lamberski.

Elle déclare aussi soupçonner qu’un employé ayant été testé positif au virus ait transmis la maladie aux gorilles. Le groupe de singes présentait l’ensemble des symptômes, qu’ils soient légers (nez qui coule et toux légère) ou plus inquiétants (toux sévère, perte d’appétit et léthargie).

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    Remis sur pied et de nouveau exposés au public, deux individus du groupe de gorilles se détendent dans leur enclos. L’équipe de Mme Lamberski prévoit de leur administrer le vaccin expérimental plus tard au printemps.

    PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton, Getty Images pour National Geographic

    « Nous avons tout de suite été alarmés. [Nous étions] remontés à bloc. On parle là d’un groupe de huit individus », déclare-t-elle. Afin de déterminer les options qui s’offraient à elle, son équipe a fait appel à des collègues chargés de s’occuper de patients humains. « Il faut envisager tous les scénarios, que ce soit de ne pas intervenir et de laisser les choses suivre leur cours ou d’intuber un animal et de le mettre sous respirateur. »

    Au vu de l’état de Winston, le gorille dos argenté qui a développé une pneumonie et une affection cardiaque en plus d’une arythmie sévère, il est difficile de savoir si le virus a aggravé une pathologie sous-jacente (les affections cardiaques sont courantes chez les gorilles âgés) ou si c’est précisément ledit virus qui a causé ces symptômes. Quoi qu’il en soit, Mme Lamberski s’est inquiétée. « [Winston], c’est celui qui fait en sorte que le groupe reste soudé, explique-t-elle. Sa perte serait très lourde ».

    Après lui avoir administré un traitement à base d’anticorps monoclonaux, son état de santé s’est amélioré. On ne peut toutefois pas savoir à quel point son traitement l’a aidé à s’en sortir. « Je vous souhaite la bienvenue au sein de la médecine vétérinaire des zoos !, s’exclame Nadine Lamberski. C’est ça notre vie. On ne peut jamais savoir si on a aidé un animal ou s’il s’est rétabli tout seul ».

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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