La consommation d'alcool tue plus de femmes que jamais auparavant

Entre affaiblissement du système immunitaire et augmentation du risque de cancer du sein, l'alcool peut avoir de graves conséquences sur la santé des femmes, qui semblent pourtant en consommer de plus en plus chaque année.

De Meryl Davids Landau
Publication 23 août 2023, 17:56 CEST
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Les autorités sanitaires françaises recommandent de limiter la consommation d'alcool à deux verres par jour, et pas tous les jours. Cependant, d'un point de vue sanitaire, il est préférable de boire encore moins, voire pas du tout.

PHOTOGRAPHIE DE Artur Widak, NurPhoto, Getty Images

C’est à l’université que Jasmine Charbonier a commencé à consommer une grande quantité d’alcool. À 30 ans, elle buvait huit cocktails à base de tequila par jour, plusieurs fois par semaine. Il y a quelques années, lorsqu’elle a pris la décision d’arrêter de boire, elle a commencé à présenter des signes de manque, à sa grande surprise.

Selon les chercheurs, les hommes sont plus susceptibles de mourir à cause d’une consommation importante d’alcool et des maladies qui s’ensuivent. Mais les cas de décès chez les femmes sont en hausse. Les derniers chiffres, publiés en 2024, montrent que le taux de mortalité des femmes à cause d’une consommation excessive d’alcool a augmenté de 35 %, pour une hausse de 27 % chez les hommes.

Cette augmentation est due à une égalité des genres : les femmes lèvent à présent autant le coude que les hommes. Un sondage récent, mené par le gouvernement américain, révélait que 45 % des femmes ayant répondu avait bu au cours du mois qui précédait. À titre de comparaison, ce pourcentage était de 50 % chez les hommes. Les femmes âgées entre 30 et 40 ans boivent désormais plus que les hommes du même âge.

La tendance à la « beuverie express » ou « binge drinking » connaît également un essor chez les femmes. Et, bien que les maladies liées à l’alcool soient en baisse depuis la dernière décennie, chez les femmes comme chez les hommes, ce déclin s’observe plus chez ces derniers.

 

PLUSIEURS GROUPES DE FEMMES BOIVENT PLUS

À l’inverse des drogues dures, l’alcool est généralement considéré par les femmes comme étant un moyen moins dangereux de se détendre et de se relaxer, explique Dhruti Patel, une addictologue au sein de l'école de médecine Miller de l’université de Miami. « C’est légal, à la disposition de tous et ce n’est pas un tabou de la société, alors les femmes ne s’inquiètent pas de boire », développe-t-elle.

Pour Jasmine Charbonier, c’était le cas. « En vacances, j’étais l’amie qui buvait des mimosas dès 8 h du matin », confie la femme de 37 ans, bloggeuse et entrepreneure qui travaille sur les collectes de fonds à Tampa, en Floride. Boire rendait les soirées et les voyages plus amusants. Cela menait à de nouvelles rencontres et la faisait danser sans se préoccuper du regard des autres. En 2023, elle a temporairement arrêté de consommer de l’alcool pour perdre un peu de poids, et ses symptômes de manque l’ont prise de court. Envie irrésistible de boire, un stress qui atteignait des sommets, des tremblements de mains périodiques. « J’étais sous le choc, se rappelle-t-elle, je ne pensais pas être addict avant cela. »

La consommation importante d’alcool chez les femmes transcende les différences ethniques, socio-économiques et de modes de vie. Aux États-Unis, les femmes blanches représentent une grande partie des consommatrices d’alcool. Des études publiées en 2025 révèlent cependant que la consommation augmente parmi les femmes noires jeunes et d’âge moyen, ainsi que chez les jeunes femmes hispaniques qui émigrent dans le pays et adoptent la culture de l’alcool américaine. De plus en plus de jeunes femmes ont également tendance à faire des excès tant qu’elles n’ont pas d’enfants, ce stade de la vie étant associé à une diminution de la consommation d’alcool.

 

CORPS DIFFÉRENTS, EFFETS PLUS INTENSES

La tendance à affubler l’alcool de surnoms comme « courage en bouteille » invisibilise les effets néfastes sur la santé qu’ont même de petites quantités de vin, de bière ou de cocktails. Il y a de cela quelques années, la Fédération mondiale du cœur, une organisation à but non-lucratif, a remis en question l’idée reçue qu’un verre de vin par jour était bon pour la santé. Le groupe déclarait que n’importe quelle quantité augmentait les risques de maladies cardiovasculaires, d’AVC et d’anévrismes. En 2023, l’Organisation mondiale de la Santé en a rajouté une couche et déclarait qu’aucune quantité d’alcool n’avait de bienfaits pour la santé.

Même en consommant la même quantité d’alcool que les hommes, les femmes sont plus enclines à pâtir de ses effets néfastes. Par exemple, des scientifiques qui évaluent les effets de l’alcool chez les hommes et chez les femmes ont découvert que ces dernières étaient plus affectées dans les heures qui suivaient la consommation. Leur temps de réaction se voyait réduit et on observait une baisse de coordination dans leurs mouvements.

Les experts attribuent certaines de ces différences à la composition du corps des femmes, qui comporte plus de tissus graisseux et moins d’eau que chez les hommes de poids similaires. Cela conduit à une concentration plus élevée et plus persistante de l’alcool dans le sang. Les changements hormonaux sont également pointés du doigt pour le rôle qu’ils jouent dans la vitesse d’absorption de l’alcool.

