Séisme en Russie : les scientifiques ne l’attendaient pas avant des années
Voici ce que les scientifiques savent à propos du séisme de magnitude 8,8 survenu au large de la Russie et pourquoi le tsunami qu’il a généré était plus petit qu’anticipé.

Cette vue aérienne de la ville de Severo-Kourilsk montre les inondations causées par les vagues du tsunami provoqué par le séisme de magnitude 8,8 qui a frappé le large de la péninsule russe du Kamtchatka. Le tremblement de terre a eu lieu le 30 juillet à 11 h 24, heure locale (1 h 24, heure de Paris), avec un épicentre à 20,7 kilomètres de profondeur.
Au large de la péninsule russe du Kamtchatka, dans l’Extrême-Orient du pays, un énorme séisme a fait trembler la région tôt ce mercredi matin. D’une magnitude de 8,8 sur l’échelle de Richter, l’énergie relâchée par ce séisme représentait plusieurs fois celle de la plus grosse bombe atomique jamais explosée.
« C’est un séisme d’une violence inouïe », confie Harold Tobin, directeur du Pacific Northwest Seismic Network (Réseau de surveillance sismique du nord-ouest du Pacifique) de l’université de Washington.
La Terre n’avait en effet pas connu de séisme aussi puissant depuis 2011, lorsqu’un tremblement de terre d’une magnitude de 9,1 au large du Japon avait provoqué la catastrophe nucléaire de Fukushima. « [Le séisme de Russie] fait partie des dix séismes les plus puissants jamais enregistrés par les sismomètres », raconte Steven Hicks, sismologue du London College. Le tremblement de terre n’a pas simplement secoué le plancher marin : « il l’a brisé », explique le scientifique.
Le danger était immédiatement clair : cette rupture du plancher marin a généré un dangereux tsunami menaçant les côtes de multiples pays qui bordent l’océan Pacifique. En conséquence, de nombreuses alertes ont été déclenchées en hâte, notamment sur l’entièreté des côtes ouest d’Amérique du Nord, ainsi que dans certains pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud.
Le séisme a frappé le long d’un schisme tectonique connu pour être à l’origine de tremblements de terre et de tsunamis dévastateurs. Par chance, le pire scénario imaginé ne s’est pas produit. Dans la nuit, les vagues ont frappé les côtes de trois des îles Marquises mais aucun dégât majeur ni aucune perte civile n’ont été enregistrés. En Russie, les vagues ont inondé les rues et le port de la ville de Severo-Kourilsk. Plus loin au nord de la ville, sur la péninsule du Kamtchatka, une vague de plus de 3 mètres de haut a fait l’objet d’un signalement.
Si les risques de tsunami sont passés et que les alertes ont été levées petit à petit au cours de la journée de mercredi, au moins six répliques ont suivi peu après le séisme, dont l’une a atteint une magnitude de 6,9 sur l’échelle de Richter. Les autorités restent vigilantes quant aux possibles retombées.
QUELLE EST LA CAUSE DE CE SÉISME ?
De tels événements extrêmes sont appelés mégaséismes à cause de leur ampleur terrifiante et du lieu où ils frappent. L’épicentre de ce mégaséisme se trouve sur un véritable champ de bataille géologique qualifié de zone de subduction. Là-bas, la plaque tectonique du Pacifique se heurte à la plaque eurasienne avant de passer en-dessous. « Lorsque ces deux plaques se rencontrent, la faille de chevauchement se retrouve coincée et restreint le mouvement, accumulant ainsi l’énergie des plaques durant des centaines d’années », explique Steven Hicks. « Cette énergie est ensuite soudainement relâchée au cours de mégaséismes. »
Ce n’est alors pas surprenant qu’un méga séisme se soit produit au large des côtes du Kamtchatka. « De violents tremblements de terre se sont déjà produits là-bas par le passé. Nous savions qu’il fallait s’attendre à ce que quelque chose se produise dans cette zone de subduction », confie Christine Houser, géophysicienne de l’Institut de technologie du Japon.


En réponse aux alertes de tsunami, le chemin de fer électrique d’Enoshima a été suspendu le 30 juillet 2025 à Kamakura, dans la préfecture de Kanagawa, au Japon.
Un programme télévisé d’informations tient les personnes informées quant aux risques et à la progression des tsunamis. Ils se sont réfugiés dans la mairie de Tanabe, dans la préfecture de Wakayama, au Japon, le 30 juillet 2025.
L’Institut américain de géophysique (USGS, U.S. Geological Survey) a expliqué qu’il s’agissait d’un événement induit par une faille inverse. Autrement dit, un gros bloc de la croûte terrestre localisé au-dessus de la faille s’est soudainement mis en mouvement, chevauchant ainsi un autre bloc, positionné cette fois-ci sous la faille. Lorsque cela s’est produit, une ligne de faille s’est brisée le long d’une centaine de kilomètres, en l’espace de quelques secondes, libérant autant d’énergie qu’environ 240 millions de tonnes de TNT. « C’est un séisme violent, il n’y a aucun doute là-dessus », déclare Harold Tobin.
La grande ville la plus proche du séisme était Petropavlovsk-Kamtchatski, la capitale du kraï du Kamtchatka, où vivent plus de 180 000 personnes. Selon une estimation de l’USGS, au moins 250 000 habitants de la région ont ressenti des secousses ayant causé des dégâts. Plus d’une vingtaine de répliques ont suivi le tremblement de terre initial, dont l’une a atteint une magnitude de 6,9 sur l’échelle de Richter. Les scientifiques s’attendent à ce que ce type de répliques se poursuivent encore au moins quelques jours.
LE PRÉLUDE POSSIBLE D’UN AUTRE ÉVÉNEMENT
Même si le lieu où le mégaséisme s’est produit n’apparaît pas comme une surprise, la date, elle, est inhabituelle. En 1952, tout proche du lieu de ce séisme colossal, un autre tremblement d’une magnitude destructrice de 9,0 avait frappé la région. Un événement qui avait également généré un puissant raz-de-marée.
Cette pause de quelques décennies entre cet ancien mégaséisme et celui d’il y a deux jours peut sembler long, mais pas à l’échelle géologique. En général, lors de ces événements violents, « la pression s’accumule et un puissant séisme se produit pour la relâcher », explique Christine Houser. Plusieurs siècles s’écoulent ensuite avant le prochain tremblement.
Ce n’est clairement pas ce qu’il s’est produit dans notre cas. « Est-ce que j’aurais prédit un autre séisme d’une magnitude approchant 9,0 seulement quelques décennies après le dernier ? Probablement pas », s’exprime Harold Tobin.
Cette courte période écoulée entre deux mégaséismes suggère que ces gigantesques zones de subduction peuvent accumuler une quantité explosive d’énergie sur une période relativement courte. En attendant, les scientifiques ne sont pas sûrs de comprendre comment cela a pu se produire. « C’est un témoignage de notre ignorance », déplore Christine Houser.
Il est cependant important de souligner que les séismes les plus violents ne respectent que rarement des calendriers précis. « On ne parle pas d’une horloge », explique Harold Tobin. Les comprendre reste l’une des questions les plus cruciales dans le domaine des géosciences. Une énigme sans réponse qui signifie que, pour l’instant, personne ne peut prédire avec certitude quand se produira le prochain séisme d’importance.


