Les sodas "light" donneraient encore plus faim

Il devient de plus en plus compliqué de penser que les sodas sans sucre aident à perdre du poids : des études montrent qu’ils perturbent le cerveau et déclenchent l’envie de manger.

De Lori Youmshajekian
Publication 26 juil. 2025, 09:17 CEST
Les édulcorants artificiels que contiennent les sodas sans sucre déclenchent une activité du cerveau liée à ...

Les édulcorants artificiels que contiennent les sodas sans sucre déclenchent une activité du cerveau liée à la faim, questionnant leur rôle dans la régulation du poids.

PHOTOGRAPHIE DE Narong KHUEANKAEW, iStock, Getty Images

Des millions de personnes se tournent chaque jour vers les sodas « zéro » pour réduire leur consommation de sucre, contrôler leur poids ou essayer d'avoir un mode de vie plus sain. Mais de nouvelles études suggèrent que ces boissons aux édulcorants artificiels pourraient faire plus que satisfaire une envie gourmande ; elles perturberaient également en douce la manière dont le cerveau perçoit la faim.

Les édulcorants artificiels sont depuis longtemps sujets à la controverse du fait de leur lien possible avec le cancer et une mauvaise santé intestinale. Cependant, certaines études suggèrent que certains d'entre eux, comme le sucralose, pourraient stimuler les régions du cerveau impliquées dans le signalement de la faim, déclenchant potentiellement une envie de manger. Il n’est pas encore clair si cela mène à une prise de poids ou non, mais il devient de plus en plus compliqué de soutenir que les sodas sans sucre aident effectivement à perdre du poids.

 

LA DIFFÉRENCE ENTRE LE SUCRALOSE ET LE SUCRE

Lorsque l’on consomme des aliments ou des boissons caloriques, comme un soda sucré, le corps initie une série de réponses en cascade afin de traiter cette source d'énergie. Le glucose passe dans le sang, les intestins sécrètent des hormones telles que le GLP-1 et la leptine, et le pancréas produit de l’insuline. Ensemble, ces signaux avertissent l’hypothalamus, le centre de commande de la faim du cerveau, que de l’énergie est arrivée, ce qui participe au sentiment de satiété.

Mais cette boucle de rétroaction cesse de fonctionner lorsque des édulcorants comme le sucralose entrent en jeu. De tels changements peuvent être observés grâce à des IRM fonctionnelles qui montrent l’activité de l’hypothalamus et ses connexions aux autres régions du cerveau, explique Kathleen Page, endocrinologue et directrice de l’institut contre le diabète et l’obésité de la faculté de médecine Keck School de l’université de Californie du Sud. « Nous pensons que [l’activité] serait un biomarqueur du signalement de la satiété », continue-t-elle. Consommer du glucose cause typiquement une baisse de l’activité hypothalamique, ce qui est associé à la sensation d’être repu. Le sucralose, un édulcorant artificiel, semble en revanche augmenter l’activité dans cette région du cerveau.

L’équipe de Kathleen Page a testé cette hypothèse en donnant à soixante-quinze jeunes adultes des boissons adoucies soit avec du sucralose, du sucrose (le sucre de table) ou simplement de l’eau. Ils ont découvert que les boissons au sucralose augmentaient l’afflux en sang vers l’hypothalamus et, en conséquence, augmentaient la faim, tandis que les boissons au sucrose réduisaient cet afflux sanguin et, ainsi, la faim. De plus, ils ont remarqué que, à l’inverse du sucrose, le sucralose n’augmentait pas les niveaux d’insuline et de GLP-1 dans le sang, certaines des hormones liées au signalement de la satiété. Des études précédemment menées sur des souris avaient montré des résultats similaires.

Une explication possible ? La déconnexion entre le goût et la nutrition. Le sucralose est des centaines de fois plus sucré que le sucre mais ne contient aucune calorie. « Lorsque le cerveau reçoit un signal qui lui annonce la présence de sucre, il anticipe les nutriments qui devraient suivre », explique l’endocrinologue. Mais quand ils n’arrivent pas, cette déconnexion stimule l’appétit « parce que le cerveau est toujours à la recherche de ce nutriment », insiste-t-elle, ajoutant que ce phénomène a été observé chez les souris, qui cherchent des aliments plus sucrés après avoir consommé des édulcorants artificiels.

Les eaux pétillantes aux arômes naturels sont des options sans sucre et sans édulcorants recommandées par ...

Les eaux pétillantes aux arômes naturels sont des options sans sucre et sans édulcorants recommandées par les experts pour modérer sa consommation de sodas « zéro ».