De plus, les femmes qui consomment régulièrement de l’alcool développent un plus grand nombre de problèmes médicaux, et avec une quantité plus faible d’alcool que les hommes. Une analyse publiée en 2023 affirme que boire deux verres d’alcool par jour augmente le risque de mortalité chez les femmes, par rapport aux femmes qui ne boivent pas. Chez les hommes, consommer plus de trois verres par jour a les mêmes conséquences.

 

DÉCÈS À CAUSE DE L’ALCOOL

En France, l’alcool provoque chaque année 49 000 décès et, en Europe, sa consommation se cache derrière plus de 7 % des maladies et des décès. Aux États-Unis, jusqu’en 2007, les morts dues à l’alcool étaient relativement stables pour les hommes et les femmes. Elles ont légèrement augmenté jusqu’en 2018 où elles ont connu une drastique montée en flèche, chez les femmes, les décès augmentaient de 15 % par an, et de 12,5 % pour les hommes.

Il ne s’agit cependant pas là d’une surprise pour Ibraheem Karaye, professeur adjoint de santé publique à l’Université Hofstra à Hempstead, qui étudie ce problème. « Les études montrent que les consommations d’alcool chez les hommes et chez les femmes sont de plus en plus similaires et que les complications sont de plus en plus nombreuses chez les femmes. Il n’est donc pas étonnant d’observer ces différences de sexe dans les décès. » Une partie de cette forte augmentation pourrait également être attribuée à la crise des opioïdes car les personnes addicts ont tendance à consommer plus d’une substance dangereuse, ajoute le professeur.

L’alcool peut tuer rapidement. Il attaque le cœur et les reins lors d’une intoxication alcoolique, il est à l’origine d’accidents de voiture, de chutes ou de noyades après une consommation excessive. Mais la plupart des morts sont le reflet d’une consommation sur le long terme, explique Ibraheem Karaye, notamment lorsqu’il s’agit de maladies du foie, du pancréas ou du cœur.

La boisson est également l’un des facteurs menant au cancer du sein, dont les risques sur la vie grimpent de 9 % lorsque l’on consomme même un seul verre par jour et chaque verre de plus fait monter les chiffres. L’alcool perturbe aussi le système immunitaire, ce qui peut conduire à une augmentation du nombre d’infection et augmenter le temps de cicatrisation après une blessure ou une opération. Les problèmes liés à la fertilité ou à la ménopause prématurée découlent eux aussi d’une consommation excessive d’alcool. Et, bien sûr, la consommation d’alcool chez la femme enceinte représente un risque pour l’enfant à naître, qui pourrait développer des problèmes physiques, mentaux ou comportementaux.

 

LES ALTERNATIVES À L’ALCOOL

Ce sont près de 1,5 million de personne en France qui seraient dépendantes à l’alcool, tandis que 2,5 millions auraient une consommation à risque.

Les femmes ne se rendent cependant pas toujours compte de la quantité d’alcool qu’elles consomment. La taille des verres est à blâmer pour cela, il est parfois difficile d'estimer la quantité d’alcool contient un verre de vin. Partager une bouteille de vin à deux représente environ trois verres par personne.

Les recommandations françaises préconisent de ne boire que deux verres par jour, mais pas chaque jour. Cependant, d’un point de vue de santé, Dhruti Patel recommande d’en boire moins, voire pas du tout.

Réduire sa consommation d’alcool, c'est d'abord le remplacer lors d’événements sociaux. Jasmine Charbonier, quand ses amis boivent de la tequila, préfère l’eau. Commander un verre d’eau pétillante, un jus de fruit ou un mocktail au dîner ou au bar avec ses amis permet tout de même de trinquer, dit Dhruti Patel. Elle recommande également de dire à sa famille et à ses amis que l’on souhaite arrêter de boire.

Les personnes qui se reposent fréquemment sur la boisson pour gérer leur stress ou qui souffrent régulièrement de symptômes de surconsommation, la léthargie, l’esprit embrumé, doivent en parler à leur médecin traitant, insiste l’addictologue. Cette personne pourra ainsi recommander de parler à un psychologue afin d’apprendre d’autres moyens de faire retomber la pression ou de rejoindre un groupe de soutien tel que les Alcoolique Anonymes.

Le médecin pourrait également orienter vers un psychiatre, à même de prescrire des médicaments pouvant soulager ce manque. Seulement, ces médicaments ayant surtout été testés sur les hommes, on ignore encore leurs effets sur la santé ou la mortalité des femmes.

D’autres nouveaux traitements sont en projet. Lorsque la substance psychédélique, la psilocybine, principe actif de certains champignons hallucinogènes, était administrée à deux reprises en même temps qu’une psychothérapie, on observait une diminution significative de consommation importante d’alcool chez les personnes dépendantes. Des recherches préliminaires sur un analogue du GLP-1, le sémaglutide, ont montré une baisse de l’envie de boire de l’alcool.

Jasmine Charbonier est parvenue à arrêter la boisson seule, motivée par son bien-être physique et mental. Elle n’est plus victime d’insomnie, à la place, elle dort d’un sommeil profond et réparateur. Sa peau est plus belle, elle n’a plus de sautes d’humeur et son travail la comble. Elle attribue ce dernier avantage à une meilleure attention et concentration. « L’alcool freinait ma créativité et me faisait croire que je ne pouvais pas tout faire, des pensées que je n’ai désormais plus », se réjouit-elle.

Diminuer sa consommation pourrait avoir un autre effet, comme le montrent encore et encore les recherches. Cela pourrait lui avoir sauvé la vie.

Cet article, publié le 23 août 2023, a été mis à jour le 14 mai 2025, agrémenté de nouvelles recherches.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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