Les premières vagues du tsunami ont frappé la côte pacifique du Japon à Shiogama après que le séisme de magnitude 8,7 s’est produit au large de la péninsule russe du Kamtchatka le 30 juillet 2025.
Les voitures sont à l’arrêt sur l’autoroute panaméricaine de Panama City, le mercredi 30 juillet 2025, après que des alertes au tsunami ont retenti, conséquences du séisme survenu au large de la Russie.
Dans le même registre, un séisme de magnitude 7,4, menaçant aussi de créer un raz-de-marée, avait frappé la même zone de subduction une semaine plus tôt. Les sismologues se demandent à présent s’il ne s’agissait pas d’un précurseur, ou du moins d’un possible avertissement de l’événement catastrophique de Russie.
« Nous n’avons [pour l’instant] aucun moyen de dire si un séisme de magnitude 7,0 peut être suivi d’un tremblement de terre plus violent », déclare Lucile Bruhat, sismologue travaillant dans le milieu des assurances. Il subsiste cependant une possibilité que ce séisme de magnitude 7,4 survenu plus tôt ce mois-ci « pourrait avoir déclenché le séisme [russe]. Mais ne nous pourrons valider cette hypothèse qu’après avoir analysé le motif laissé par les glissements et les ruptures. »
D’une certaine manière, ce séisme de magnitude 8,8 « est presque une répétition de celui de magnitude 9,0 », selon Harold Tobin. Mais les séismes de magnitudes similaires peuvent relâcher des quantités bien différentes d’énergie. Malgré sa puissance légèrement plus élevée, le tremblement de terre de 1952 était deux fois plus énergétique que celui de mercredi. Cela explique également pourquoi il a été beaucoup plus destructif et meurtrier.
LES PEURS DE TSUNAMI NE SE SONT PAS CONCRÉTISÉES
Aussi terrifiant que le séisme ait pu être, les inquiétudes se sont immédiatement concentrées sur le raz-de-marée qu’il aurait pu provoquer. « Ces mégaséismes qui frappent les zones de subduction peu profondes peuvent engendrer de gigantesques tsunamis parce que la portion de faille qui se déplace atteint presque, voire traverse, le plancher marin, déplaçant d’énormes volumes d’eau dans la mer au-dessus », explique Steven Hicks.
Calculer la hauteur que pourraient atteindre les vagues dudit tsunami est complexe. Suivant les lieux, la forme et la topographie sous-marine des littoraux peuvent également affecter le développement du raz-de-marée. « L’énergie de la vague est guidée par la profondeur de l’eau en un lieu donné », explique Harold Tobin. Dans tous les cas, au vu de la nature du séisme en lui-même, la menace était évidente. « Annoncer un tsunami était la bonne marche à suivre. »
Les pays qui bordent le Pacifique ont immédiatement été placés en alerte. La région qui a subi le plus de dégâts est celle du sud-est du Kamtchatka, où des vagues de plus de 3 à 4 mètres ont été observées. Dans certains lieux, des infrastructures se sont fait balayer, mais aucune perte n’est pour le moment à déplorer. « Il s’agit d’une région où la population est assez dispersée, il n’y avait donc pas un grand potentiel meurtrier, par chance », déclare Harold Tobin.
Un vaste volume d’eau a toutefois été déplacé au large de l’océan, engendrant des mesures d’évacuation en Japon, dans quelques îles du Pacifique et à Hawaï. Au Japon, les premières vagues du tsunami, petites, mesuraient une trentaine de centimètres. Elles ont cependant plus tard atteint près de 1,5 mètre et des vagues du double de cette taille ont été annoncées sur certaines côtes. Hawaï a, elle aussi, observé des vagues d’un peu plus d’un mètre.
Les répliques, y compris celles capables de générer de plus petits raz-de-marée, continueront pendant un petit moment. Mais même si les dommages causés par les premières grandes vagues sont toujours en cours d’analyse, le Pacifique a évité un sort funeste. « L’amplitude du tsunami était moindre que le pire scénario envisagé », termine Harold Tobin.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