PHOTOGRAPHIE DE Olga Yastremska, Alamy

 

LES SODAS SANS SUCRE FONT-ILS PRENDRE DU POIDS ?

Les édulcorants artificiels n’affectent pas seulement le cerveau, mais aussi le métabolisme. Une étude menée en 2020 a révélé que la consommation de sucralose et de glucides, qui sont transformés en glucose dans le corps, perturbait le métabolisme du glucose en rendant les participants à l’étude moins sensibles à l’insuline. « En ajoutant un édulcorant artificiel, on change le destin métabolique du glucose », déclare Dana Small, neuroscientifique et psychologue spécialiste du métabolisme au sein de l’université McGill de Montréal, principale actrice de cette étude.

Bien que les édulcorants artificiels semblent perturber ces signaux, on ne sait pas s’ils mènent à une prise de poids. Plusieurs cohortes d’études de grande échelle ont associé les édulcorants artificiels à un risque accru d’obésité et de prise de poids. Une étude récente a révélé que celles et ceux qui buvaient des boissons sans sucre tous les jours avaient plus de risque de développer un diabète de type 2. Et d’autres nouveaux résultats montrent qu’une haute consommation de boissons « zéro » et de saccharine (mais pas d’aspartame ou de sucralose) est liée à un plus grand risque de développer le diabète. Une autre étude menée sur vingt ans a révélé que les personnes accumulaient plus de graisse corporelle si elles consommaient fréquemment des édulcorants.

Mais corrélation ne signifie pas causalité. « Les personnes qui consomment des édulcorants artificiels dans leurs boissons sont plus susceptibles de penser à leur poids », affirme Dana Small. « Est-ce l’édulcorant artificiel qui provoque la prise de poids, ou est-ce la prise de poids qui appelle à la consommation d’édulcorant artificiel ? » Toutefois, les agences internationales ont pris en compte ces résultats dans leurs recommandations de santé. L’Organisation mondiale de la santé a averti sur l’usage d’édulcorant artificiel pour gérer son poids en 2023, citant des preuves qui les associaient à un risque accru d’obésité et de diabète de type 2.

Des tests randomisés contrôlés ont également produit des résultats conflictuels. Certains montrent que remplacer les boissons sucrées par des édulcorants artificiels, surtout dans le cadre d’un régime pour perdre du poids, peut mener à une modeste perte de poids. Mais d’autres études montrent le contraire. Des résultats présentés cette année lors d’une convention organisée par l’Association américaine contre le diabète ont montré que les femmes souffrant d’un diabète de type 2 qui troquaient les boissons sans sucre contre de l’eau étaient deux fois plus susceptibles d’entrer en rémission. Elles perdaient également deux kilogrammes de plus en moyenne que celles qui continuaient de boire des boissons « zéro ».

 

POURQUOI LA FAIM NE COMPTERAIT PAS

Alors même que les études montrent que les édulcorants artificiels pourraient stimuler l’appétit, certains chercheurs avancent que la faim elle-même ne serait pas la raison pour laquelle on mange.

« Ce n’est pas si commun de manger parce qu’on a faim et de s’arrêter quand on est repu », déclare Richard D. Mattes, scientifique spécialiste de la nutrition de l’université Purdue de l’État de l’Indiana. L’ennui, l’envie d’une expérience sensorielle ou le contexte social dans lequel on se trouve font partie des raisons qui nous poussent à manger. « La faim est une contributrice mineure de ce concept », affirme-t-il.

Dans un monde idéal, tout le monde ne boirait que de l’eau. « Mais le problème, c’est qu'on choisit une boisson pour satisfaire d’autres désirs de stimulation sensorielle », continue le scientifique. Si une boisson sucrée faible en calories remplace une boisson riche en calories et aide les personnes à s’en tenir à un régime, alors elle a une utilité, termine-t-il.

Toutefois, d’autres appellent à faire preuve de davantage de prévenance au vu des preuves de plus en plus nombreuses quant aux effets néfastes de ces boissons. Kathleen Page recommande à ses patients souffrant de diabète de ne pas boire de boissons sucrées, que le sucre soit naturel ou artificiel, car peu importe sa source, le sucre peut attiser l’appétit ou déclencher des envies. Pour ceux qui ne peuvent se résigner à abandonner les bulles des sodas, elle recommande de s’en tenir à des eaux gazeuses aux arômes naturels.

« Ce qu’il faut retenir, c’est que les édulcorants artificiels ne sont pas inertes comme on le pensait », déclare Dana Small. « Et je pense que la masse de preuve que nous avons suggère qu’ils ne sont pas bons pour la santé. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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